J'ai eu la chance de rencontrer René Frégni en Février 2018 à l'occasion de la remise du Prix des Lecteurs Gallimard 2017 qu'il avait remporté pour Les vivants au prix des morts. Immédiatement, j'avais été conquise par l'humanité et la générosité de l'homme sans oublier le talent de l'auteur. En ce début d'année et pour mon plus grand plaisir, il est revenu avec Minuit dans la ville des songes (Gallimard). Ce roman a été l'un des huit finalistes du Prix du Cercle littéraire de Maffliers 2022.
J’avais été jadis un voyageur insouciant. Je devins un lecteur de grand chemin, toujours aussi rêveur mais un livre à la main. Je lus, adossé à tous les talus d’Europe, à l’orée de vastes forêts. Je lus dans des gares, sur de petits ports, des aires d’autoroute, à l’abri d’une grange, d’un hangar à bateaux où je m’abritais de la pluie et du vent. Le soir je me glissais dans mon duvet et tant que ma page était un peu claire, sous la dernière lumière du jour, je lisais. J’étais redevenu un vagabond, mal rasé, hirsute, un vagabond de mots dans un voyage de songes.
Autant vous prévenir de suite, lire ce livre est dangereux pour la santé. En effet, Minuit dans la ville des songes m'a provoqué une double fracture du cœur. Mais n'allez surtout pas m'imaginer souffrante, je ne le suis point. Si je souffre, ce n'est que d'avoir terminé trop vite, trop tôt, ce sublime roman qui nous plonge dans l'univers aussi chaotique que poétique de ce Cher Monsieur Frégni.
Le narrateur de Minuit dans la ville des songes ressemble à s'y méprendre à son auteur. Il nous embarque sur les chemins de l'école buissonnière, nous fait vivre les plus grandes émotions de sa vie qu'il a mises en musique. Il raconte sa vie d'avant et celle d'après. Celle d'avant sa rencontre avec la littérature, celle où sa mauvaise vue et son léger strabisme l'handicapaient, celle où il avait l'école et les livres en horreur. Parce que ses camarades le surnommaient quatre yeux, il a préféré, au grand désespoir de sa maman, faire les 400 coups plutôt que de s'instruire. Et puis, parce qu'il était rebelle et déserteur et qu'il s'est fait rattraper par les autorités, il est passé par la case prison. Certes, il n'a pas touché vingt mille, mais un trésor inestimable. C'est à cet instant qu'a commencé sa vie d'après.
Parce qu'il avait repéré sur son numéro d'écrou que le jeune détenu était originaire de Provence, l'aumônier de la maison d'arrêt lui a apporté de quoi s'évader. Un livre de Jean Giono. Il ne manquait plus qu'une paire de lunette pour que René Frégni découvre le pouvoir des mots et de la littérature. C'est entre ces quatre murs, que l'auteur est tombé en amour pour les livres au point de lire tout ce qu'il était possible de lire dans ce lieu. Puis est venu le temps de l'évasion, la vraie. René Frégni est alors devenu un lecteur de grand chemin. Partout où il a marché, partout où il s'est planqué, il a lu. Il a lu tout Dostoïevski face à la mer en Corse, il a vécu de grands chagrins et de grandes joies à travers les livres de tous les grands écrivains qu'il a dévorés. Sans le savoir, ces derniers ont été ses professeurs particuliers. Véritable autodidacte, René Frégni a tout appris dans les livres. Et c'est exactement cela qu'il raconte dans Minuit dans la ville des songes, le parcours d'un cancre marseillais, d'un minot qui a préféré s'acoquiner de tous les garnements, les vauriens et les petits voyous de Marseille avant d'apprendre à ramasser des mots et de se construire sa maison. Sa maison de mots.
Je rends grâce à ces passeurs de livres, de mots, que René Frégni a croisés. Sans eux, sans sa maman à qui il rend tout l'amour qu'elle lui a donné, nous n'aurions pas la chance de lire ce merveilleux conteur qu'il est devenu. Sans eux, je ne me serai jamais délectée de son pouvoir d'émerveillement, de sa poésie, de son émotion et de son humanité. Cher Monsieur Frégni, vous m'avez doublement fracturé le cœur, mais je vous le dis, je n'ai pas souffert. Vous lire a été un enchantement. De cela, MERCI !
Belle lecture !
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