samedi 31 août 2019

Mon avis sur "Un dieu dans la poitrine" de Philippe Krhajac

Enfant de l'Assistance publique passé par douze familles d'accueil, Philippe Krhajac est comédien. Un dieu dans la poitrine est initialement paru chez Flammarion sous le titre Une vie minuscule. Il lui aura fallu dix années pour écrire ce roman semi-biographique qui a été boudé par certaines maisons d'édition parisiennes jusqu'à ce qu'un heureux hasard tende alors la main à l’auteur rouennais. C'est en demandant à une éducatrice spécialisée de relire son manuscrit que ce dernier a terminé entre les mains d'une éditrice chez Flammarion. Décidément, la vie est une succession de rencontres ponctuée de rendez-vous manqués.

Phérial a quatre ans lorsqu’il est placé dans un orphelinat. Loin de se douter que le chemin sera périlleux, il traverse sa réalité d’enfant abandonné en se jouant comme il peut du cortège des misères sans fin, des familles d’accueil, des éducations aux mille règles, mille abus, mille mensonges. Ne perdant jamais de vue son désir profond : retrouver peut-être, un jour, sa maman, il avance sans relâche et au cours de ses péripéties rencontre trois femmes d’exception. Trois fées, n'est-ce pas d'excellent augure pour que l'enfant puisse devenir le fils du père, le fils de la mère puis l'homme qu'il doit être ? 

Récit initiatique des temps modernes, Un dieu dans la poitrine est un premier roman dans lequel la poésie, portée par une magistrale fureur de vivre, gifle tour à tour déception et tristesse. Comment grandir, se construire lorsqu'on a été abandonné, lorsque l'histoire ne cesse de se répéter et que l'angoisse de l'abandon s'installe ? Comment faire confiance aux adultes lorsque ces derniers volent ce que l'enfance a de plus précieux : l'innocence ? 

N'allez pas vous imaginer que ce récit est d'une noirceur plombante, il est tout l'inverse. En effet, toute la force de Un dieu dans la poitrine tient au fait qu'il aborde des sujets tels que la maltraitance, l'enfance bafouée par la perversité des adultes, sans haine, sans colère et sans jugement. Un dieu dans la poitrine est un roman poignant, teinté d'une violence susurrée, ponctué de touches poétiques, d'humour et de bonheurs fugaces. Ajoutez à cela une bonne dose d'optimisme et vous vous retrouvez avec un roman sincère et lumineux. Un dieu dans la poitrine est un véritable hymne à la vie. 

Côté écriture, point de sentimentalisme mièvre. Philippe Krhajac a préféré allier cruauté et humour, ce qui enveloppe son récit d'une touchante pudeur. Un dieu dans la poitrine est un premier roman à découvrir. Un grand merci aux Éditions Folio.

Belle lecture !

mardi 27 août 2019

Mon avis sur "Tropique de la violence" de Natacha Appanah

Nathacha Appanah est journaliste et romancière mauricienne. Elle a quitté son île paradisiaque pour la France. Paru en 2016, Tropique de la violence est issu de l'expérience de son séjour à Mayotte où elle a découvert une jeunesse à la dérive. Ce roman a remporté pas moins de treize prix. Il est disponible en poche chez Folio que je remercie au passage.

Marie a vingt-six ans lorsqu'elle rencontre Chamsidine, infirmier comme elle. Elle en a vingt-sept quand ils se marient, vingt-huit quand elle part vivre à Mayotte, cette île française nichée dans le canal du Mozambique. Marie se désespère d'avoir un enfant. Elle a trente et un ans quand Cham l'a quitte pour une autre. Elle en a trente-trois quand une jeune comorienne de seize ans abandonne entre ses bras son bébé de quelques jours qui porte malheur. Mais ce petit ange est parfait. Il a juste un œil noir et l'autre vert. Il est atteint d'hétérochromie, une anomalie génétique bénigne. Marie le prénomme Moïse. La vie sʼécoule tranquillement jusqu'à l’adolescence. Puis, le jeune garçon se lie avec Bruce, chef de gang animé par la rage, qui l’embarque dans l’enfer des rues. Marie meurt. Moïse a seize ans et commet un meurtre.

Tropique de la violence est un roman polyphonique qui met en lumière l'incandescence d'une île de l'océan indien qu'un rien suffirait à embraser. Avec un sens de la narration parfaitement maîtrisé, Natacha Appanah donne voix à ses cinq personnages qui dépeignent un quotidien fait de misère et de violence. On reçoit leur témoignage en pleine face tel un uppercut. Dans ce pays magnifique, sauvage et au bord du chaos, la jeunesse est abandonnée, livrée à elle-même. Tropique de la violence est bien plus qu'un roman, c'est un véritable réquisitoire contre la misère, un appel au secours pour sauver cette île abîmée, coincée entre pression migratoire et montée infernale de la violence.

L'écriture simple et fluide de l'auteure, son style aride et envoûtant rend le tout éminemment puissant, rude, obscur, violent. Terriblement violent. Un peu trop peut-être pour une lecture d'été.  

Belle lecture !

jeudi 22 août 2019

Mon avis sur "On ne meurt pas d'amour" de Géraldine Dalban-Moreynas

Géraldine Dalban-Moreynas a débuté sa carrière comme journaliste dans différentes rédactions avant de prendre la tête de la communication du Ministère de la cohésion sociale et de la Parité en 2006. Deux ans après, elle fonde son agence de communication et de relations presse qu'elle fermera en 2018 pour se lancer dans une nouvelle aventure : la décoration. 
On ne meurt pas d'amour est son premier roman. Il est publié aux Éditions Plon et disponible aujourd'hui dans toutes les bonnes librairies. Et comme si sortir un premier roman lors d'une rentrée littéraire ne suffisait pas, l'auteure qui est également entrepreneuse ouvre en même temps sa nouvelle boutique à Paris. Une actualité particulièrement chargée !

Elle vient d'emménager avec son homme. Dans un grand loft qu'ils ont retapé. Elle doit se marier au mois de juin. La date est bloquée sur le calendrier de l'entrée. Il va emménager avec sa femme et sa petite fille au deuxième étage du bâtiment B. Les travaux sont presque terminés. Ils se croisent pour la première fois un dimanche de novembre, sous le porche de l'entrée. Elle le voit entrer, il est à contre-jour. Elle sent son corps se vider. Il la regarde. Il a du mal à parler. Plus tard, ils se diront que c'est à ce moment-là que tout a commencé. Ils se diront qu'il était vain de lutter. Il y a des histoires contre lesquelles on ne lutte pas.

S'il est vrai que l'On ne meurt pas d'amour, impensable de mourir sans avoir vécu un amour d'une telle puissance. Un amour fou, un amour dévorant. 
Un regard. Il aura suffi d'un regard pour que tout commence. Bien sûr, la raison l'emportera. Ils résisteront. Puis très vite n'y tenant plus, ils basculeront. Ne dit-on pas que le cœur a ses raisons que la raison ignore. Dès lors, une relation virtuelle basée sur des échanges de SMS, de courriels, de mots doux, de déclarations sensuelles s'installera. Mais du virtuel au charnel il n'y a qu'un pas que ces deux-là franchiront. Viennent alors les mensonges, les rendez-vous secrets, les instants volés. Une passion dévorante consumera peu à peu les amants qui devront gérer cet adultère qui se joue sous les fenêtres de leur conjoint respectif. Les amants peuvent-ils avoir un avenir commun ? Aura t-elle la force de quitter celui à qui elle devait s'unir ? Aura t-il la force d'abandonner sa femme et sa petite fille ? 

On ne meurt pas d'amour est une histoire très contemporaine, presque banale, mais ô combien exceptionnelle au vu de l'intensité de ce que vivent ces amants. On aime avec eux, on souffre avec eux. On vit par procuration cette magnifique histoire d'amour impossible.

On ne meurt pas d'amour est un premier roman réussi d'une force inouïe. Il nous happe. L'écriture de Géraldine Dalban-Moreynas est vive, dépouillée, essentielle. L'auteure parvient à nous fait ressentir dans notre chair ce désir, ce besoin vital de l'autre, puis cette culpabilité qui ronge les sangs, cette lâcheté qui finira par habiter les amants.

On ne meurt pas d'amour se lit d'une traite. En apnée. Pour la petite anecdote, j'ai lu que l'auteure avait écrit ce roman il y a une dizaine d'années, qu'elle l'avait égaré puis au détour d'une conversation a révélé à une éditrice son existence. Fort heureusement, Géraldine Dalban-Moreynas a pu retrouver ce texte. Elle l'a retravaillé et voici qu'il compte parmi les livres de la rentrée littéraire. Quelle histoire, mais quelle histoire ! Un livre choc dont on va entendre parler.

Un conseil, foncez chez votre libraire préféré et laissez-vous happer par cette sublime histoire d'A. Quant à moi, je remercie vivement Babelio et sa masse critique.

Belle lecture !

mercredi 21 août 2019

Mon avis sur "Qui a tué Heidi ?" de Marc Voltenauer

Marc Voltenauer est pour le moins un auteur original. Il a longtemps hésité entre le foot et la paroisse. Après des études de théologie, c'est finalement vers la banque puis l’industrie pharmaceutique qu'il se tournera pour finir par tout plaquer, mettre les voiles, faire le tour du monde et se consacrer à l'écriture. Son premier polar ayant été bien accueilli et primé, il en a écrit un second, puis un troisième. Qui a tué Heidi ? est son deuxième thriller. Il a été sélectionné par les libraires pour concourir dans la catégorie meilleur thriller d'auteurs français dans le cadre du Prix Nouvelles Voix du Polar organisé par les Éditions Pocket. 

Un tueur à gages abat un politicien à l’opéra de Berlin, en plein milieu d’une représentation. Sa prochaine destination : Genève. Et puis, Gryon.
Gryon, charmant village des Alpes vaudoises où la vie s’écoule au son des cloches des vaches sur les alpages. 
Gryon, où l'inspecteur Andreas Auer, qui vient d’être suspendu par le commandant de la police, décide d’aider un ami paysan à la ferme pour sortir de sa déprime. 
Gryon, dans la chambre de sa mère, un homme rumine ses fantasmes les plus fous. Il est prêt à passer à l’acte.
Gryon, un petit village si paisible. Enfin, pas si sûr…
Un chassé-croisé infernal se profile, et va tout balayer sur son passage. Andreas et les siens en sortiront-ils indemnes ?

Autant vous prévenir de suite, si vous avez toujours rêvé d'en finir avec Heidi l’héroïne du dessin animé nippo-suisso-américain qui a bercé votre enfance, vous risquez d'être bigrement déçu. Et oui ce n'est pas parce que le décor est quasi le même que les héroïnes se ressemblent. Celle de Qui a tué Heidi ? n'est pas une jeune orpheline, mais une vache. Elle a été égorgée. Mais qui peut bien avoir intérêt à éliminer une vache ? Est-ce ce tueur à gages qui ressemble fortement à James Bond ? Est-ce l'homme qui s'enivrait du parfum de sa mère, un vrai psychopathe ? Est-ce Serge Hugon, le propriétaire de Blümchen, celle qui aurait dû remporter le premier prix de ce concours local de vaches, si et seulement si elle n'avait pas été victime de convulsions dans son box ? Et puis, est-ce que la mort d'Heidi a un lien avec toutes ces femmes qui disparaissent à Gryon ? Pour un petit village, il s'en passe des choses... Malheureusement, l'inspecteur Andreas Auer vient d'être suspendu de ses fonctions au motif qu'il a perdu son sang froid envers un collègue quelque peu raciste. Il a été contraint de prendre des congés. En même temps, qui dit congés, dit temps libre...

Lire Qui a tué Heidi ? a été pour moi l'occasion de découvrir l'univers et les personnages de Marc Voltenauer. J'avoue que mêler terroir et tueur à gages est certes atypique mais particulièrement bien vu. C'est un peu comme si on lisait du Franck Bouysse (je pense notamment à Grossir le ciel) tout en regardant un James Bond. Si cela peut vous sembler quelque peu bizarre, je peux vous assurer que ce mélange des genres fonctionne à merveille. Quant aux personnages, ils sont soignés, attachants, profondément humains. Côté rythme, il est plutôt soutenu. Les chapitres sont courts, très courts (140 chapitres pour 541 pages) ce qui rend la lecture dynamique tout en entretenant le suspens. Et puis lorsque le moment est venu de tourner la dernière page, on a qu'une hâte, découvrir le prochain opus ne serait-ce que pour connaître le secret que Jessica, la sœur de l'inspecteur Auer, doit lui révéler.

Si Marc Voltenauer a longtemps cherché sa voie, il l'a trouvée. Reste à savoir s'il sera la Nouvelle voix du polar 2019 des auteurs français. Pour ma part, cela ne fait aucun doute. Il a su me convaincre et c'est avec grand plaisir que je lirai la suite des aventures d'Andreas Auer. 

Un grand merci aux Éditions Pocket et rendez-vous en septembre prochain pour découvrir le vainqueur du Prix Nouvelles Voix du Polar.

D'ici là, belle lecture !


Cadeau Bonux pour le plaisir et parce que c'était facile...

dimanche 18 août 2019

Mon avis sur "L'appel" de Fanny Wallendorf

L'appel est le premier roman de Fanny Wallendorf publié aux Éditions Finitude. Je l'ai lu dans le cadre des 68 premières fois. C’est grâce à une vieille photo de Dick Fosbury, le champion olympique de 1968 qui a donné son nom au saut en hauteur, que l'auteure a trouvé l'inspiration. Loin d'être un traité sur la technique du saut en hauteur, L'appel est un roman sur la détermination et la différence.

Richard est un gamin de Portland, maladroit et un peu fantasque. Comme tous les adolescents de l’Amérique triomphante du début des années 60, il se doit de pratiquer un sport. Richard est grand, très grand même pour son âge, alors pourquoi pas le saut en hauteur ?
Face au sautoir, il s’élance. Au lieu de passer la barre en ciseaux, comme tout le monde, il la passe sur le dos. Stupéfaction générale. Cette singularité lui vaut le surnom d’Hurluberlu. Il s’en fiche, tout ce qu’il demande, c’est qu’on le laisse suivre sa voie. Sans le vouloir, n’obéissant qu’à son instinct, il vient d’inventer un saut qui va révolutionner sa discipline.
Les entraîneurs timorés, les amitiés et les filles, la menace de la guerre du Vietnam, rien ne détournera Richard de cette certitude absolue : il fera de son saut un mouvement parfait, et l’accomplissement de sa vie.

Nul besoin d'être un féru de sport et plus particulièrement de saut en hauteur pour apprécier L'appel. D'ailleurs ce roman n'est pas la biographie de Dick Fosbury. L'auteure a revisité la légende, celle d'un athlète qui a révolutionné cette discipline. Ce qui la fascinait davantage, c'était la détermination de ce sportif. Richard pratique l'athlétisme plus par dépit que par passion. La compétition ne l’intéresse pas. Mal à l'aise avec ce corps qui ne cesse de grandir, Richard plafonne à 1,62 mètre. N'écoutant que ses envies et son intuition, c'est en passant la barre de dos qu'il progressera. En ce temps-là, l'originalité n'est pas franchement bien accueillie. Les conventions doivent être respectées, les entraîneurs s'y emploieront. Peu importe, Richard aura la force intérieure de n'écouter que ce que lui dictent ses jambes. C'est donc à coup de persévérance et de détermination que l’hurluberlu imposera envers et contre tous son style et remportera les jeux olympiques en 1968. Cette année-là, à Mexico une légende est née et par là même une nouvelle technique de saut en hauteur.

L'appel est une véritable ode à la liberté, à l'opiniâtreté et au dépassement de soi. Fanny Wallendorf a su captiver l'attention du lecteur grâce à sa plume aérienne et fluide mais également à l'originalité avec laquelle elle a  abordé ce mythe. Un premier roman à découvrir.

Belle lecture !

vendredi 16 août 2019

Mon avis sur "Femmes sur écoute" d'Hervé Jourdain

Ancien capitaine de police à la brigade criminelle de Paris, Hervé Jourdain est auteur de six polars dont la plupart ont déjà été primés. Nommé récemment commandant, il officie désormais comme analyste au ministère de l'intérieur. Femmes sur écoute a été sélectionné par les libraires pour concourir dans la catégorie meilleur thriller d'auteurs français dans le cadre du Prix Nouvelles Voix du Polar organisé par les Éditions Pocket.

Manon Legendre est strip-teaseuse et escort girl dans le quartier du Triangle d'or à Paris. Elle vit avec sa sœur, étudiante en philo, et le bébé qu'elle a eu avec Bison, incarcéré en préventive pour un braquage raté. Manon ne mène qu'une bataille, celle de son avenir. Son plan : racheter une boutique sur les Champs-Élysées et par la même occasion, sa respectabilité. Mais ça, c'était avant qu'on pirate sa vie.
Lola Rivière, quant à elle, est de l'autre côté de la barrière. Experte en cybercriminalité, elle vient de rejoindre une équipe de flics aguerris tout juste délogés du légendaire 36, quai des Orfèvres, pour un nouveau cadre aseptisé. Les voici logés dans un bâtiment ultramoderne du quartier des Batignolles, à proximité de la tour de verre qui abritera le nouveau Palais de justice. 
Sans connexion apparente, les deux femmes vont pourtant se rencontrer et naviguer dans les méandres de la cybersécurité, des écoutes et du jeu médiatique. Le plus dangereux prédateur n’est pas forcément celui qu’on croit…

Écrire des polars quand on est de l’intérieur, ce n'est pas forcément un gage de réussite, mais ça peut aider, notamment côté crédibilité. 

Femmes sur écoute se déroule en pleine période des élections présidentielles de 2017. En ce temps là, la police judiciaire migrait du mythique 36 quai des Orfèvres, au 36 quai du Bastion, à l'ombre de l'imposant nouveau tribunal de grande instance de Paris. Fini l’obsolescence, place à la modernité. Et ça tombe bien car pour résoudre les multiples affaires qui s'enchevêtrent, la mort par overdose de la fille d'une femme politique en campagne, celle d'une journaliste, les règlements de compte entre gangs, le piratage des comptes bancaires et Facebook d'une escort-girl, la corruption... il fallait à cette équipe de flics un peu bancale, de nouveaux moyens.

Malgré un début très dense, peu à peu les intrigues s’imbriquent parfaitement, le suspens s'installe et monte crescendo, les personnalités des différents acteurs se dévoilent et le lecteur est embarqué. La plume d'Hervé Jourdain est fluide. Tout est vraisemblable, tout fonctionne. Femmes sur écoute est un bon polar. Moderne et classique à la fois, il se lit facilement.

Belle lecture !

jeudi 15 août 2019

Mon avis sur "Ivoire" de Niels Labuzan

Niels Labuzan jeune auteur trentenaire aime poser ses valises en Afrique. Son premier roman Cartographie de l’oubli était consacré à l'histoire de la Namibie. Son second, Ivoire  nous emmène au Botswana plus précisément, aux côtés des rangers engagés dans la préservation des espèces sauvages et de leurs territoires. 

Au Botswana, du delta de l’Okavango à la rivière Chobe, les animaux, et en particulier les éléphants, ont trouvé un refuge  : des hommes veillent nuit et jour pour préserver la vie sauvage. Douaniers, rangers, militaires, éleveurs, civils, braconniers… ils tuent ou protègent, vivent au milieu de ces paysages grandioses, entourés de ces animaux qui ont pu conserver leur liberté et leur dignité. Tous connaissent le prix de ces vies, savent ce que certains hommes sont capables de faire pour de l’ivoire ou une peau. Parmi eux il y a Seretse, qui travaille pour le gouvernement du Botswana, Erin, qui a quitté la France pour vivre dans une réserve et Bojosi, un ancien braconnier reconverti en garde. Ils n’idéalisent pas la nature, ne la sacralisent pas, ils y vivent, la protègent et pourraient y mourir.

Préoccupé par la préservation des territoires et des animaux sauvages, et avant de se rendre au Botswana, Niels Labuzan lui a consacré des mois de recherche. Il a étudié les ­enquêtes d’Interpol sur le trafic d’ivoire et compulsé des articles sur les massacres d’éléphants commis au Cameroun ou au Congo par des janjawids, les sinistres miliciens soudanais, échappés du Darfour. 
Les chiffres sont édifiants : au nombre de vingt millions sur le territoire africain avant l’époque coloniale européenne, les éléphants n’étaient plus qu’un million en 1970. À raison d'une centaine tués chaque jour en Afrique, ils ne seraient plus que trois cents à quatre cents mille aujourd’hui. Ce trafic alimente tant l'Asie que certains groupes terroristes africains. 

À travers le parcours des personnages d'Ivoire dont celui d'Erin et de Bojosi, rangers isolés en guerre contre les braconniers, mais également la description d’une faune et d’une flore extraordinaires, Niels Labuzan a souhaité dénoncer ces cartels et rappeler que grâce aux initiatives prises au Botswana, qui a mis son armée et des unités d’élite au service de la lutte contre le braconnage et fait de son territoire un véritable sanctuaire pour les éléphants, il était possible d'endiguer ce phénomène ce, même si les réseaux restent opaques et qu'il est difficile d'avoir vue globale de ce trafic. 

Ivoire aurait pu n'être qu'un plaidoyer destiné à lutter contre le trafic des défenses des éléphants, c'est finalement un roman engagé et très instructif mêlant aventure et action que Niels Labuzan nous propose. Son combat est servi par une écriture fluide. 

Dès lors que nous ne voulons pas vivre dans un monde où les éléphants, les rhinocéros ou les lions ne seraient que des souvenirs, cette guerre, bien que se jouant sur un territoire éloigné, nous concerne tous. Ivoire nous sensibilise aux enjeux écologiques, économiques et politiques de celle-ci et surtout à l'urgence qu'il y a de l'endiguer.

Sur ce, belle lecture !

mardi 13 août 2019

Mon avis sur "Toute la vérité" de Karen Cleveland

Deuxième et dernier thriller dans la catégorie auteurs étrangers du Prix Nouvelles Voix du Polar 2019, Toute la vérité est le premier roman de Karen Cleveland. Cette dernière a passé huit ans à la CIA, en tant qu'analyste, dont les six dernières années dans les unités du contre-terrorisme. Forcément ça aide...

Malgré un travail passionnant qui l’empêche de passer du temps avec ses enfants et un prêt immobilier exorbitant, Vivian Miller est comblée par sa vie de famille : quelles que soient les difficultés, elle sait qu’elle peut toujours compter sur Matt, son mari, pour l’épauler.
En tant qu’analyste du contre-renseignement à la CIA, division Russie, Vivian a la lourde tâche de débusquer des agents dormants infiltrés sur le territoire américain. Un jour, elle tombe sur un dossier compromettant son époux. Toutes ses certitudes sont ébranlées, sa vie devient mensonge. Elle devra faire un choix impossible : défendre son pays… ou sa famille.

Autant vous prévenir de suite, une fois ouvert, impossible de refermer Toute la vérité. En vrai je vous le dis, ce thriller réunit tous les ingrédients nécessaires à rendre le lecteur addict. Très rapidement l'intrigue est révélée, le doute nous empare et l’ambiguïté des personnages nous saisit. Vient alors la phase de détricotage de l'histoire du couple que forment Vivian et Matt. Dès lors, tout est sujet à suspicion et la tension monte crescendo. S'ensuit une course effrénée contre la montre et un choix impossible à faire.

L'écriture de Karen Cleveland est fluide et plaisante. Son sens de la narration nous embarque et à l'instar de l’héroïne c'est la peur et la  paranoïa chevillées au corps que nous enchaînons les chapitres. Bien que somme toute très classique, Toute la vérité fonctionne vraiment de la première à la dernière page et sa fin est complètement inattendue. L'histoire défile sous nous yeux, à tel point qu'une adaptation sur grand écran s'impose. Ça tombe bien, les droits ont été cédés à l'actrice et productrice Charlize Theron. 

Inutile de préciser que c'est pour ce véritable page-turner que je voterai. Il me reste à retraverser l'océan pour déterminer le meilleur thriller dans la catégorie auteurs français.

Sur ce, belle lecture et un conseil, méfiez-vous d'un mari trop parfait !

dimanche 11 août 2019

Mon avis sur "Nouvelles voies" de Laurence Martin

Parisienne d’origine, Laurence Martin a changé de voie il y a dix ans. Elle a quitté non seulement sa région pour s'installer dans le Sud de la France, mais également celui de la restauration pour vivre de ce qui l'anime depuis toute petite, l’écriture. Après un premier roman auto-édité, L'eau de Rose, particulièrement bien accueilli par les lecteurs, Laurence Martin a publié un recueil de nouvelles, Nouvelles voies.

Nouvelles voies est un recueil de dix nouvelles abordant toutes la même thématique, celle du nouveau départ, du changement.
Pour quelles raisons partiriez-vous ?
Quelle autre vie ? Quelles nouvelles voies ? 
Vous décideriez-vous dans l’heure ou prendriez-vous votre temps ? 
Voici le récit de départs irréfléchis ou orchestrés, volontaires, subis ou rêvés… définitifs, libérateurs. 
Au travers de ces dix nouvelles, l’auteure vous invite à suivre des personnages en quête d’un autre destin. Nouvelles voies c'est dix nouvelles, dix parcours, dix nouveaux départs et autant d'émotions. 

J'ai découvert Laurence Martin via les réseaux sociaux non pas pour ses écrits mais pour les photos qu'elle y poste. Elles délivrent toutes un message fort, sont toutes profondément humaines. Il n'en fallait pas moins pour titiller ma curiosité. M'intéressant à son travail, Laurence Martin m'a proposé de m'envoyer son recueil de nouvelles déjà largement plébiscité par les lecteurs. Je n'ai pas su résister.  

Dès les premières pages, Sagar m'a embarquée en Inde dans cet orphelinat où il rencontrera sa nouvelle famille. Dès les premières pages, Sagar a eu un visage. Il est cet enfant aux grands yeux expressifs. Il est ce portrait noir et blanc que Laurence Martin a publié. Sagar est beau, touchant, tout comme son histoire. Au gré de ma lecture de Nouvelles voies, j'ai cherché à visualiser chaque personnage. J'ai associé chacun d'eux aux clichés que l'auteure avait publiés, certainement parce que les textes de Laurence Martin sont aussi émouvants que les photos qu'elle partage. 

L'émotion dépassée, place à la frustration. Et oui, le format nécessairement court des nouvelles est très frustrant. Il l'est doublement. D'une part, parce qu'il contraint l'auteur à aller à l'essentiel, à tourner à mon sens un peu trop rapidement les pages du temps qui passe et d'autre part, parce qu'il laisse inévitablement le lecteur sur sa faim. Si l'écriture de Laurence Martin est fluide, j'aurai aimé découvrir davantage sa plume et ses qualités narratives. 

Quoi qu'il en soit, la lecture de Nouvelles voies reste agréable bien que tous les textes ne soient pas d'égale qualité. Certains sont à mon goût un peu trop optimistes. S'il est vrai que le spleen n'est plus à la mode, l'empathie en surdose peut nuire à la crédibilité. Ma chance et Six mois restent mes nouvelles préférées.

Aucun doute, changer de voie peut vraiment avoir du bon et à mon humble avis le meilleur est à venir. 

Belle lecture !

vendredi 9 août 2019

Mon avis sur "Saltimbanques" de François Pieretti

Né en 1991, François Pieretti a grandi en région parisienne au fin fond de la Seine-et-Marne. Miraculeusement diplômé grâce à de nombreux stratagèmes ayant peu à voir avec l’apprentissage, il est surtout fier de son permis qui lui permet de se balader où il veut. Il aime les voix de radio tard le soir ou tôt le matin, les villes de petite taille, les rivières, observer les gens dans leur vie quotidienne, lire les romans de Jim Harrison, Julien Gracq, Patrick Modiano, Gabriel García Márquez ou Paul Auster, et passer de longs moments avec les chiens des autres, en attendant le sien. Saltimbanques son premier roman publié aux Éditions Viviane Hamy c'est un peu tout cela à la fois.

Plusieurs années auparavant, j’avais suivi mon père sur un long trajet, vers Clermont-Ferrand. Parfois il me laissait tenir le volant sur les quatre voies vides du Sud-Ouest, de longs parcours, la lande entrecoupée seulement de scieries et de garages désolés, au loin. Je conduisais de la main gauche, ma mère ne savait pas que j’étais monté devant. C’était irresponsable de sa part, mais la transgression alliée à l’excitation de la route me donnait l’impression d’être adulte, pour quelques kilomètres. Mon père en profitait pour se rouler de fines cigarettes qu’il tenait entre le pouce, l’index et le majeur. Sa langue passait deux fois sur la mince bande de colle. Il venait d’une génération qui ne s’arrêtait pas toutes les deux heures pour faire des pauses et voyageait souvent de nuit. J’avais un jour vu le comparatif d’un crash-test entre deux voitures, l’une datant des années quatre-vingt-dix et l’autre actuelle. Mon frère et sa vieille Renault n’avaient eu aucune chance. Nathan revient dans sa famille, qu’il a quittée précipitamment il y a une dizaine d’années, pour assister aux obsèques de son jeune frère Gabriel. Il ne l'a finalement que très peu connu.

Saltimbanques c'est l’histoire d’un homme qui revient au pays et qui court derrière un fantôme. Le narrateur se glisse dans les pas de son frère, fréquente ses amis jongleurs et tente de se fondre dans le souvenir de l’adolescent disparu, mais il n’assiste qu’aux derniers instants du groupe, celui des Saltimbanques, voué à se dissoudre. Nathan tente de se fondre dans la peau de Gabriel pour connaître ce frère dont il n'a qu'une vision floue et de se créer des souvenirs qui n'ont jamais existé. Nathan poursuivra son chemin. Son errance le mènera à Christian et sa fille Marie mais également à un chien. Christian malade est au bout du chemin de la vie. Il échange beaucoup avec Nathan, ce qui permet à ce dernier de mieux se connaître. Et si finalement c'était lui-même que Nathan cherchait ?

François Pieretti aime observer le temps qui s'écoule. Il aime cueillir au gré de ses déplacements tous ces petits instants tellement révélateurs. C'est justement sur le chemin de ceux-ci qu'il promène le narrateur. Lentement Saltimbanques se dévoile au gré des rencontres et des introspections. Le tout est saupoudré de mélancolie et délicieusement servi par la belle plume de l'auteur. Pour autant et bien que l'éloge de la lenteur ne soit plus à faire, la lente errance existentielle de ce grand frère m'a quelque peu décontenancée. Je suis restée en rade au bord de la départementale.

Quoi qu'il en soit, belle lecture ! 

mercredi 7 août 2019

Mon avis sur "L'égoïste romantique" de Frédéric Beigbeder

Je ne lui ferai pas l'affront de le présenter, son égo risquerait d'en prendre un coup... et puis, qui ne connaît pas Frédéric Beigbeder ? Ce dandy érudit, nombriliste, branleur alcoolique (dixit l'auteur lors de sa dernière chronique sur France Inter) qui a non seulement le sens de la formule, mais surtout celui de l'humour. Oui, j'ai déjà eu l'occasion de le dire (ici et ), qu'il agace ou fascine, Frédéric Beigbeder ne laisse pas indifférent. Surtout moi ! 
En revanche, Oscar Dufresne lui, mérite d'être présenté. Pour faire simple, Oscar est le personnage central de L’égoïste romantique. Le nombril quoi !

Cette histoire débute en l'an 2000. Oscar Dufresne a trente-quatre ans. C'est un écrivain fictif, comme il y a des malades imaginaires. Il tient son journal dans la presse pour que sa vie devienne passionnante. Il épingle la société du spectacle (à commencer par lui-même), courtise les femmes à la hussarde mais tombe amoureux, console les célibataires qui lui ressemblent, croise et assassine les célébrités, voyage dans les boîtes de nuit du monde entier. Il est égoïste, lâche, cynique et obsédé sexuel. Bref, c’est un homme comme les autres.
L'égoïste romantique est un véritable manuel d’autodérision à conseiller à tous les admirateurs et détracteurs de Frédéric Beigbeder. Depuis ses débuts, l'auteur a érigé la superficialité en sagesse et a fondé sa réputation littéraire sur la caricature de ses propres turpitudes nocturnes.

Vous l'aurez compris, Oscar Dufresne n'est autre que le double de l'écrivain. Oscar est un Narcisse qui consigne quotidiennement ses observations, réflexions et non-événements en tous genres. Il tient un journal, enfin un miroir déformant qu'il promène le long de son nombril. L'égoïste romantique est une compilation d'anecdotes et de digressions sous coke des nuits parisiennes d'Oscar. Il y est question de ses soirées mondaines, de ses voyages, de ses rencontres, de ses angoisses existentielles, de ses échanges avec son pote Ludo, de ses réflexions sur notre société, sur la politique et surtout sur l'amour. Parce qu'il a beau parler de sa queue sous toutes les coutures, Oscar n'a qu'un but, trouver l'Amour. Il l'a trouvé d'ailleurs. C'est Claire puis in fine Françoise qui l'incarnent. Oscar est un romantique, totalement névrosé, mais tellement romantique.
Françoise, tu es l'événement le plus important depuis que l'homme ne marche plus sur la lune. Tu ne m'as pas permis de ne pas t'aimer. Il m'était impossible de faire autrement. Tu ne m'as pas laissé passer à coté de toi. L'amour ressemble à ça : c'est quand on sent que rater quelqu'un serait rater sa vie. L'amour c'est quand on cesse d'hésiter. Quand toutes les autres deviennent fades. Je te regrette avant même de te connaitre. (p.170)
Bien que Frédéric Beigbeder prenne soin de reproduire un extrait de Dimanche m'attend de Jacques Audiberti à savoir : "Qu'est-ce qu'un journal ? Un roman"L’égoïste romantique s'apparente plutôt à une succession d'anecdotes drolatiques, de jolies tournures de phrases et de quelques bons jeux de mots. Il est le pendant masculin du journal de Bridget Jones parce qu'il fallait bien qu'un mec se dévoue pour lui répondre à cette petite grue (p. 344)C'est le genre de livre qu'on ouvre au hasard pour y picorer des instants littérature, pour rire, sourire, pour le sens de la formule de l'auteur, mais également pour son cynisme et son autodérision. A l'instar de ses chroniques sur France Inter, toutes les turpitudes de Frédéric Beigbeder consignées dans L’égoïste romantique ne sont pas égales, mais valent le détour.
A tous les critiques que je déçois, je voudrais, une fois pour toutes, dire que je suis d'accord avec eux. Moi aussi, j'aimerais bien que mes livres soient meilleurs. (p.317)
Avec une telle clairvoyance, on ne peut que lire L’égoïste romantique, au pire vous n'en ressortirez que plus diverti !

Belle lecture ! 

lundi 5 août 2019

Mon avis sur "Des hommes couleur de ciel" d'Anaïs Llobet

Anaïs Llobet est journaliste. Elle a fait ses armes de reporter en 2013 en couvrant, aux Philippines, les ravages du typhon Yolanda. Elle en avait tiré un récit, Les Mains lâchées. Partie à Moscou pour l'Agence France Presse, elle s'est intéressée au drame des Tchétchènes homosexuels qui sont condamnés à mort en raison de leur orientation sexuelle. Les hommes couleur de ciel, son deuxième roman, qui est paru en début d'année aux Éditions de l'Observatoire, s'inspire d'une rencontre avec l'un d'entre eux. Il lui a valu le prix Ouest-France - Étonnants Voyageurs 2019.

Dans le pays où est né Oumar, il n’existe pas de mot pour dire ce qu’il est, seulement des périphrases : stigal basakh vol stag, un "homme couleur de ciel".
Réfugié à La Haye, le jeune Tchétchène se fait appeler Adam, passe son baccalauréat, boit des vodka-orange et embrasse des garçons dans l’obscurité des clubs. Mais il ne vit sa liberté que prudemment et dissimule sa nouvelle vie à son jeune frère Kirem, à la colère muette. Par une journée de juin, Oumar est soudain mêlé à l’impensable, au pire, qui advient dans son ancien lycée. La police est formelle : le terrible attentat a été commis par un lycéen tchétchène.
Des hommes couleur de ciel est l’histoire de deux frères en exil qui ont voulu reconstruire leur vie en Europe. C’est l’histoire de leurs failles et de leurs cicatrices. Une histoire d’intégration et de désintégration.

Dès les premières pages nous sommes saisis par l'horreur des attentats. Bien que tout ne soit que fiction, tout est vraisemblable et c'est là la force de ce roman à tiroirs qui traite de l’immigration, de l'intégration, de l'identité et de l'intolérance. Des hommes couleur de ciel est un roman polyphonique construit tel un thriller qui révèle au gré des pages la complexité des personnages, leurs origines, leurs douleurs et peurs enfouies qui resurgissent violemment du fait de l'actualité. 

Anaïs Llobet explore les questions identitaires à travers des exilés tchétchènes et nous livre un récit à la fois intimiste, géopolitique et socioculturel. Elle décrit avec effroi le repli de toute société frappée dans sa chair. Comment un pays reconnu pour sa tolérance peut-il devenir à la suite d'un événement aussi traumatisant soit-il, si injuste, si intolérant ? Elle décrit également l'injonction de l'intégration à laquelle sont confrontés les migrants accueillis en Europe. Ils doivent oublier leur culture, leur accent, leur langage, épouser nos modes de vie, trouver un emploi, faire table rase du passé. C'est violent et oppressant d'autant plus lorsqu'ils doivent combattre leur propre culture. Paradoxalement, à la liberté retrouvée certains préféreront l'enfermement.

Incontestablement, Anaïs Llobet maîtrise son sujet, tout comme l'écriture. Sa plume est dépouillée, très journalistique pour faire la part belle aux événements. Ce parti pris, évite toute empathie envers les personnages. La lecture Des hommes couleur de ciel n'en demeure pas moins intéressante et agréable, mais j'aurais préféré un peu plus d'humanité, plus d'émotion.

Belle lecture !

vendredi 2 août 2019

Mon avis sur "Emma dans la nuit" de Wendy Walker

Organisé par les Éditions Pocket, le Prix Nouvelles Voix du Polar, a pour but de défendre et promouvoir de nouveaux auteurs. Parmi une sélection du catalogue Pocket, les libraires ont choisi deux thrillers d'auteurs français et deux d'auteurs étrangers. Les quatre titres en lice sont ensuite envoyés au jury composé de lecteurs qui doit désigner un lauréat pour chaque catégorie. Ayant l'honneur d'être jurée, j'ai reçu les quatre titres en compétition. Emma dans la nuit de Wendy Walker concourt dans la catégorie étranger. 

Une nuit, Emma et Cassandra Tanner, deux sœurs de quinze et dix-sept ans disparaissent. Tout est envisagé : fugue, enlèvement, meurtre. Trois ans plus tard, Cass revient, seule. Et raconte. La fuite d’Emma cette nuit-là, Cass qui l’a suivie, un couple d’inconnus, une route, un bateau, une île transformée en prison, puis son évasion. Lorsque Abby Winter, psychiatre du FBI, recueille le témoignage de Cass, elle est envahie par le doute. Dit-elle toute la vérité ?

Emma dans la nuit est avant tout un thriller psychologique. Dès les premières pages, l'auteure nous plonge au sein d'une famille dysfonctionnelle dont la mère narcissique et manipulatrice est le personnage central. Dès lors, comment se construire avec une telle figure maternelle ?

Afin d'immiscer le doute, de mettre le lecteur sous tension, Wendy Walker alterne le récit de Cass et l'analyse d'Abby Winter, psychiatre du FBI. Au gré des chapitres, les personnalités des membres de cette famille se révèlent. S'il est acquis que la mère souffre de troubles psychologiques, ses filles ne semblent pas être en reste. Depuis la séparation de leurs parents, elles évoluent dans un climat malsain, où le père et la mère se livrent une bataille sans nom pour obtenir leur garde. Prête à tout pour sauver les apparences et conserver son statut de mère parfaite, Judy n'hésitera pas à manipuler ses enfants. Mais les filles seront à bonne école et apprendront vite, très vite à s'arranger avec la vérité. Seule une psychiatre parviendra à déjouer les pièges. 

Bien que l'auteure ait fait preuve d’une certaine imagination pour mettre en place l'intrigue dont le final est assez inattendu, bien qu'elle dissèque les mécaniques familiales retorses qui ont mené au drame et qu'elle explore les dégâts du narcissisme, il m'a néanmoins manqué un je ne sais quoi pour que je sois emportée par cette intrigue. En effet, les personnages m'ont semblé trop froids, le manque d'émotion, les multiples digressions de la psychiatre notamment, ne m'ont pas permis de rentrer pleinement dans cette histoire. 

Lorsqu'un thriller psychologique n'emporte pas le lecteur, c'est forcément décevant. Cela l'a été d'autant plus qu'Emma dans la nuit est l'un des deux finalistes dans la catégorie étranger du Prix Nouvelles Voix du Polar. Je m'attendais à vivre un moment d'angoisse mémorable, ce ne fut pas le cas. La prochaine fois peut-être...

Belle lecture !