lundi 30 novembre 2020

Mon avis sur "Le cœur synthétique" de Chloé Delaume

Chloé Delaume est une écrivaine et éditrice française, née d’une mère française et d’un père libanais. Elle a passé son enfance à Beyrouth pendant la guerre avant de revenir à Paris où elle vit. En 1983, elle n'a alors que dix ans quand un drame familial va se jouer sous ses yeux. Cet évènement sera mis en mots sous le titre Le cri du sablier. Figure de la littérature expérimentale, elle a surpris tout le milieu littéraire en publiant à la rentrée aux éditions du Seuil un roman très contemporain, Le cœur synthétique pour lequel elle a reçu le Prix Médicis.

Adélaïde vient de rompre, après des années de vie commune. Alors qu’elle s’élance sur le marché de l’amour, elle découvre avec effroi qu’avoir quarante-six ans est un puissant facteur de décote à la bourse des sentiments. Obnubilée par l’idée de rencontrer un homme et de l’épouser au plus vite, elle culpabilise de ne pas gérer sa solitude comme une vraie féministe le devrait. Entourée de ses amies elles-mêmes empêtrées dans leur crise existentielle, elle tente d’apprivoiser le célibat, tout en effectuant au mieux son travail dans une grande maison d’édition. 
En seconde partie de vie, une femme seule fait ce qu’elle peut. Les statistiques tournent dans sa tête et ne parlent pas en sa faveur : « Il y a plus de femmes que d’hommes, et ils meurent en premier. »

Le cœur synthétique est un roman d'autofiction, largement inspiré du vécu de Chloé Delaume et de ses copines. Il décrit l'angoisse d’une quadragénaire célibataire rongée par la peur de la solitude. Alors quitter son mari et une certaine sécurité sentimentale et matérielle est-ce si aisé pour une femme ? 

Le cœur synthétique c'est l'histoire d'Adélaïde, attachée de presse dans une maison d'édition, qui se retrouve soudain sur le marché de l'amour à la suite de son divorce. Très vite, elle se rend compte qu'à la quarantaine bien tapée, une femme seule n'intéresse plus beaucoup les hommes. Elle vaut autant qu'un chômeur de son âge sur le marché de l'emploi, c'est dire ! Dès lors, comment assumer en bonne féministe son indépendance et son célibat quand on ne supporte pas la solitude ?

Heureusement Adélaïde sait qu'elle peut compter sur ses quatre amies pour mettre en place tous les stratagèmes possibles voire, invoquer les déesses de l'amour. Grâce à elles, elle va rencontrer un homme. Peu convaincue par cette histoire, elle va de nouveau goûter au célibat, tenter d'apprivoiser ses contradictions, de résister à la pression sociale, apprendre à se suffire à elle-même et tenir tête à cette société patriarcale dominée par le sexe masculin y compris dans le milieu professionnel. Finalement Adélaïde n'est pas seule, elle a ses amies et son chat. Et puis prendre soin les unes des autres, c'est déjà de l'amour, non ?

À travers ce roman drôle, caustique et il est vrai, tellement contemporain, Chloé Delaume tente de déconstruire toutes les représentations d'une vie réussie. Elle dédramatise le célibat des femmes, ouvre le champ des possibles, loue la sororité et redonne confiance à la gent féminine. Au passage, elle égratigne le milieu de l'édition qui a tendance à privilégier l'économique plutôt que le qualitatif. Le cœur synthétique est une satire sociale réjouissante à l’écriture ciselée. Et cerise sur le gâteau, le lecteur a le choix de la fin. 

Alors que vous soyez célibataire ou pas, Le cœur synthétique de Chloé Delaume est à lire pour le plaisir et son côté très XVIIIème siècle. Une vraie comédie humaine.

Belle lecture !

vendredi 27 novembre 2020

Mon avis sur "Betty" de Tiffany McDaniel

Tiffany McDaniel vit dans l’Ohio, où elle est née. Son écriture se nourrit des paysages de collines ondulantes et de forêts luxuriantes de la terre qu’elle connaît. Elle est également poète et plasticienne. Son premier roman, L’Été où tout a fondu, est à paraître chez Gallmeister, mais son second roman, Betty, est dores et déjà disponible. Il nous embarque dans l'Amérique profonde là où les médias ne s'aventurent jamais, à savoir au fin fond de l’Ohio, du Kentucky et de la Virginie Occidentale. Betty est le prénom de la mère de Tiffany McDaniel, une métisse cherokee. Ce roman s'inspire de sa vie. Il a remporté le Prix du Roman Fnac 2020 et est sélectionné pour de nombreux autres Prix.

Ce livre est à la fois une danse, un chant et un éclat de lune, mais par-dessus tout, l’histoire qu’il raconte est, et restera à jamais, celle de la Petite Indienne.
La Petite Indienne, c’est Betty Carpenter, née dans une baignoire, sixième de huit enfants. Sa famille vit en marge de la société car, si sa mère est blanche, son père est cherokee. Lorsque les Carpenter s’installent dans la petite ville de Breathed, après des années d’errance, le paysage luxuriant de l’Ohio semble leur apporter la paix. Avec ses frères et sœurs, Betty grandit bercée par la magie immémoriale des histoires de son père. Mais les plus noirs secrets de la famille se dévoilent peu à peu. Pour affronter le monde des adultes, Betty puise son courage dans l’écriture : elle confie sa douleur à des pages qu’elle enfouit sous terre au fil des années. Pour qu’un jour, toutes ces histoires n’en forment plus qu’une, qu’elle pourra enfin révéler.

Betty c’est l’histoire d’une famille américaine, les Carpenter. Parce que le père est un cherokee à la peau trop brune et que ses enfants sont métis, toute la tribu sera mise au ban de la bourgade rurale, raciste, ignorante et inhumaine qu'est Breathed. Pour expliquer le monde cruel et injuste qui les entoure, Landon, le père, a toujours une histoire en réserve. Et pas n'importe laquelle. Une histoire faite d'émerveillement, de magie et de poésie. Ce père met de jolis mots sur les maux des siens, il s'évertue à illuminer la noirceur des épreuves qu'ils traversent, à enchanter leur quotidien, il magnifie la nature qui les entoure et s'efforce de capturer toutes les étoiles du ciel pour faire briller les yeux de ses enfants. Cet homme est un merveilleux magicien. Il adoucit les épreuves de la vie pour les rendre plus tolérables. La violence, la pauvreté, les viols, la dépression, la mort deviennent plus supportables au côté de cet homme exceptionnel, mystique. Betty, la petite indienne, puisera toute sa force dans l'imaginaire de son père auquel elle a besoin de croire pour garder l'espoir de jours meilleurs.

Betty est une magnifique fresque à la fois poignante et éblouissante. Elle célèbre le pouvoir de l'imagination en métamorphosant le tragique destin d'une famille en un récit dont on se délecte. C'est un roman à la fois enchanteur et tragique. Il raconte les mystères de l’enfance, la perte de l’innocence et donne naissance à une héroïne inoubliable. Aucun doute, de sa merveilleuse plume Tiffany McDaniel a écrit un très grand livre. En effet, Betty est de ces romans que l'on garde à jamais en soi. Un conseil, lisez-le et laissez-vous bercer par sa poésie.

Très belle lecture !

lundi 23 novembre 2020

Mon avis sur "Né d'aucune femme" de Franck Bouysse

J'ai découvert Franck Bouysse avec son superbe Grossir le ciel. L'austérité du décor, la puissance de la nature, le bruit fracassant de ses silences m'ont longtemps habitée. Une fois ce roman refermé, j'ai su que je reviendrai au style singulier et puissant de cet auteur. Parce que j'ai tant de livres à lire, j'ai enfoui dans ma pile Plateau puis Glaise. Né d'aucune femme a connu un temps le même sort, jusqu'au jour où je m'en suis saisi...

Mon père, on va bientôt vous demander de bénir le corps d'une femme à l'asile.
- Et alors, qu'y a-t-il d'extraordinaire à cela ?  
  demandai-je.
- Sous sa robe, c'est là que je les ai cachés.
- De quoi parlez-vous ?
- Les cahiers... Ceux de Rose. » 
Ainsi sortent de l'ombre les cahiers de Rose, ceux dans lesquels elle a raconté son histoire, cherchant à briser le secret dont on voulait couvrir son destin.

Son nom c'est Rose, Rose c'est comme ça qu'elle s'appelle. Elle est l'aînée des quatre filles d’Onésime et de sa femme. Paysans, ils mènent une véritable vie de labeur et de misère. Dans l'espoir de jours meilleurs, un matin Onésime emmène Rose au hameau du coin. Après d'âpres négociations et qu'il ait récupéré une bourse remplie de pièces, Onésime est rentré seul à la ferme. Rose est repartie avec l'inconnu. Après un interminable voyage, elle découvre une vaste demeure et la mère du maître. Rose a été vendue. Derrière les volets et les murs de cette propriété va se jouer l'impensable. Rose avait consigné son histoire dans des carnets. Ceux-là même que le Père Gabriel a récupéré. C'est à travers sa lecture et le point de vue des personnages principaux que la vie de Rose nous est contée. Un récit polyphonique d'une incroyable force.

Né d'aucune femme est roman noir rural qui se déroule quelque part en campagne française au début du XXe siècle. En effet, comme à son accoutumée, Franck Bouysse ne donne aucune indication précise quant au lieu et l'époque de l'intrigue. Peu importe, dès les premières phrases nous voici projeté avec puissance dans l'univers à la fois sombre et lumineux de son héroïne. Tour à tour chacun des personnages prend vie, l'austérité des lieux se dessine, la noirceur nous envahit jusqu'à ce que l'indicible se produise, se répète. Mais la force et le courage de Rose se révèlent, alors l'espoir nous gagne, pour disparaître tout aussi rapidement. Le cœur se serre, les tripes se tordent et l'émotion nous gagne.

Né d'aucune femme est un roman certes noir, mais d'une rare puissance. Il faut bien avouer que Franck Bouysse est diabolique. Il a construit son roman de telle sorte qu'il est difficile de ne pas épouser le point de vue de chacun de ses personnages. L'auteur met intelligemment en exergue les motivations des uns et des autres, les silences des taiseux, les compromissions, les lâchetés, les peurs. Les sentiments s'enchainent, les ressentis fluctuent au gré des narrateurs et au milieu de toute cette horreur, il y a une Rose. Malgré tout ce qu'on lui a infligé, elle résiste et reste droite. Une héroïne, une vraie. Et puis, la plume de Franck Bouysse est ciselée, son écriture intense et riche. Le décor loin d'être relayé au second plan, prend toute sa place. La nature est magnifiée, l'ambiance pesante parfaitement restituée, la psychologie des individus finement dépeinte. 

Aucun doute Né d'aucune femme est un roman puissant et Franck Bouysse un orfèvre des mots. Il serait vraiment dommage de passer à côté...

Belle lecture !

vendredi 20 novembre 2020

Mon avis sur "Souviens-toi que tu m'aimes" de Catherine-Rose Barbieri

Quand Catherine-Rose Barbieri n'enseigne pas l'anglais à l'université Lyon 3, elle écrit. Inconditionnelle des comédies romantiques et des romans de Jane Austen, c'est avec tout le naturel qui la caractérise qu'elle a embrassé ce genre littéraire. Am, stram, gram, ce sera toi qui me plairas ! son premier roman a été publié aux Éditions Eyrolles en 2018. Deux ans après, elle revient avec son second roman, Souviens-toi que tu m'aimes. Once upon a time...

Lorsqu'Héloïse rencontre James dans ce wagon du TGV Lyon-Paris, le coup de foudre est réciproque. Mais rien n'est simple pour Héloïse. D'abord, elle ne croit pas au coup de foudre : le romantisme, très peu pour elle ! Ensuite son sens de la loyauté est particulièrement aigu, au point d'être dans cette histoire un vrai handicap. La jeune femme fait donc taire ces sentiments inédits dont elle ne sait que faire, et ce qui aurait pu être le début d'une belle idylle en reste là. Deux ans et demi plus tard, après bien des épreuves et pas mal d'errance, Héloïse et James se retrouvent par hasard en Ecosse. Le cœur d'Héloïse n'a rien oublié. Elle est prête à croire que le destin vient de lui accorder une faveur. James, en revanche, ne se souvient pas d'elle. En effet, beaucoup de choses ont changé en deux ans et demi. Beaucoup, oui, mais pas toutes...

S'il devait exister des saisons pour les livres, aucun doute, Souviens-toi que tu m'aimes serait le roman de la saison. Idéal pour chasser la grisaille automnale, la morosité ambiante et même nous faire oublier le confinement ! Embarquer dans le TGV avec Héloïse et James, c'est non seulement se risquer à recevoir une décharge en plein cœur, mais également accepter de traverser les épreuves de la vie et la mer du Nord pour prendre un bon bol d'air en Ecosse, sur l'île de Skye précisément. Alors si le voyage vous tente, je vous propose 395 pages d'évasion et de romance.

Souviens-toi que tu m'aimes est né d'un road trip familial écossais et d'un ballet romantique, La Sylphide. Ce dernier raconte l'histoire d'un jeune écossais, James (tiens, tiens !), qui est aimé par une sylphide, que lui seul peut voir. Le jour de ses noces, jalouse, la sylphide s'empare de l'alliance destinée à la promise de James et s'enfuit dans les bois. Partant à sa poursuite, le jeune étourdi en oublie sa fiancée. Il croise alors une vieille sorcière qui lui donne un voile pour capturer la sylphide. Ce qu'il ne savait pas c'est que ce voile était empoisonné. Et ce qui devait arriver, arriva. Non seulement en capturant la voleuse d'alliance, il lui ôta la vie mais de surcroît, en abandonnant sa promise dans la forêt, celle-ci finit par épouser son rival. 

Bien que moins tragique, Souviens-toi que tu m'aimes met à l’épreuve du temps et de la distance l'amour foudroyant de deux êtres, il traite également de ce noble sentiment qu'est la loyauté et qui peut parfois se retourner contre soi, qu'il s'agisse de loyauté familiale, amicale ou patriotique. Le tout est largement saupoudré d'humour. Reste plus qu'à remuer et vous obtiendrez un très bon feel-good qui se dévore et fait un bien fou. Aucun doute, Catherine-Rose Barbieri est une feel-good author, sa plume est fluide, moderne, ses histoires romantiques à souhait sans pour autant être mièvres. Souviens-toi que tu m'aimes est un antidote à la sinistrose ambiante. Un conseil, commandez-le et retirez-le chez votre libraire préféré.

Catherine-Rose Barbieri au Rock'n Books du 26 sept-20,
un vrai rayon de soleil !

Belle lecture !

samedi 7 novembre 2020

Mon avis sur "Mon père, ma mère, mes tremblements de terre" de Julien Dufresne-Lamy

Julien Dufresne-Lamy est un jeune écrivain français. Il a reçu le Grand Prix des blogueurs et le prix Millepages pour son précédent roman Jolis jolis monstresMon père, ma mère, mes tremblements de terre est son cinquième roman. Il est disponible aux Éditions Belfond. 

Est-ce que, sur la table de chirurgie, mon père ressent le chaud, le froid ? Allez savoir. Dans la salle d’attente, ma mère porte sa chemise saharienne et le soleil blanc tape doucement sur les fenêtres. L’air est doux. Un air qui n’a rien à voir avec la mort, les drames. Ici, ce n’est pas un drame. C’est autre chose qui se passe. 
Dans cette salle, Charlie, quinze ans, patiente avec sa mère. Bientôt, son père sortira du bloc. Elle s’appellera Alice. Durant ce temps suspendu, Charlie se souvient des deux dernières années d’une vie de famille terrassée. Deux années de métamorphose, d’émoi et de rejet, de grands doutes et de petites euphories. Deux années sismiques que Charlie cherche à comprendre à jamais. Tandis que les longues minutes s’écoulent, nerveuses, avant l’arrivée d’Alice, Charlie raconte la transition de son père. Sans rien cacher de ce parcours plus monumental qu’un voyage dans l’espace, depuis le jour de Pâques où son père s’est révélée. Où, pour Charlie, la terre s’est mise à trembler.

14 h 54 : Heure de la mort d'Aurélien, le père de Charlie. Il vient d’entrer au bloc. Charlie et sa mère sont dans la salle d'attente. L'adolescent se repasse le film de ces deux dernières années. Il se rappelle. Il était en quatrième quand il a vécu une rupture brutale des plaques tectoniques alors qu'il était sous une tente dans un camping deux étoiles à Noirmoutier avec ses parents. Force dix sur l'échelle de Richter. Le cataclysme n'a impacté que leur tente, que leur famille. Dehors, tout était étonnamment calme. Son père leur avait annoncé la nouvelle. Dysphorie de genre. Transidentité. Son père n’a jamais été un homme. Il est une femme. Il se veut rassurant. Ce n'est pas grave, puisqu'il les aime. Depuis ce jour jusqu'à la salle d'attente, Charlie a tout consigné dans ses carnets intimes. Les changements de son père, ses traitements, ses lubies, ses victoires mais aussi la résignation et les silences de sa mère et surtout ses tremblements à lui. Deux ans de secousses, de crainte, d'interrogations, de colère, de honte et d'amour aussi. Deux ans d'une métamorphose d'une famille ordinaire qui aboutiront ce jour-là à 19 h 19 non pas à une mort, mais à une absence pour toujours.

Mon père, ma mère, mes tremblements de terre est un roman intime et audacieux, profondément juste, sur la transidentité et la famille. Loin d’être moralisateur, loin de la propagande, ce récit donne à voir sans sensationnalisme les dommages collatéraux de ces séismes silencieux. Quant à la plume de Julien Dufresne-Lamy, elle est sensible, fine et délicate. À découvrir quel que soit votre genre.

Belle lecture !

vendredi 6 novembre 2020

Mon avis sur "Un loup quelque part" d'Amélie Cordonnier

Journaliste, Amélie Cordonnier a publié son premier roman, Trancheren 2018. Deux ans après, elle revient avec Un loup quelque part, disponible aux Éditions Flammarion. Tous deux ont pour point commun d’évoquer ce qu’il se passe une fois la porte de l’intimité fermée.

Paupières closes coupées au canif, lèvres parfaitement dessinées, l’air imperturbable. Royal même. Au début, elle a cru qu’il lui plaisait, ce petit. Seulement voilà, cinq mois plus tard, elle a changé d’avis. Ça arrive à tout le monde, non ? Elle voudrait le rapporter à la maternité. Qui n’a pas un jour rendu ou renvoyé la chemise, le pantalon, le pull, la ceinture ou les chaussures qu’il venait d’acheter ?  Que fait cette tâche, noire, dans le cou de son bébé ? On dirait qu’elle s’étend, pieds, mains, bras, visage. Mais pourquoi sa peau se met-elle à foncer ? Ce deuxième enfant ne ressemble pas du tout à celui qu’elle attendait. Aucun doute, il y a un loup quelque part. 
Avec une écriture aussi moderne qu’acérée, Amélie Cordonnier met en scène une femme paniquée à l'idée de ne pas parvenir à aimer son enfant et dont l’affolement devient de plus en plus inquiétant. 

Un couple marié et aimant a une petite fille de huit ans quand Ablan naît. Tout va bien jusqu'à ce qu'une puis plusieurs tâches noires apparaissent sur le corps du bébé. Pensant qu’il s’agit d’un mélanome la maman d'Alban s’inquiète et file en urgence chez le pédiatre. Ce dernier lui demande si le papa est noir ? Elle répond que non. Il lui demande alors s’il y a des noirs dans sa famille ? Non. Néanmoins, le médecin est catégorique, Alban est métis. Le couperet tombe. Sa peau va changer de couleur durant trois à six mois avant de se fixer définitivement d'ici un à deux ans. Stupéfaite, cette femme en proie à une panique grandissante va lever le voile sur un secret de famille. Pour autant, Un loup quelque part n'est pas un roman qui traite du métissage ou des origines. Ce roman aborde la thématique de l’instinct maternel. En effet, l'auteure nous interpelle sur un sujet tabou, celui du rejet de son nouveau-né. Une mère digne de ce nom a-t-elle le droit ne pas aimer son bébé ? 

Au fur et à mesure que la peau du bébé s’assombrit, que ce petit être fonce et se métamorphose, Amélie Cordonnier enfonce sa maman dans la souffrance, la honte et la culpabilité du désamour maternel. Cette femme qui a tant idéalisé son bébé, sa famille, ne peut se résoudre à accepter la réalité. Elle est au bord de la folie. Et si cette maman s'abandonnait tout simplement à une immense détresse liée à sa solitude et à sa culpabilité ?

Amélie Cordonnier au Rock'n Books du 26 sept-20

Aucun doute, avec Un loup quelque part, Amélie Cordonnier s'attaque à un sujet tabou de notre Société, celui de la maternité, ou plus précisément celui de l’instinct maternel, qui quoi qu’on en dise, ne va pas de soi. Sa plume à la fois brute et cinglante ne nous épargne rien, ni la douleur, ni la violence de cette femme. C'est en apnée, les viscères nouées, que le lecteur assiste impuissant au combat intrinsèque de cette mère. Un livre puissant qui confirme le talent de son auteure.  

Belle lecture !