mercredi 30 juin 2021

Mon avis sur "Les après-midi d'hiver" de Anna Zerbib

Anna Zerbib est écrivaine et professeur de français au lycée. C'est par les nouvelles qu'elle est venue à l'écriture. Les après-midi d'hiver publié chez Gallimard est son premier roman. Et qui dit premier roman, dit 68 premières fois.

C’était l’hiver après celui de la mort de ma mère, c’est-à-dire mon deuxième hiver à Montréal. J’ai rencontré Noah et j’ai eu ce secret. Tout s’est produit pour moi hors du temps réglementaire de la perte de sens. Longtemps après les premières phases critiques du deuil, que j’ai bien étudiées sur Internet. Les événements se sont déroulés dans cet ordre, de cela je suis sûre. Pour le secret, je ne suis pas certaine, il était peut-être là avant, un secret sans personne dedans.

Du deuil peut naître l'amour, à moins que le second ne soit qu'un subterfuge pour panser le premier. Elle a perdu sa mère, est française et passe l'hiver à Montréal. Il est artiste et vient de perdre son père. Elle dit à Samuel qu'elle passe ses après-midi à écrire, mais elle retrouve Noah. Ensemble, le temps d'un hiver ils noient leur chagrin dans la chaleur de leur corps. Que l'attente est longue en cette saison ! Alors pour combler ce vide, elle convoque ses souvenirs. Entre passé, réel et fiction, il y a l'écriture. Une manière comme une autre de se reconstruire puis, une fois les beaux jours revenus, de vivre de nouveau.

Les après-midi d'hiver est premier roman certes pas franchement original mais vibrant d’émotion et surtout servi par la belle plume d'Anna Zerbib. De plus, son écriture très visuelle nous transporte vers un ailleurs et place la neige et le froid au centre du roman. Pourtant, à l'instar d'un bon thé brûlant, ce roman réchauffe les cœurs. Et si finalement vivre une passion amoureuse était le remède à la mélancolie qui a tendance à nous envelopper Les après-midi d'hiver

Belle lecture ! 

mardi 29 juin 2021

Mon avis sur "Les orageuses" de Marcia Burnier

Marcia Burnier est une jeune auteure franco-suisse. Les orageuses est son premier roman. Il est publié aux Éditions Cambourakis et a été sélectionné par les 68 premières fois.

Depuis qu’elle avait revu Mia, l’histoire de vengeance, non, de “rendre justice”, lui trottait dans la tête. On dit pas vengeance, lui avait dit Mia, c’est pas la même chose, là on se répare, on se rend justice parce que personne d’autre n’est disposé à le faire. Lucie n’avait pas été très convaincue par le choix de mot, mais ça ne changeait pas grand-chose. En écoutant ces récits dans son bureau, son cœur s’emballe, elle aurait envie de crier, de diffuser à toute heure dans le pays un message qui dirait On vous retrouvera. Chacun d’entre vous. On sonnera à vos portes, on viendra à votre travail, chez vos parents, même des années après, même lorsque vous nous aurez oubliées, on sera là et on vous détruira.

Les orageuses est un premier roman qui fait la part belle à la solidarité entre femmes post ère #MeToo. Ces femmes ont en commun d'avoir subi des violences sexuelles. Leurs auteurs ont connu l’impunité ou n'ont pas été puni à la hauteur de la souffrance qu'ils ont infligé. Dès lors, elles n'avaient qu'une envie, se rendre justice. Alors, pour reprendre le contrôle de leur vie, elles ont créé leur gang.

Les orageuses est certes un court roman mais qui claque, percute. Il résonne tel un déchirement dans la nuit. Un véritable cri de rage. Pour autant, c'est sans aucun voyeurisme que Marcia Burnier a écrit sur le viol et la sororité. Ses mots et sa plume servent son combat. L'auteure rend un bel hommage à toutes celles qui ont été victimes de violences sexuelles sans jamais heurter leur sensibilité. Les orageuses est un premier roman saisissant. La peur peut enfin changer de camp. À bon entendeur...

Belle lecture !

vendredi 25 juin 2021

Mon avis sur "La Famille, itinéraires d'un secret" de Suzanne Privat

Suzanne Privat est journaliste. Elle vit dans l’est de Paris, au cœur du quartier où la communauté la Famille se perpétue depuis le XIXe siècle. C'est en regardant les photos de classe de ses enfants que l'attention de l'auteure a été attirée. Comme elle a la curiosité dévorante, elle a voulu savoir pourquoi dans la classe de sa fille, puis des années plus tard dans celle de son fils, il y avait tant d'enfants qui se ressemblaient et portaient les mêmes patronymes. Ils étaient tous cousins. C'est son appétence à vouloir comprendre qui la mènera à la publication de La Famille, itinéraires d'un secret aux éditions Les Avrils.

Dans ce coin du XXe arrondissement de Paris, on les remarque sans les connaître. Ils portent les mêmes noms, ne se mêlent pas aux autres. Au café, à l’école, Suzanne entend des rumeurs sur ces troublants « cousins ». Alors elle cherche, interroge. Et peu à peu, les pièces du puzzle s’ajustent pour former un tableau sidérant. Depuis 1892, huit familles ont décidé d’unir leur destin pour n’en former qu’une, soudée par la religion, le secret et des règles de vie strictes. Entre eux, ils se nomment « la Famille ». Dans cette communauté qui rassemble plusieurs milliers de personnes, on habite les mêmes immeubles, on s’épouse entre soi. Les règles y sont nombreuses, les vies toutes tracées. Il y a aussi les fêtes, la solidarité. Ceux qui veulent s’affranchir sont contraints de partir.

C'est à l'occasion de la promotion du livre de Suzanne Privat et d'un article paru dans "Le Parisien" évoquant cette communauté de trois mille personnes appartenant à huit familles seulement et vivant quasi toutes dans le même quartier de Paris que j'ai découvert l'existence de ce qui semble s'apparenter à une secte. Dès lors, je me suis précipitée chez mon libraire pour tout savoir sur La Famille, itinéraires d'un secretDurant un an et demi, Suzanne Privat a passé au crible les archives, les réseaux sociaux, arpenté la ville, rencontré des témoins. Alliant rigueur de journaliste et ingéniosité d'écrivaine, elle livre une enquête intime sur cette communauté vieille de deux siècles écartelée entre croyances archaïques, dérives sectaires et soif d'ouverture. La Famille, itinéraires d'un secret n'est pas un documentaire, c'est un récit qui à la fois retrace l'histoire de ce groupe et la démarche de l'auteure. 

Il y a vraiment des curiosités salvatrices qui permettent de mettre en exergue des dérives et des modes de vie d'un autre temps qui se jouent sous nos fenêtres. Se considérant comme des élus de Dieu et ayant une vision apocalyptique de l'avenir, les membres de La Famille s'obligent à limiter leurs contacts extérieurs et à ne se reproduire qu'entre eux. Les hommes doivent se cantonner aux professions subalternes, les femmes, quant à elles, ne doivent tout simplement pas travailler. Leur but premier étant de procréer. Elles peuvent tout au plus et si nécessaire, faire les marchés ou consacrer un peu de leur temps aux travaux de couture. Leur priorité étant de donner la vie. Quant aux enfants, s'ils peuvent s'instruire un temps, ils ont interdiction de fréquenter les autres enfants qui ne sont pas membres de La Famille et d'entreprendre des études poussées. Côté règles de vie de cette communauté, elles sont très strictes. En plus de devoir se marier vierge et à l'orée de leur vie, les membres n'ont pas le droit de danser, de se couper les cheveux et, les femmes, de se vêtir de pantalons. Communauté endogame, il n'est pas rare que les membres souffrent de handicaps, de maladies auto-immunes voire même qu'ils soient emportés assez jeunes de cancers. Si telle est la volonté de Dieu, alors les membres l'acceptent. 

Entre kibboutz et secte qui ne porte pas son nom, La Famille, itinéraires d'un secret, est un récit intéressant à lire parce que malgré nos croyances, il existe encore des groupes qui vivent repliés sur eux-mêmes, des personnes qui n'ont pas choisi leur famille et subissent des maltraitances psychologiques et sexuelles. Ça se passe près de chez nous en 2021 et c'est juste effrayant. Et maintenant on fait quoi ? Espérons que le livre de Suzanne Privat sera de nature à faire réagir la mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires et qu'une enquête soit diligentée.

En attendant, belle lecture !

lundi 21 juin 2021

Mon avis sur "Le doorman" de Madeleine Assas

Le doorman publié chez Actes Sud est le premier roman de Madeleine Assas. Comédienne, elle se plaît à mêler vies réelles comme imaginaires, lointaines et étrangères. Et puis qui dit premier roman, dit 68 premières fois, c'est grâce à ce fabuleux groupe que j'ai découvert Le doorman

Le doorman est le roman d'un homme secret vêtu d'un costume noir à boutons dorés. Un étranger devenu le portier d'un immeuble de Park Avenue puis, avec avec le temps, le complice discret de plusieurs dizaines de résidents qui comme lui sont un jour venus d'ailleurs.
À New York depuis 1965, ce personnage poétique et solitaire est aussi un contemplatif qui arpente à travers ce livre et au fil de quatre décennies l'incomparable mégapole. Humble, la plupart du temps invisible, il est fidèle en amitié, prudent en amour et parfois mélancolique alors que la ville change autour de lui et que l'urbanisme érode les communautés de fraternité.
Toute une vie professionnelle, Le doorman passe ainsi quarante années protégé par son uniforme, à ouvrir des portes monumentales sur le monde extérieur et à observer, à écouter, avec empathie et intégrité ceux qui les franchissent comme autant de visages inoubliables. Jusqu'au jour où il part pour une autre ville, matrice de son imaginaire.
Ce livre est le théâtre intemporel d'une cartographie intime confrontée à la mythologie d'un lieu. Il convoque l'imaginaire de tout voyageur, qu'il s'agisse du rêveur immobile ou des inconditionnels piétons de Manhattan, marcheurs d'hier et d'aujourd'hui aux accents d'ailleurs. 

Ray, juif d'Algérie française, est engagé comme doorman à New York. Solitaire et discret, quand il ne travaille pas, Ray déambule dans les rues, les quartiers de NYC. Marchant à ses côtés, durant quatre décennies, non seulement nous découvrons les coins et recoins de cette mégapole cosmopolite, en suivons son évolution, mais surtout nous plongeons dans l'humanité de cet homme  déraciné. Ray Le doorman est un être infiniment touchant, bienveillant qui a à cœur de veiller sur les résidents de l'immeuble sis au 10 Park Avenue. 

Ray m'a immédiatement fait penser au doorman du premier épisode de la série Modern love. Digne et élégant tout comme l'écriture de Madeleine Assas. Un seul petit bémol, par moment il y a quelques longueurs. Malgré cela, on referme ce livre en ayant une furieuse envie d'ouvrir sa porte et de sauter dans le premier vol pour New-York.

Beau voyage & belle lecture !



Modern Love 

Mon avis sur "Indésirable" d'Erwan Larher

Il est toujours difficile d'écrire un avis sur un auteur tel qu'Erwan Larher, de surcroît lorsqu'il vous a soutenu sans réserve le jour où vous avez eu la folle idée de créer un café littéraire qui mêle littérature et rock. C'est qu'il en connaît un brin dans ces domaines, le grand Erwan. Alors à force de repousser la chronique que je ne voulais pas écrire, il y a un moment où il faut se lancer et tant pis, si je ne suis pas à la hauteur du bonhomme et de son talent ! Indésirable est le dernier roman d'Erwan Larher publié chez Quidam éditeur (que je remercie de sa confiance). Ce roman a fait partie de la sélection du Prix du Cercle littéraire Novotel Château de Maffliers 2021.

Quand Sam Zabriski s’installe à Saint-Airy, dans la maison dite «du Disparu», le destin de ce village rural au riche passé historique bascule.
Ici, on se méfie un peu des étrangers. Ici, on décatit très bien entre-soi. Ici, on a des certitudes, dont celle que l’humanité se compose d’hommes et de femmes. Or impossible de deviner à quel genre appartient Sam, par ailleurs énigmatique quant à son passé. L’incertitude et l’inconnu dérangent, les passion s’exaltent, les tensions s’aiguisent. Après quelques escarmouches, la guerre est bientôt déclarée. Personne n’en sortira indemne.

Indésirable est présenté comme un roman noir, un roman politique et une étude de mœurs. Il déroule cinq années de la vie d’un microcosme perturbé par l’arrivée d’un corps étranger, une personne intersexe au passé flou, qui va tomber sous le charme d'un logis médiéval (toute ressemblance sur ce dernier point avec celui qui a tenu la plume ne serait que fortuite, euh ou pas !). Indésirable est effectivement tout cela à la fois et bien plus encore. C'est un roman singulier, inventif, un poil déjanté. De plus, Erwan a eu une idée de génie en forgeant une langue épicène pour exprimer le dissemblable. Comme la plupart des lecteurs, mes yeux ont buté la première fois, j'ai d'abord cru à une coquille. Puis la retrouvant, je me suis questionnée. Peu à peu les pièces du puzzle se sont assemblées. Dès lors, la coquille est devenue logique. Une évidence. Sam le personnage central est Indésirable. Iel dérange, divise, vient perturber le village de Saint-Airy qui s'apprête à être connu dans toute la France non pas parce qu'il est une plaque tournante d'un trafic de drogue à grande échelle, mais grâce au tournage de cette merveilleuse émission qu'est "L'amour est dans le pré". Une fierté locale perturbée par l'arrivée de Sam qui ne pense qu'à préserver le patrimoine immobilier. Quel être étrange et ce, à plus d'un titre. D'ailleurs les étrangers ne sont pas les bienvenus à Saint-Airy surtout s'ils bousculent l'entre-soi, l'étroitesse d'esprit et le conservatisme des autochtones. Sam s'en rendra vite compte. Iel va déchaîner les passions, être un catalyseur pour certains. Iel va diviser, des clans vont se former jusqu'au sein du conseil municipal. La singularité de Sam va chahuter tout ce petit monde. Iel est l'élément perturbateur qui va permettre d'observer et d'analyser ce microcosme.

Aucun doute, Erwan Larher est un grand auteur, pour preuve tout au long du roman, il parvient à tenir le cap et à ne jamais "genrer" Sam. Une véritable prouesse. Et comme si cet exploit ne suffisait pas, il nous propose un livre sans style. Attention, pas de méprise, je n'écris pas l'inverse de ce que je viens de déclamer au début de ce paragraphe, je veux juste dire qu'Indésirable embrasse tous les styles. Il m'est revenu en mémoire la citation de Jules Renard, "Le style, c’est l’oubli de tous les styles". Indésirable c'est exactement cela. À quoi bon vouloir faire rentrer ce roman très dense et riche dans une case ? À l'instar de Sam, Indésirable est inclassable. Il oscille entre littérature blanche et noire, roman sociétal et politique, étude de mœurs, thriller, fiction, tous les styles y sont. Il a brassé large Erwan Larher, sans compter les références à ses précédents romans et ceux qui ont fait l'actualité qu'il s'est amusé à glisser, de même que les pointes d'humour et les petits pics de-ci de-là. Indésirable est tout son contraire. Un désirable. Un conseil, lisez-le !

Belle lecture !

dimanche 13 juin 2021

Mon avis sur "Ce matin-là" de Gaëlle Josse

Gaëlle Josse est venue à la littérature par la poésie. Dès son premier roman elle a remporté différents prix littéraires. Ce matin-là est son septième roman publié dans la collection Notabilia des éditions Noir sur Blanc. Il est dédié à tous ceux qui tombent.

Un matin, tout lâche pour Clara, jeune femme compétente, efficace, investie dans la société de crédit qui l'emploie. Elle ne retournera pas travailler. Amis, amours, famille, collègues, tout se délite. Des semaines, des mois de solitude, de vide, s'ouvrent devant elle. Pour relancer le cours de sa vie, il lui faudra des ruptures, de l'amitié, et aussi remonter à la source vive de l'enfance. 
Ce matin-là, c'est une mosaïque qui se dévoile, l'histoire simple d'une vie qui a perdu son unité, son allant, son élan, et qui cherche comment être enfin à sa juste place. Qui ne s'est senti, un jour, tenté d'abandonner la course ? Une histoire minuscule et universelle, qui interroge chacun de nous sur nos choix, nos désirs, et sur la façon dont il nous faut parfois réinventer nos vies pour pouvoir continuer. 

Ce matin-là, à sept heures trente, la voiture de Clara ne démarre pas. Rien à faire. Rien de rien. Ni tourner et retourner la clé de contact, ni taper du plat de la main sur le volant, ni enfoncer l'accélérateur d'un pied rageur. Ni soupirer, ni proférer injures et menaces. Rien n'y fait. Rien de rien. Clara a bien un téléphone, sait qu'elle devrait appeler son bureau, prévenir de son retard, contacter un garagiste ou encore son amoureux, mais Clara n'a que la force d'appeler l'ascenseur pour se laisser glisser au sol chez elle. Son corps ne lui appartient plus. Le néant l'absorbe totalement et ses yeux débordent. Ce matin-là cette jeune femme battante subit tout ce qu'elle n'a pas voulu voir, pas voulu entendre depuis des semaines, des mois. Et le verdict tombe : Burn out. Une chute nécessaire pour mieux se relever.

C'est tout en finesse et délicatesse que Gaëlle Josse nous embarque dans l'univers ordinaire de la dépression. Elle dissèque chacune des étapes de cette maladie qui touche en France près d'une personne sur cinq au cours de sa vie. L'auteure évoque ce qui mène à la chute, le long tunnel à traverser avec au bout, la lumière. Ce matin-là est un roman au plus près des sensations et des émotions d'une femme qui sombre. La plume poétique de Gaëlle Josse parvient, malgré la noirceur du sujet, à rendre ce roman lumineux. Certes, son écriture amortit la chute, mais c'est un roman et une auteure à découvrir.

Belle lecture !

mardi 8 juin 2021

Mon avis sur "Danse avec la foudre" de Jérémy Bracone

Jérémy Bracone est artiste plasticien, il sculpte, dessine et réalise des installations. Danse avec la foudre est son premier roman publié aux Éditions L'iconoclaste. Évidemment, il n'a pas échappé au flaire des 68 premières fois, il a donc rejoint la belle sélection 2021.

Figuette est ouvrier et père célibataire de la petite Zoé depuis que sa femme, Moïra, imprévisible et passionnée, a fugué. L’été arrive et l’usine qui l’emploie menace de fermer, il n’aura pas les moyens d’emmener sa fille en vacances comme il l’avait promis. Pour séduire Moïra, il avait été capable des plus belles folies. Pour la reconquérir et ne pas décevoir sa fille, il va aller encore plus loin.

Danse avec la foudre est l'histoire d'un homme amoureux de sa femme disparue qui tout en organisant la lutte contre la délocalisation de l'usine dans laquelle il travaille, assume seul sa paternité. Sur fond de menace de chômage et de misère sociale, il va s'efforcer de tenir sa promesse et d'offrir du rêve à sa petite fille en lui créant durant la période estivale, des vacances sur mesure. Dès lors, cet homme au cœur tendre va laisser libre cours à son imagination et à sa créativité. 

Bien que parfaitement campé dans la réalité sociétale Danse avec la foudre est un premier roman à la fois tendre et émouvant. Entre drame et comédie, de sa plume poétique Jérémy Bracone parvient à enchanter le quotidien et ainsi rendre supportable ce qui l'est difficilement. Ce premier roman a des airs de Leurs enfants après eux de Nicolas Mathieu ou encore de Ce qu'il faut de nuit de Laurent Petitmangin, pas seulement pour la Lorraine, zone économiquement sinistrée, mais aussi pour cette infinie tendresse et cette humanité qui se dégage des personnages. Aucun doute, Jérémy Bracone est un artiste complet, plasticien, sculpteur mais également conteur.

Belle lecture !

dimanche 6 juin 2021

Mon avis sur "Les cœurs inquiets" de Lucie Paye

Lucie Paye vit à Londres. Les cœurs inquiets, son premier roman est publié chez Gallimard et a été mis à l'honneur par les 68 premières fois

"J'ai lutté, pour te retrouver, de toutes mes forces. L'espoir m'a fait vivre. Mille fois je me suis levée convaincue que ce serait aujourd'hui. Mille fois mon cœur a bondi en croyant t'apercevoir. Mille fois je me suis couchée en voulant croire que ce serait demain. Le jour où je te reverrais". 
Un jeune peintre voit apparaître sur ses toiles un visage étrangement familier. Ailleurs, une femme écrit une ultime lettre à son amour perdu. Ils ont en commun l'absence qui hante le quotidien, la compagnie tenace des fantômes du passé. Au fil d'un jeu de miroirs subtil, leurs quêtes vont se rejoindre. 

D'une plume singulière, à la fois vive, limpide et poétique, Lucie Paye nous entraîne dès les premières pages vers une énigme poignante. En alternant les récits, elle nous embarque dans l'atelier d'un peintre en pleine création perturbé par une femme qui s'impose à lui, et auprès d'une femme condamnée qui noircit des pages et des pages qu'elle destine à son cher amour. Entre eux, Lui et Elle, Elle et Lui, un dialogue s'instaure alors même qu'ils ne se connaissent pas. Deux destins, deux voix qui se répondent en écho. Ils ont en commun l’absence, l’arrachement et la résilience, les mensonges qui détruisent, la rédemption par la création, mais surtout cette quête de vérité. 

Les cœurs inquiets est un roman poignant, intime et poétique. Lucie Paye dépeint avec grâce et finesse le sentiment d'abandon. Elle nous transporte en plein cœur de ces âmes torturées, écrasées par l'urgence du temps qui passe. L'urgence à créer, l'urgence à délivrer. Les cœurs inquiets est un premier roman à découvrir et Lucie Paye, une auteure à suivre.

Belle lecture !

mercredi 2 juin 2021

Mon avis sur "L'enfant parfaite" de Vanessa Bamberger

Vanessa Bamberger est journaliste. Elle a écrit sans relâche durant quatorze ans avant d'être publiée. L'enfant parfaite est son troisième roman, paru chez Liana Lévi en janvier dernier. Il a été l'un des huit finalistes du Prix du Cercle littéraire Novotel Château de Maffliers 2021.

Roxane entre en classe de première S à Sully, lycée parisien élitiste. L'excellence et la perfection la constituent. Elle a intégré les exigences de ses parents. Mais depuis la rentrée, rien ne va plus, ni les maths, ni l'amitié, ni l'apparence physique.
Avec son verbe slamé, Roxane raconte la pression scolaire, la perte de confiance en soi, l'indifférence et l'incompréhension des adultes. Pour soigner l'acné qui enflamme son visage, elle n'a d'autre recours que de solliciter un ami de son père, cardiologue, pour une ordonnance de complaisance. Autour d'elle, personne ne voit venir le drame.
De ce qui est arrivé à Roxane, François, le cardiologue, doit répondre devant le Conseil de l'ordre des médecins, procès au cours duquel il cherche désespérément à saisir l'enchaînement tragique des choses.

Parce que le spectre du chômage nourrit leurs angoisses, parce que notre société est une société de performance et de réussite sociale, la grande majorité des parents ne cessent de mettre la pression à leurs enfants. Ils attendent énormément de leur progéniture surtout d'un point de vue scolaire. Alors quand en plus, les copines s'éloignent, que les amours échouent, que le corps change et que les hormones s'en mêlent, tout peut basculer. Et si le remède à ce mal-être était l'isotrétinoïne, une substance active médicamenteuse pouvant entrainer des troubles psychologiques ? 
Roxanne, l'héroïne de L'enfant parfaite est embourbée dans son adolescence. Mal dans sa peau, elle est sujette à des poussées d'acné qui la défigurent. Comme sa mère ne veut pas que l'on prescrive à sa fille le remède miracle et comme cette femme ne réalise pas le malaise profond qui s'installe, Roxanne mettra tout en œuvre pour obtenir une ordonnance, quitte à se mettre en danger. Tout, plutôt que d'être défigurée.

L'enfant parfaite est un roman qui non seulement dénonce la pression que nous mettons à nos enfants, mais également l'incompréhension qui s'installe entre parents et enfants durant cette délicate période qu'est l'adolescence. Deux voix, deux points de vue s'affrontent pour tenter d'expliquer comment l'impensable a pu se produire. François le cardiologue analyse les faits pour se justifier devant le Conseil de l'ordre des médecins. Quant à Roxanne elle raconte son malaise grandissant, sa fragilité, sa faiblesse. Au détour d'une histoire qui met en cause la pression scolaire et les effets secondaires dévastateurs d'un médicament, Vanessa Bamberger raconte avec finesse et puissance cette difficile période de la vie qu'est l'adolescence. Parents d'adolescents lisez L'enfant parfaite et si votre ado est traité pour son acné par l'isotrétinoïne, soyez tout particulièrement attentifs, on ne parle pas encore suffisamment des ravages que fait de médicament. 

Belle lecture !