lundi 1 avril 2024

Mon avis sur "Tempo" de Martin Dumont

J'ai découvert la plume de Martin Dumont grâce aux 68 premières fois avec son précédent roman, Tant qu'il reste des îles, un roman empli d'humanité que j'avais beaucoup aimé. Alors lorsque j'ai su que pour cette rentrée d'hiver c'est avec Tempo (Les Avrils) que l'auteur nous revenait, je n'ai pas hésité une seconde. Je suis partie à la rencontre de Félix, Anna, Louis, Rémi, Alex, Kacem, Marc et les autres. Et quelle rencontre !
 
À trente ans, Félix Pogam vit à Belleville avec sa compagne et leur bébé. Le soir, il joue de la guitare dans les bars avec l’espoir tenace de voir sa carrière solo démarrer. Car la gloire, Félix l’a déjà frôlée. Avec ses amis, ils avaient le talent, l’audace, l’osmose. Il y avait la fièvre, l’excitation et l’insouciance. Signature en label, disque et tournée ; leur groupe a décollé puis tout s’est arrêté. Félix, lui, n’a jamais renoncé. D’ailleurs, Marc, son manager, le lui répète sans cesse ; il doit persévérer. Pourtant, arrivé en ce point précis où l’existence l’exige, Félix doit faire un choix : poursuivre encore le rêve ou changer de regard sur sa réalité.
 
Tempo c'est bien plus qu'un roman. C'est un livre tout en résonnance, qui fait écho et qui inévitablement convoque la nostalgie. Tempo nous renvoie dans les années lycée. Celles de l'Amitié, de la passion et de l'insouciance. Celles durant lesquelles les rêves, même les plus fous, semblent terriblement accessibles. Celles que l'on regarde, des années plus tard, avec tendresse et mélancolie. Tempo c'est l'histoire d'un ado passionné de musique devenu père qui doit, pour répondre aux attentes de sa compagne, faire un choix. Doit-il s'accrocher obstinément à ses rêves ou y renoncer ?
 
Tempo se déroule sur une dizaine d'années. Le récit alterne entre les souvenirs des années 80 de Félix -le narrateur- et ses interrogations du moment. Durant ces oscillations, on croise Louis, Rémi et Alex, mais aussi d’Anna, d’Ellie, Kacem, Marc et quelques autres. Tous sont profondément humains et attachants.
 
Le Tempo de ce roman à la fois lent et rythmé permet d'apprécier à sa juste valeur la délicate plume de Martin Dumont toute en retenue et d'une touchante sobriété. Tempo est un roman d'espoir empreint d'une tendresse infinie à glisser entre les mains de ceux qui ont des rêves plein la tête.

Belle lecture !

lundi 30 octobre 2023

Mon avis sur "L'amour" de François Bégaudeau

François Bégaudeau est un écrivain, critique littéraire et scénariste français. Auteur de nombreux romans, on lui doit le fameux Entre les murs, inspiré par son expérience d'enseignant en ZEP au Collège Mozart à Paris qui lui a valu le Prix France Culture-Télérama et la Palme d'or au Festival de Cannes 2008 puisque ce roman a été porté à l'écran par Laurent Cantet. Pour cette rentrée littéraire, l'auteur vient nous raconter L'amour (Éditions Verticales). Et c'est exactement ce dont nous avions besoin !

J’ai voulu raconter l’amour tel qu’il est vécu la plupart du temps par la plupart des gens : sans crise ni événement. Au gré de la vie qui passe, des printemps qui reviennent et repartent. Dans la mélancolie des choses. Il est nulle part et partout, il est dans le temps même.
Les Moreau vont vivre cinquante ans côte à côte, en compagnie l’un de l’autre. C’est le bon mot : elle est sa compagne, il est son compagnon. Seule la mort les séparera, et encore ce n’est pas sûr.

L'amour entre ces deux-là s'écrit sans majuscule et en moins d'une centaine de pages. Pourtant, il a duré une cinquantaine d'années. Un amour simple et ordinaire à l'instar de la vie de Jeanne et Jacques Moreau. Elle est réceptionniste dans un hôtel, il travaille dans l’entreprise de maçonnerie de son père. Entre eux, pas de coup de foudre, pas de passion dévorante, juste une attirance qui au gré des rencontres va les mener devant Monsieur le Maire. S'ensuit le petit pavillon, l'enfant que l'on n'a pas vu grandir et voilà qu'arrivent déjà les petits-enfants. La vie sans histoire des Moreau défile au gré des pages. Une vie simple ancrée dans le quotidien, parsemée de chamailleries, d'instants bonheurs mais également de petits et grands malheurs. 

L'amour est autant d'instantanés mis bout à bout. En effet, ce roman se lit comme on feuillèterait un album de famille dont les photos auraient jauni. Avec mélancolie. On constate que le temps file, que les choses évoluent. Les téléphones sont à touches, les bouteilles de soda en plastique, les mouchoirs en papier, les têtes d’hommes nues, les machines à coudre envolées, le papier peint suranné, les baguettes tradition, les wagons non-fumeurs, les shorts de foot longs. Ils vieillissent ensemble et puis un jour l'un des deux disparaît. Alors l'autre survit.

Aucun doute, François Bégaudeau nous offre un petit bijou éminemment touchant, empli de tendresse. Certes L'amour qui unit Jeanne et Jacques n'est pas grandiloquent, mais il est profond et sincère. Il s'est construit à deux. Au jour le jour. Jusqu'à ce qu'elle devienne sa compagne et lui son compagnon. Jusqu'à ce que l'ordinaire devienne extraordinaire. Pour preuve, la longévité de leur couple ! Finalement, il n'y a pas que les amours impossibles qui fendent les cœurs, mouillent les yeux, il y a aussi celles ordinaires qui nous narrées avec brio. À lire d'une traite.

Belle lecture !

dimanche 22 octobre 2023

Mon avis sur "Au sol" de Charlotte Milandri

Avocate de formation, Charlotte Milandri est une amoureuse des mots. Pour preuve, elle est la fondatrice de l'association 68 premières fois, association qui met en lumière les premiers romans et leurs auteurs et développe des actions littéraires en milieu carcéral. Ceux qui me suivent savent que depuis plusieurs années je suis une inconditionnelle du projet associatif des 68 premières fois, lequel m'a permis de découvrir de nouvelles plumes de qualité. C'est donc à travers sa passion et les évènements qu'elle et ses comparses ont pu organiser que j'ai rencontré Charlotte Milandri. Une femme discrète, que l'on devine plus à l'aise derrière les projecteurs que sous leurs feux. Une femme qui, à l'instar de son héroïne, a opéré un virage à 180 degrés puisqu'elle a troqué sa robe d'avocate pour les livres. Charlotte Milandri est aujourd'hui responsable du service éditorial et des ateliers à l'école d'écriture Les Mots. Au sol (Éditions des Équateurs) est son premier roman.

Découper les courgettes en cubes réguliers, préparer le poulet du dimanche, sourire, oui, merci, tout va bien : cette vie-là, Claire n’en peut plus, n’en veut plus. Elle, la petite fille autrefois si docile, la jeune femme bien comme il faut, l’avocate toujours irréprochable, toujours discrète, crève de cette vie sans couleurs, sans passion, sans surprise.
Elle voudrait hurler pour faire s’écrouler les murs immaculés de cette maison où rien ne fait plus écho, claquer la porte, sentir son corps désirant, faire enfin naître le feu allumé dix ans plus tôt dans les flammes de la folle création d’un   homme : Jackson Pollock.

Ne vous fiez pas aux apparences. Bien que Claire soit à l'abri avec sa vie de famille conventionnelle, un garçonnet craquant et si sage, un mari aimant, un métier qui claque, elle n'en peut plus. Claire suffoque de cette vie où les sans s'empilent. Sans surprise. Sans inattendu. Sans déviation. Sans risque. Sans désir. Sans envie. Elle voudrait être bousculée Claire. Percutée. Oui, percutée. Exactement comme lorsqu'enfant elle a vu pour la première fois cette toile de Jackson Pollock. C'était à l'occasion d'une sortie scolaire au musée. La petite Clara qui visite le Palais la renvoie à cette époque, à ses émotions. Les mêmes qu'elle a ressenti à New York lorsqu'à l'occasion de son voyage de noces, elle a revu cette toile. Claire s'éteint. Elle se meurt. Jusqu'au jour où elle sombre. Elle ne veut que lui. Celui qui mort, lui tord le ventre. Elle veut être sa créature et qu'il soit la sienne. Elle ne veut que cela depuis qu'elle l'a rencontré, depuis qu'elle accumule les tubes de peinture. Plus que tout, elle veut le rejoindre lui et son univers. Alors Claire se laisse partir. Elle accélère la chute. Sombre. Au sol.

Pour un premier roman, Charlotte Milandri a frappé fort. Au sol est un uppercut à l'écriture âpre et saisissante qui coupe le souffle et vous laisse à terre. Ce livre est aussi dérangeant qu'intense comme peut l'être le processus de création artistique. À travers Claire, l'auteure nous (se) rappelle, s'il en était besoin, combien il est urgent de vivre, d'être accompli. Se réaliser tout simplement. Se libérer de ses chaînes, des conventions sociales et être soi. Et s'il faut sombrer pour y parvenir, alors s'engouffrer. Comme Jackson Pollock, flirter avec la folie, mais ne pas se vautrer dedans. Créer son univers. Au sol est un roman audacieux qui devrait ravir tous ceux que les romans insipides ennuient. Un grand bravo à Charlotte Milandri qui fait une entrée fracassante de l'autre côté.

Belle lecture !

vendredi 29 septembre 2023

Mon avis sur "Fuir l'Eden" d'Olivier Dorchamps

Toujours difficile de revenir sur le devant de la scène littéraire après un remarquable premier roman de surcroît, lorsqu'il a été treize fois primé. On imagine que pour celui qui suit, l'auteur doit être attendu au coin du bois. Si tant est qu'il en était un pour lui, je peux vous assurer qu'Olivier Dorchamps a relevé ce challenge haut la main. En effet, après Ceux que je suis, il a enchainé avec Fuir l'Eden (Éditions Finitude) un roman si percutant que l'on voudrait qu'il ne se termine jamais...
 
« Elle a mon âge. Ses yeux clairs ont peu dormi. Elle est jolie, perdue dans sa solitude. Elle doit porter un peu de rouge à lèvres mais c’est discret. Comme elle. Une fille invisible au rouge à lèvres discret. Elle me rappelle ma mère ; des bribes de ma mère. Sa douceur. Sa mélancolie. Sa fragilité. Comme un puzzle, si tu veux, les morceaux du bord. Avec un grand vide au milieu. » Adam a dix-sept ans et vient de tomber amoureux, là, sur le quai de la gare de Clapham Junction, à deux pas de cet immeuble de la banlieue de Londres où la vie est devenue si sombre. Cette fille aux yeux clairs est comme une promesse, celle d’un ailleurs, d’une vie de l’autre côté de la voie ferrée, du bon côté. Mais comment apprendre à aimer quand depuis son enfance on a connu plus de coups que de caresses ? Comment choisir les mots, comment choisir les gestes ? Mais avant tout, il faut la retrouver…

Adam, le narrateur, vit du côté moche des voies ferrées dans la barre d'immeubles au fond d'une impasse. Vu de l'extérieur et d'après le panneau qui orne les grilles de l'Eden Tower, ce lieu présente un intérêt artistique. Issu du mouvement brutaliste, il est classé auprès du Fonds Mondial pour les Monuments. Construit en béton ce bâtiment de quatre-vingt-dix-huit mètres est composé d'une barre d'habitation dans laquelle les familles modestes s'empilent et d'une tour, surnommée Cap Canaveral, dédiée aux ascenseurs, canalisations et tous les trucs qui tombent régulièrement en panne. L'une et l'autre sont reliées par des passerelles. L'Eden Tower est une véritable attraction touristique. Vu de l'intérieur, l'Eden c'est l'enfer. Adam y vit avec sa petite sœur, Lauren, et l'autre. L'autre c'est le père, celui qui a fait fuir la mère. Elle n'en pouvait plus d'amortir ses coups avec son ventre, de subir ses assauts nocturnes. Un beau matin, elle est partie. Elle n'avait de cesse de dire à Adam que le choix n'existe qu'au-delà des rails. Depuis, il n'a qu'un objectif, Fuir l'Eden. En attendant ce jour, il s'accroche à la vie avec Ben et Pav, ses amis, et travaille chez Claire, une aveugle à qui il fait la lecture. Auprès de cette femme Adam découvre qu'une autre vie est possible. Elle lui ouvre les portes d'un monde insoupçonné, sans violence, sans cri. De ce côté-ci des rails, Adam est considéré, respecté. Il s'élève et se surprend à rêver d'un après. D'un autrement. Jusqu'au jour où, sur le quai de la gare, son destin va basculer. Eva. Elle s'appelle Eva. 

Fuir l'Eden est un roman d'initiation qui irradie tant il apporte de la lumière là où tout ne pourrait être que noirceur. Ce roman nous cueille dès les premiers mots, il nous embarque dans un univers qui aurait pu être pesant, mais qui ne l'est pas. En effet, malgré l'environnement social défavorisé, malgré la violence, Fuir l'Eden ne verse ni dans le pathos, ni dans l'apitoiement. Tout en étant réaliste,  d'une justesse et d'une humanité bouleversante, Olivier Dorchamps y a mis une bonne dose de légèreté. De ce fait, son roman social se mue en véritable cri d'amour, une ode à la liberté et à la fraternité. Sans compter qu'il met à mal la fameuse théorie du déterminisme social selon laquelle nous serions conditionnés par le milieu social auquel nous appartenons. Heureusement, certaines rencontres élèvent. Encore faut-il à l'instar d'Adam savoir saisir les mains qui se tendent, s'ouvrir à d'autres horizons et tout mettre en œuvre pour passer de l'autre côté des rails. 

Vous l'aurez compris, Fuir l'Eden est un immense coup de ❤️❤️❤️ pour moi. J’ai tout aimé. L’histoire, le style, la plume d’Oliver Dorchamps, l’humour, l'autodérision, la répartie de ses personnages tellement attachants. Sans jamais tomber dans la facilité, cet auteur véhicule un beau message d'espoir et nous rappelle, s'il en était besoin, qu'au bout du tunnel, il y a le soleil.

Un grand merci aux 68 premières fois qui ont mis entre mes mains ce petit bijou. Un conseil, ne passez pas à côté.

Belle lecture !

jeudi 28 septembre 2023

Mon avis sur "Les narcisses blancs" de Sylvie Wojcik

C'est parce qu'à plusieurs reprises, Gérard Collard, célèbre libraire de La Griffe Noire, n'a pas tari d'éloges sur Les narcisses blancs (Arléa) et que j'apprécie la ligne éditoriale de cette maison d'édition (Les amers remarquables, Un été à l'Islette, 555) que je me suis décidée à lire ce roman de Sylvie Wojcik.

Jeanne et Gaëlle se rencontrent par hasard, un soir d’orage et de tempête, dans un gîte d’étape sur les sentiers de Compostelle. Spontanément, elles prennent la route ensemble. Très vite, elles quitteront ce chemin de randonnée bien tracé pour un autre chemin, au cœur de l’Aubrac, de ses pâturages et de ses champs de narcisses. Ce chemin dans un milieu à la fois dur et enchanteur les ramènera chacune à son histoire, son passé, sa raison de vivre. Elles ne sont pas là pour les mêmes raisons, mais au bout de leur quête, c’est pourtant le même besoin de lumière et de paix qui les fait avancer. Tout semble les opposer, une différence d’âge, d’éducation, de milieu social, mais, de ces différences, naîtront une grande proximité, une force qui les nourrira l’une et l’autre.

C'est en marchant sur la route de Compostelle que deux femmes vont se rencontrer. L'une est jeune, mutique et rebelle, l'autre est âgée et malade. Instinctivement, elles vont rassembler leur solitude pour tracer la route ensemble avant de bifurquer sur les sentiers de l’Aubrac. Cette nature environnante et surtout les champs de narcisses blancs vont être propices à l'introspection et au dépassement de soi. En peu de mots, mais à force d'observation, ces deux marcheuses vont s'apprivoiser, se dévoiler pour in fine s'attacher. 
Les narcisses blancs est un récit dépouillé qui nous amène avec grâce et émotion à la rencontre de l'Autre. Ce court roman est porté par l'écriture épurée et juste de Sylvie Wojcik qui se fond à merveille dans le décor naturel et sauvage de l'Aubrac. Marchez donc dans les pas de Jeanne et Gaëlle et laissez-vous gagner par la puissance de la nature et des rencontres.

Belle lecture !

lundi 25 septembre 2023

Mon avis sur "Témoin de rien" de Tom Noti

C'est le troisième roman que je lis de Tom Noti, auteur humaniste. Une fois de plus, avec Témoin de rien (Éditions La Trace), il m'a touchée en plein cœur. Cet auteur n'a pas son pareil pour aborder des sujets graves, nous plonger dans sa puissance narrative quand bien même tout soit évoqué du point de vue d'un clébard. Oui un clebs, un chien quoi.

Gaétane et Jeanne sont deux sœurs de l'après-guerre qui ont grandi dans une famille nombreuse et en apparence unie Elles sont aussi opposées qu'inséparables. Une fois mariées, c'est un peu contraintes qu'elles se retrouvent pour vivre côte à côte sur un terrain cédé par leur père. Leurs existences sont liées dans les joies, les tristesses, les victoires, les défaites, les petits et grands malheurs. C'est sous l'œil d'un témoin un peu particulier, que les vies imbriquées de chacun des membres de ces deux familles défileront. Mais le bonheur de leurs destins croisés pourra-t-il résister à la tragédie ?

Un chien passant d'un foyer à l'autre, Témoin de rien mais qui voit, renifle et sent tout. Absolument tout. Tout ce que les uns ne veulent pas montrer, tout ce que les autres ne veulent pas voir. Tout ce qui se fissure, qui craque. Il entend les silences pensants et assourdissants, les non-dits, les brimades et le bruit sourd des coups. C'est impuissant que ce Témoin de rien assiste à tout, dans l'indifférence de tous. C'est donc à travers le regard de cet animal de compagnie que Tom Noti aborde la question des violences domestiques. Ce parti pris permet d'encaisser les coups, de les amortir. Avec beaucoup de pudeur, l'auteur évoque le parcours de ces deux sœurs, de leurs foyers qui doivent affronter les petites et grandes épreuves de la vie, celles qui font basculer les humains du côté sombre et qui éclaboussent l'entourage. Tous tentent d'affronter les tempêtes tout en essayant de ne pas trop vaciller malgré tout. 

Une fois de plus, Tom Noti traite d'un sujet grave en s'abstenant de tout jugement. Grâce à sa plume poétique et sa subtile sensibilité,  il parvient à agrémenter la noirceur de l'humanité en la parsemant de touches lumineuses sans pour autant excuser la violence, sans minimiser son impact. Alors si vous êtes passé.e.s entre les lignes de cet auteur qui n'a rien à envier aux plus grands, il est urgent de devenir témoin de son talent.

Belle lecture !

vendredi 22 septembre 2023

Mon avis sur "Le soldat désaccordé" de Gilles Marchand

Bien que je l'ai lu voici plusieurs mois, Le soldat désaccordé de Gilles Marchand (Aux forges de Vulcain) m'habite encore. Depuis, ce roman a remporté différents Prix dont celui des Libraires et son auteur a été invité à La grande librairie. Une vraie consécration. Une juste reconnaissance. 

Paris, années 20, un ancien combattant est chargé de retrouver un soldat disparu en 1917. Arpentant les champs de bataille, interrogeant témoins et soldats, il va découvrir, au milieu de mille histoires plus incroyables les unes que les autres, la folle histoire d'amour que le jeune homme a vécue au milieu de l'Enfer. Alors que l'enquête progresse, la France se rapproche d'une nouvelle guerre et notre héros se jette à corps perdu dans cette mission désespérée, devenue sa seule source d'espoir dans un monde qui s'effondre.

Parce qu'un homme revenu d'une guerre n'est jamais le même que celui qu'il était avant son départ, parce que lui a perdu une main au tout début du conflit, parce qu'il a quitté le front très rapidement pour conduire des camions militaires, parce qu'il eu la chance de retrouver sa femme mais pas son emploi, parce qu'il culpabilise, le narrateur, puisque c'est de lui qu'il s'agit, de retour de la Grande Guerre offre ses services à tous ceux qui ont perdu un proche. Il devient enquêteur et reconstitue le passé de tous ces hommes disparus, de tous ceux qui sont devenus amnésiques, de tous ceux dont les proches ne savent pas ou qui sont persuadés de savoir. Et puis, il y a cette mère qui sait. Elle sait que son fils est vivant. Émile Joplain n'a pas succombé. Évidemment ! À l'instar de son histoire d'amour avec Lucie, ce soldat est immortel. 

C'est donc en reconstituant le parcours de tous ces disparus et plus particulièrement du jeune tourtereau éperdu d'amour pour sa belle et à travers ses poétiques missives que Gilles Marchand nous entraîne dans les tranchées boueuses au milieu des rats, des corps mutilés et des âmes grises. Le tout est agrémenté de poésie, empreint d'une profonde humanité. Le soldat désaccordé est un roman qui allie Grande et petites Histoire(s). L'horreur teintée d'onirisme est mise en musique par un poète. Dès lors, impossible de ne pas succomber au charme de ce soldat quand bien même désaccordé.

Belle lecture !