samedi 30 juillet 2022

Mon avis sur "Dans les brumes de Capelans" d'Olivier Norek

Quand Olivier Norek publie un roman, c'est toujours un évènement, mais quand en plus, il fait ressurgir Victor Coste, ce légendaire capitaine du 93, c'est un phénomène. Allez hop, embarquement immédiat Dans les brumes de Capelans (Michel Lafon que je remercie pour l'envoi de l'exemplaire dédicacé).

Une île de l'Atlantique battue par les vents, le brouillard et la neige. Un flic qui a disparu depuis six ans et dont les nouvelles missions sont classées secret défense. Sa résidence surveillée, forteresse imprenable protégée par des vitres pare-balles. Une jeune femme qu'il y garde enfermée. Et le monstre qui les traque. 
Tels sont les ingrédients de Dans les brumes de Capelans, ajoutez-y la Norek touch et vous voici indisponible pour les prochaines 24 heures.

Coste vit reclus à Saint-Pierre, la petite île cousine de Miquelon. Bien que seul et malgré ce que peuvent croire ses anciens coéquipiers, le regretté Capitaine ne s’est pas retiré des affaires. Il habite une des résidences surveillées de l’État, où il interroge des criminels repentis. Tout va basculer quand il devra se charger d'Anna, seule survivante d’un serial-killer qui l’a maintenue captive depuis ses 14 ans et n’a épargné aucune des autres proies qu’il a enlevées. Malgré la brume qui enveloppe l'île des semaines durant, le tueur a identifié la planque et se rapproche dangereusement. Comment est-ce possible ? 

Pour faire revenir son célèbre Victor Coste, Olivier Norek nous propose un thriller à l’atmosphère particulièrement angoissante du fait de l'insaisissable psychologie des personnages et du phénomène météorologique que produit la rencontre du courant chaud du Gulf Stream avec le courant froid du Labrador et lequel enveloppe l'île d'une opacité aveuglante. Véritable course contre la montre, Dans les brumes des Capelans, Coste nous en met plein la vue. La traque est prenante, l'intrigue parfaitement ficelée, les dialogues claquent. Bref, tout est réuni pour qu'il soit impossible de lâcher ce polar. Essayez, vous verrez. Il n'y a pas grand chose à dire tant tout fonctionne et nous tient en haleine. Du grand Norek, assurément !

Belle lecture !

vendredi 22 juillet 2022

Mon avis sur "Le jeune homme" d'Annie Ernaux

Parce qu'on ne la présente plus, parce qu'elle est une femme de lettres connue et reconnue, parce que son œuvre a été très largement saluée par la critique, parce que le temps file et surtout parce qu'il n'est jamais inutile de coucher sur papier ce que renvoie la société ne serait-ce que pour la faire évoluer et puis parce qu'elle a été l'unique invitée de cette émission littéraire de référence, j'ai cédé à l'appel d'Annie Ernaux et ai lu Le jeune homme (Gallimard).

En quelques pages, à la première personne, Annie Ernaux raconte une relation vécue avec un homme de trente ans de moins qu’elle. Une expérience qui la fit redevenir, l’espace de plusieurs mois, la « fille scandaleuse » de sa jeunesse. Un voyage dans le temps qui lui permit de franchir une étape décisive dans son écriture.

Ce texte court, très court, forcément trop court raconte une histoire d'amour entre une femme et un jeune homme. Pourquoi préciser que cet homme est jeune alors que je ne dis rien sur cette femme ? Justement, parce que tout tient dans l'absence d'adjectif qualificatif. Cette femme est Annie Ernaux. Elle avait la cinquantaine passée, était admirée par un étudiant qui voulait à tout prix la rencontrer, lorsqu'à l'issue d'un dîner au restaurant, elle l'emmena chez elle pour un dernier verre. Cette soirée s'est terminée comme elle se devait, les corps emboîtés. Il s'est séparé de son amie pour vivre cette nouvelle histoire. Du vendredi soir au lundi matin, Annie Ernaux prit l'habitude d'aller chez A., ce jeune homme de trente ans son cadet. Il habitait Rouen, la ville où elle avait été étudiante dans les années soixante. L'appartement de A. donnait sur l'hôpital dans lequel elle avait été transportée une nuit à cause d'une hémorragie due à un avortement clandestin. Hasard ou rendez-vous ? 

En exergue de ce récit, Annie Ernaux écrit ceci : "Si je ne les écris pas, les choses ne sont pas allées jusqu'à leur terme, elles ont été seulement vécues." 
Avec A., Annie Ernaux n'avait plus d'âge. Elle dérivait d'un temps à l'autre. Elle se remémorait la période de sa vie qui fût la sienne à Rouen, découvrait de nouveaux lieux, le quotidien de ceux qui doivent compter, leurs centres d'intérêt si éloignés des siens. Leur différence l'indifférait. L'essentiel était ailleurs. Il était dans l'écriture de qu'il était advenu dans sa chair à elle, avant sa naissance à lui. Cet avortement. A. a été pour A(nnie) un ouvreur de temps. À son insu, Le jeune homme aura participé à l'œuvre d'Annie Ernaux. Il lui aura permis d'aller au terme de ce qu'elle a vécu et d'accoucher de L'Évènement.

Le jeune homme est à la fois le récit intimiste et sociologique d'une histoire entre une femme d'âge mûr et un jeune homme, mais également sur le cheminement émotionnel et intellectuel d'une auteure. D'un style épuré et percutant, ce livre autobiographique ne peut que frustrer ses lecteurs. Il frustre parce qu'il est trop court, parce qu'il n'est qu'un chapitre de la vie d'une femme libre, parce que l'on voudrait lire ceux d'avant et ceux d'après, parce que malgré tout, on se demande si l'on n'aurait pas été victime d'un coup marketing. À moins que je n'ai rien compris, si ce n'est que le temps est venu pour moi de me plonger dans l'œuvre de cette auteure.

Belle lecture !

dimanche 17 juillet 2022

Mon avis sur "101 ans Mémé part en vadrouille" de Fiona Lauriol

Depuis sa plus tendre enfance, Fiona Lauriol sillonne le monde. Chez elle, le voyage est une histoire de famille. Pour preuve, à même pas quarante ans, elle a visité avec ses parents, pas moins d'une quarantaine de pays en Europe, Afrique et Asie. Toujours en complète immersion, le plus souvent en camping-car. En 2018, elle a décidé d'élargir les horizons de Dominique, sa grand-mère, et de la sortir de l'EHPAD dans lequel elle dépérissait. De cette aventure est né 101 ans mémé part en vadrouille (Blacklephant Éditions). Cap sur l'Italie, l'Espagne et le Portugal.

Ce récit est non seulement la résultante de la promesse que l'auteure avait fait à sa grand-mère -elle lui avait promis d'écrire sur leur road-trip- mais il est surtout un superbe témoignage d'amour et un plaidoyer pour lutter contre l'isolement de nos aînés.
101 ans mémé part en vadrouille raconte comment une petite-fille qui ne supportait plus de voir sa grand-mère dépérir en EHPAD, a décidé de cesser toute activité pour s'en occuper pleinement. Les débuts sont épiques, les gestes maladroits et les prescriptions médicamenteuses considérablement allégées. Un nouveau rythme s'est installé. Les caractères se sont acclimatés. Le temps s'écoulait paisiblement jusqu'au jour où Fiona Lauriol a retrouvé sa grand-mère fixant, d'un regard absent, le mur de sa chambre. C'en est trop. C'est décidé, Fiona va donner à voir du paysage à sa mémé et tracer la route. Après avoir consulté le médecin traitant de Dominique, qui ne lui donnait pas plus de huit jours à vivre, Fiona Lauriol met le cap sur l'Italie, le pays natal de sa grand-mère. Elles n'auront pas atteint la frontière qu'une mauvaise chute les contraint déjà à faire demi tour. Retour au bercail. Peu importe, elles repartiront. In fine, ce ne sont pas moins de cinq voyages que les deux femmes ont partagé. Elles ont sillonné la France, l'Espagne et le Portugal, ont démenti les pronostics du corps médical, contourné les obstacles, surmonté les imprévus. Ensemble, elles ont voyagé. Fiona a enluminé les dernières années de sa mémé, laquelle est devenue une véritable icône. Un symbole.

101 ans mémé part en vadrouille est un témoignage touchant doublé d'une belle leçon de vie. Loin d'idéaliser son expérience, de minimiser les obstacles et les contraintes auxquels elle a dû faire face, Fiona Lauriol nous parle surtout d’espoir, de courage, d’amour, de passion et de liberté. À travers son récit, elle nous sensibilise à la situation des personnes âgées accueillies en établissement, elle évoque la difficulté que représente pour les proches le fait de devoir leur prodiguer des soins, celle de se déplacer en fauteuil roulant et elle dénonce les absurdités et autres inepties des services administratifs en tout genre. Sans concession mais toujours avec beaucoup d'humour et une infinie tendresse, Fiona Lauriol raconte son vécu aux côtés de sa grand-mère. Le tout forme un récit touchant, empreint d'une grande humanité. 

Mais la mission de Fiona ne s'arrête pas à la publication de 101 ans mémé part en vadrouille. Alors même que sa grand-mère n'est plus, Fiona Lauriol a décidé de poursuivre son combat. Durant un an, elle part en croisade à bord de son camping-car. Elle va consacrer plus de 2000 heures de son temps pour lutter contre la mort sociale qui touche plus d'un demi-million de personnes âgées. À travers l’Hexagone, elle va diffuser son message, mener des conférences, parler dans les lycées, dans les associations, rencontrer des hommes politiques, des professionnels... Par son témoignage, elle souhaite contribuer à faire changer le regard de notre Société sur les personnes âgées. J'ai eu la chance d'animer un débat avec elle et Sylvain Tesson dont le thème était "Voyage et grand-âge", vous pouvez retrouver le Podcast ici. Écoutez-le, lisez 101 ans mémé part en vadrouille, vous verrez elle est passionnante Fiona Lauriol. Nos aînés, ceux en devenir, peuvent être vraiment fiers de tout ce qu'elle fait pour eux, pour nous.

Belle lecture !

Fiona Lauriol (à droite) lors du #RegardsCroisés "Voyage et grand-âge"
organisé par l'Association Petits Frères des Pauvres