dimanche 30 septembre 2018

Mon avis sur "Le voleur de voitures" de Theodore Weesner

Publié aux États-Unis en 1972, vendu à plusieurs centaines de milliers d'exemplaires, Le voleur de voiture est un classique de la littérature américaine. Il est paru en France pour la première fois en 2015, disponible depuis un an aux Éditions du Livre de Poche. L'occasion était trop belle pour découvrir cet incontournable.

Alex, seize ans, fils de prolétaire, promis à en devenir un à son tour, vient de voler sa quatorzième voiture. Pas pour la revendre, non, juste pour conduire, s'évader d'un quotidien morne, coincé entre sa scolarité qui ne l'intéresse pas, un père alcoolique, ouvrier chez Chevrolet et une mère partie ailleurs avec son petit frère. Désespérément seul et rongé par le sentiment de honte, Alex s'invente une vie au volant d'une Buick Riviera et autres bolides jusqu'au jour où il se fera attraper par la police. Direction la maison de correction. 

Le voleur de voiture est un roman d'apprentissage, un roman tendre qui contrairement à ce que l'on pourrait croire ne s'attarde pas sur la délinquance des jeunes. Non, ce roman se concentre sur l'essentiel, l'amour. L'amour qui unit un fils à son père. Largement inspiré de sa jeunesse, Theodore Weesner dédit son roman à cet homme dont personne ne se souvient précise t-il. Cet homme, c'est son père. 

Avec beaucoup de pudeur et de retenue, Theodore Weesner nous livre un récit poignant évoquant la mélancolie de sa jeunesse, la solitude de son adolescence, la maladresse d'un père imbibé d'alcool. A partir de son histoire, il parvient à créer un personnage universel, un adolescent paumé qui sombre dans la délinquance sans même en avoir conscience. Il tresse un roman initiatique sensible et émouvant sur les relations père-fils, sur l'apprentissage de l'amour à l'adolescence, la recherche du frère perdu et la fin de l'enfance.

Paré d'une écriture sans fard, Theodore Weesner distille une sensibilité contenue qui fait de son roman Le voleur de voitures, un roman inoubliable. Un conseil, lisez-le !

Belle lecture !

lundi 3 septembre 2018

Mon avis sur "Vivre ensemble" d'Émilie Frèche

Vivre ensemble est le quatorzième roman d'Émilie Frèche. Autofiction, il aborde essentiellement les difficultés à refonder une famille, les relations conflictuelles entre enfant(s) et beau(x)-parent(s). Lorsque l'on sait qu'un enfant sur dix vit dans une famille recomposée, on imagine l'écho que va avoir ce titre de la rentrée littéraire 2018.

Il y a des événements qui précipitent certaines décisions. Parce qu'elle a échappé aux attentats du 13 novembre 2015, Déborah décide de sauter le pas et d'emménager avec Pierre, son compagnon. Ils ont chacun un fils. Léo est le fils de Déborah, Salomon celui de Pierre. Une semaine sur deux, c'est ensemble qu'ils vont devoir vivre dans le nouvel appartement parisien. La première fois qu'ils se sont vus tous les quatre, Salomon, pris d'une rage folle, a hurlé qu'il détestait Déborah et son fils. Il les a même menacés avec un couteau de boucher. Welcome ! 
Alors que l'on ne cesse de nous rabattre les oreilles avec le vivre ensemble, au sein de cette famille recomposée, une difficile cohabitation s'annonce.  

Vivre ensemble est un roman résolument contemporain qui aborde des thèmes aussi variés que le traumatisme post-attentats, la jungle de Calais et le statut des réfugiés, le racisme ordinaire dont sont victimes certaines communautés, les relations entre parents séparés et celles avec les enfants nés d'une précédente union, le tout vu du prisme d'une famille qui tente de se (re)composer. La psychologie des personnages nous est révélée au fil des pages et surtout au gré des crises de Salomon, un véritable terroriste dans son genre. La tension au sein de cette nouvelle tribu qui essaie de s'apprivoiser est palpable, elle monte crescendo.

C'est à travers des sujets éminemment d'actualité qu'Émilie Frèche évoque la difficulté pour des êtres humains à cohabiter, à partager un territoire dans ce qu'il a de plus intime, qu'il s'agisse des réfugiés, des communautés d'origines religieuses différentes, des membres d'une famille qui tente de se (re)fonder. 

Vivre ensemble m'a fait penser à Chanson douce de Leïla Slimani à l'exception toutefois de la fin. Si l'issue du prix Goncourt 2016 était connue dès les premières pages, celle du dernier roman d'Émilie Frèche est ouverte et laissée à la libre appréciation du lecteur. Hormis cette divergence, ces romans sont proches, tant dans l'écriture, l'ambiance et le rythme. De surcroît, les personnages sont issus du même microcosme. Quoi qu'il en soit, je souhaite à Émilie Frèche de connaître le même sort que Leïla Slimani. Une chose est sûre, c'est que durant cette rentrée littéraire, on parlera de Vivre ensemble et pas uniquement dans les programmes et les milieux politiques...

J'adresse tous mes remerciements aux Éditions Stock et à NetGalley pour cette lecture en avant-première que j'ai particulièrement appréciée.

Belle lecture !