lundi 11 mai 2020

Mon avis sur "De la part d'Hannah" de Laurent Malot

Né dans une famille de cinéphiles, Laurent Malot a goûté à tous les genres, du polar à la comédie musicale, du western à la science-fiction. Il aime vagabonder entre les genres, notamment la littérature, le roman jeunesse, le roman policier et le thriller, et tremper sa plume dans les formats les plus divers : pièces radiophoniques, pièces de théâtre, romans et scénarios. De la part d'Hannah est son premier roman. Il a été sélectionné dans le cadre du Prix des Lecteurs 2020 du Livre de Poche.

Hannah a dix ans et un caractère bien trempé. Elle vient de passer trois ans dans un sanatorium, lorsque, du jour au lendemain, on décrète qu’elle n’est plus malade et doit rejoindre son petit village de Dordogne. À La Chapelle-Meyniac, les cancans des mégères vont bon train. Hannah s’en méfie. En 1961, en pleine guerre d’Algérie, les blessures de la Seconde Guerre mondiale ne sont pas cicatrisées. Rien de pire que les rumeurs, surtout lorsqu’elles concernent votre mère… Cette mère qu'Hannah n'a plus vue depuis huit ans, cette mère qui reste un mystère. 

Ce premier roman de Laurent Malot est une plongée enchanteresse  dans l'univers d'une petite fille au franc-parler pleine de vie et de spontanéité. Ce roman est également une plongée dans cette France rurale d'après-guerre et au temps de la guerre d'Algérie. 

Toute la prouesse de l'auteur tient au fait qu'il a su se glisser dans la peau d'une fillette de dix ans. De son langage, à ses espiègleries en passant par ses interrogations, tout est crédible. Laurent Malot restitue avec justesse les sentiments d'Hannah à travers sa quête de vérité et son désir de comprendre ce qui a bien pu arriver à celle qui lui a donné la vie et qui s'est volatilisée deux ans plus tard. Sans concession et via son regard de petite fille intrépide, Hannah nous livre ses réflexions sur ce monde qui est le sien : un village gouverné par les rumeurs où les préjugés et les intolérances règnent en maître. Elle évoque également sa cellule familiale atypique. L'absence de sa mère, le mutisme de son père, cet homme blessé qui préférera déserter plutôt que d'honorer ses obligations citoyennes, l'anarchisme de son grand-père et l'indépendance et l'autorité de sa grand-mère aimante. Au fil des pages, l'histoire d'Hannah se dessine, se révèle et avec elle, celle de la France post Seconde Guerre mondiale et au temps de l'Algérie. Le tout est agrémenté du charmant langage fleuri de la jeune héroïne qui donne à ce roman un air à la fois de Guerre des boutons et de Zazie dans le métro.

Grâce à son écriture fluide, à son style vif agrémenté d'une insouciante fraîcheur et d'une pointe d'humour, Laurent Malot signe un premier roman touchant, empreint de cruauté et d’humanité desquelles l'espoir vaincra. De la part d'Hannah est un joli roman à découvrir.

Bonne lecture !

mardi 5 mai 2020

Mon avis sur "Les os des filles" de Line Papin

Line Papin est une écrivaine française. Elle est née à Hanoï, y a vécu jusqu'à l'âge de dix ans avant de rejoindre la France. Après des études de lettres et d'histoire à la Sorbonne, elle se consacre à l'écriture. Son premier roman, L'Éveil, a obtenu plusieurs prix littéraires et a été traduit en plusieurs langues. Les Os des filles est son troisième roman. Il fait partie de la sélection du Prix des Lecteurs 2020 du Livre de Poche. C'est en ma qualité de jurée que je l'ai découvert.


Nous finissons tous ainsi, après tout, et c’est doux. C’est doux parce que c’est commun. Il y aura eu bien des injustices, bien des secousses, bien des dangers ; il y aura eu des joies, des rires, des peurs, des amours, des haines, des ressentiments, des passions ; il y aura eu des accidents, des voyages, des crises, des maladies… Nous aurons été chacun à notre manière déformés par la vie. Il restera les os humains - ce que nous avons été au minimum, ce que nous avons tenté d’être au maximium. 
Les os des filles, c'est une histoire de femmes, de trois femmes : Ba, sa fille et sa petite-fille (qui n'est autre que l’auteure elle-même). Ces trois générations de femmes traverseront trois combats : celui de la guerre, celui de l’exil et celui de la maladie. 

Les os des filles commence dans les années 1960, pendant la seconde guerre d’Indochine, dans un petit village situé à une trentaine de kilomètres d'Hanoï. Pour échapper aux coups de son mari et aux réflexions cinglantes de sa seconde épouse, Vu Thi Gao décide de fuir sa maison. Elle part avec ses deux filles s’installer sur un lopin de terre. Elle y érige une maisonnette. Dans cette cabane de terre elle élève ses filles qui très vite vont l'aider aux rizières. L’une d’elle à seize ans décide d'apprendre à lire et de comprendre tout ce qu’on ne lui disait pas. Dès lors, Ba s’inscrit aux cours de Trang, l’un des fils du chef du village, professeur de littérature et d’histoire. De leur amour naîtra trois filles. 

En 1968, les trois sœurs sont belles, maigres et vivent dans un pays qui croule sous sept millions de tonnes de bombes. Malgré tout, elles sont fortes. Au décès de la mère de Ba, la famille quitte la campagne pour rejoindre Hanoï, cette ville tentaculaire, vrombissante qui leur ouvre les bras et le cœur. La seconde fille épouse un expatrié, un français. De leur union naîtra deux enfants dont Line. Dix ans plus tard, le cordon ombilical avec Hanoï est rompu. Ba, son mari et ses enfants quittent le Vietnam pour atterrir en Touraine, une province froide de la France. Quelques années plus tard c'est à Paris qu'ils échoueront.

À force de déracinements, Line est devenue l'épave de sa guerre intérieure. Elle n'a faim de rien, ne sourie plus. Line crève jusqu'à ce que l'hôpital vienne la chercher avec la même urgence et le même devoir que les forces américaines en Normandie. Elle y est restée une année entière. Line a abîmé ses os, elle ne grandira plus. C'est fini pour les os et les eaux. Mais Line vivra. Déracinée, elle n'était plus nourrie de cette sève qui coulait dans ses veines et a failli dépérir. L'année de ses dix-sept ans puis l'été de ses vingt-trois elle est revenue. Elle n'a pas tout à fait reconnu la ville où elle avait grandi. Elle est une étrangère au Vietnam, une étrangère en France, une étrangère... Mais elle connaît Paris et Paris la connaît. L'armistice a été signé. La vie pouvait recommencer.

Les os des filles c'est une histoire de femmes, de celles qui sont arrachées à leur terre, de celles qui ne sont nulle part chez elles, qui souffrent dans leur chair en silence et qui un jour parviennent à éteindre leur guerre intérieure, pour renaître. Les os des filles est de ces romans qui touche en plein cœur. La plume de Line Papin est délicate, subtilement dosée mêlant douceur et douleur. Tout n'est qu'émotions. Le lire a fait revivre une part de moi. Anh Ba et Thi Ba et tous les cousins et cousines m'ont accompagnée tout au long de ce voyage de papier. Le déracinement de ces générations de femmes est un peu celui d'une partie des miens, ce n'en n'était que plus émouvant. Les os des filles est à lire pour comprendre la douleur que ceux qui quittent, emportent.

Belle lecture !

dimanche 3 mai 2020

Mon avis sur "Brillant comme une larme" de Jessica Louise Nelson

Jessica Louise Nelson est une romancière et éditrice française. Elle a été conseillère littéraire pour différentes émissions télévisuelles. Elle est également cofondatrice du Prix de la Closerie des Lilas et des éditions des Saints Pères. Brillant comme une larme est son quatrième roman, publié chez Albin Michel.

Paris, 1917. Un tout jeune garçon se presse pour rejoindre sa maîtresse, de dix ans son aînée. Il veut aller vite, trop vite. Il ne sait pas encore qu’il porte en lui le génie de la littérature et que son parcours de comète se mêlera aux destinées de Coco Chanel, Max Jacob, Picasso, Breton et Aragon, et surtout à celle de Jean Cocteau… Mais il est persuadé qu’il a de grandes choses à accomplir et peu de temps pour y parvenir. Raymond Radiguet, futur auteur du Diable au corps, va tutoyer les étoiles et s’y brûler.

Avec Brillant comme une larme Jessica Louise Nelson fait revivre une époque culturelle et intellectuelle, celle de l’immédiat après-guerre de 1914-1918. Elle dresse le portrait tout en finesse de Raymond Radiguet, ce jeune auteur originaire de Saint-Maur qui a Le diable au corps. 

Précoce, Radiguet sort tout juste de l'enfance lorsqu'il séduit Alice son institutrice de dix ans son aînée et mariée. Sentant le vent du scandale souffler, ce séducteur prépubère fuira sa banlieue pour errer dans la capitale à la recherche du journal qui publiera ses dessins ou articles. Assoiffé de reconnaissance, ce jeune prodige n'a plus qu’une obsession, marquer à jamais son époque, être connu. Audacieux, éminemment intelligent, il est prêt à tout pour parvenir à ses fins. Dès lors, il va muer en oiseau de nuit, fréquenter tous les lieux à la mode, côtoyer les artistes les plus influents tels que Coco Chanel, Modigliani, Max Jacob, Picasso, Breton, Aragon et surtout Jean Cocteau. Impressionné par le jeune impétueux et épris de lui, ce dernier le prendra sous son aile. Il permettra à Raymond Radiguet à la santé délicate et de plus en plus dégradée du fait de ses excès à répétition, d'achever l'écriture de son roman qui lui ouvrira les portes de la postéritéLe nom de Raymond Radiguet est à jamais associé à ceux des grands auteurs français, grâce à son célèbre roman Le diable au corps. Il a été emporté par une fièvre typhoïde alors qu'il n'avait pas vingt ans.

Brillant comme une larme restitue l'ambiance de ces années folles et Jessica Louise Nelson rend hommage à la détermination d'un auteur qui voulait tutoyer les étoiles.

Belle lecture !