jeudi 30 septembre 2021

Mon avis sur "Pas dormir" de Marie Darrieussecq

Marie Darrieussecq est écrivain et psychanalyste. Depuis son célèbre premier roman Truismes paru en 1996, elle oscille entre littérature et essais. Mais ce que l'on ne savait pas nécessairement avant la publication de son dernier essai, Pas dormir, c'est que l'auteure est une grande insomniaque. 

« J’ai perdu le sommeil. Je me suis retournée sur mes pas et il ne me suivait plus. Il s’était détaché de moi, et j’errai sans lui dans la nuit. »
Marie Darrieussecq souffre d’insomnie depuis des années, comme beaucoup d’entre nous. Elle raconte dans ce livre l’aboutissement de vingt ans de voyage et de panique dans la littérature et dans les nuits. Vingt ans de recours désespérés et curieux, parfois très drôles, à toutes sortes de remèdes - pharmacopée, somnifères, barbituriques, méditation, exercice physique, tests, chamanisme, technologie, recettes et expédients divers. Mais ce livre est surtout hanté par une question magnifique : « Qui est-ce qui ne dort pas quand je ne dors pas ? »

Pas dormir est l'occasion pour Marie Darrieussecq de partager avec ses lecteurs ses nuits à ne pas dormir justement. Elle a tout essayé, rien n'a fonctionné. Elle a avalé des champs de tisane, pratiqué le Yoga Nidra, la méditation, le jeûne, gobé toutes sortes de somnifères et de médicaments, réaménagé sa chambre mille fois, testé tout ce qui était possible, analysé tout ce qui pouvait l'être, rien n'y a fait. Voici des années que chaque nuit, Marie Darrieussecq regarde les heures passer. Vouloir dormir la nuit lui prend la journée. Résultat, à l'instar de tous les insomniaques, elle est épuisée. Alors à l'heure où les chanceux écrasent de tout leur saoul, l'auteure rejoint le club des grands auteurs qui puisent leur talent dans leur insomnie.

Pas dormir est une autobiographie d’un genre nouveau qui consiste à raconter « l’autre qui ne dort pas » et qui est aussi soi. Marie Darrieussecq se penche sur la littérature : « J’ouvre les livres et tous me parlent d’insomnie. Woolf ! Gide ! Pavese ! Plath ! Sontag ! Kafka ! Dostoïevski ! Darwich ! Murakami ! Césaire ! Borges ! U Tam’si ! Sur tous les continents, la littérature ne parle que de ça. Comme si écrire c’était ne pas dormir. » Elle raconte ses voyages dans le monde entier, décrit ses insomnuits dans ses chambres d’hôtel aux quatre coins du monde et se souvient que l'insomnie est le symptôme bien repéré en clinique des grands traumatisés, de ceux qui ont vécu l'horreur.

Alors si comme Marie Darrieussecq vous ne dormez pas, n'escomptez pas trouver la solution pour faire de longues nuits de sommeil. Point de remède dans Pas dormir, juste la certitude que vous n'êtes pas seul. Extrêmement bien documenté, Pas dormir est un essai illustré accessible au plus grand nombre. Il permettra à tous les heureux qui, comme Ulysse font de beaux voyages au pays des songes, de mesurer la chance qu'ils ont de pouvoir dormir et aux autres d'espérer un jour d'y parvenir de nouveau. 
Pas dormir est un essai autobiographique passionnant. Que vous dormiez ou pas, il mérite d'être lu, ne serait-ce que pour comprendre.

Belle lecture et surtout belle nuit !

Mon avis sur "Et d'un seul bras, la sœur balaie sa maison" de Cherie Jones

Cherie Jones est née en 1974 à la Barbade. Elle a remporté plusieurs prix littéraires pour ses nouvelles, dont le Commonwealth Short Story Prize. En parallèle de sa carrière de romancière, elle exerce depuis des années le métier d’avocat à la Barbade. Et d’un seul bras, la sœur balaie sa maison est son premier roman. Il est publié chez Calmann-Lévy et fait partie de la sélection du Grand prix des lectrices Elle 2022. 

Lala vit chichement dans un cabanon de plage de la Barbade avec Adan, un mari abusif. Quand un de ses cambriolages dans une villa luxueuse dérape, deux vies de femmes s’effondrent. Celle de la veuve du propriétaire blanc qu’il tue, une insulaire partie de rien. Et celle de Lala, victime collatérale de la violence croissante d’Adan qui craint de finir en prison. Comment ces deux femmes que tout oppose, mais que le drame relie, vont-elles pouvoir se reconstruire ?

Derrière des paysages caribéens idylliques, se cache d'intenses et poignants portraits de femmes blessées depuis des générations. Et d’un seul bras, la sœur balaie sa maison est un premier roman qui s'attache à prouver que l’héritage des traumatismes est tenace, mais pas toujours  irrémédiable. À Baxter’s Beach, à la Barbade, Wilma, la grand-mère de Lala, raconte l’histoire de la sœur à un bras. C’est un récit édifiant sur ce qui arrive aux filles qui désobéissent à leur mère et se rendent dans les tunnels malfamés de Baxter.

Pour dénoncer l'envers du décor paradisiaque Cherie Jones a pris le parti d'évoquer tout ce que l'on ne verra jamais sur les cartes postales de la Barbade. De ce côté-ci, il est plutôt question de la violence des hommes sur les femmes, du chômage, des trafics, du racisme, de la délinquance. De ce côté-ci, les eaux turquoise se teintent de rouge, se parfument des effluves de la misère et sont tantôt bordées de somptueuses villas, tantôt de bidonvilles. Alternant les points de vue, l'auteure donne à chacun des personnages la possibilité de s'exprimer. Malgré les faits, malgré l’histoire qui se perpétue de générations en générations, aucun d'eux n'est vraiment tout à fait coupable, n'est vraiment tout à fait innocent. Ils subissent. Les femmes subissent les violences des hommes. Violences sexuelles, violences physiques, violences conjugales. Les hommes subissent le chômage, la pauvreté, les inégalités. Ils noient leur désarroi non pas dans la mer des Caraïbes mais dans l'alcool, la drogue et la délinquance.

Et d’un seul bras, la sœur balaie sa maison est un roman qui oppose paradis et enfer, luminosité et noirceur, douceur et âpreté. Loin du décor de rêve que l'on imagine, de la légèreté à laquelle on pourrait s'attendre, ce premier roman est le témoignage d'un ordre sociétal établi d'une île des Caraïbes où il ne fait pas forcément bon vivre. L'auteure, avocate à la Barbade nous rappelle s'il en était besoin, que le désespoir et la violence peuvent se nicher partout, mais peuvent aussi être combattus. Malgré une écriture fluide et somme toute agréable, il m'a manqué un je-ne-sais-quoi pour que je sois transportée sur cette île paradisiaque.

Belle lecture !

dimanche 26 septembre 2021

Mon avis sur "Orléans" et "Reims" de Yann Moix

Celles et ceux qui me connaissent savent combien j'apprécie la plume de Yann Moix. Fidèle lectrice, je suis toujours au rendez-vous. Pourtant la polémique qui a accompagné la sortie d'Orléans m'avait conduit à en différer sa lecture. Au printemps dernier, le deuxième volume de la tétralogie "Au pays de l'enfance immobile", Reims est paru. C'est donc d'une traite que j'ai traversé la France du Centre vers l'Est.

Qui a lu l’œuvre publiée de Yann Moix sait déjà qu’il est prisonnier d’un passé qu’il vénère alors qu’il y fut lacéré, humilité, fracassé.
Mais ce cauchemar intime de l’enfance ne faisait l’objet que d’allusions fugaces ou était traité sur un mode burlesque alors qu’il constitue ici le cœur du roman et qu’il est restitué dans toute sa nudité. En effet, Orléans raconte l’obscurité ininterrompue de l’enfance, en deux grandes parties (dedans/dehors) où les mêmes années sont revisitées en autant de brefs chapitres scandés par les changements de classe, de la maternelle à la classe de mathématiques spéciales.
Orléans est un roman d'humiliation comme il existe des romans d'initiation. Voilà, le décor est posé. Loin de l'arrogance qu'on lui prête, Yann Moix évoque son enfance passée dans la capitale de la région Centre-Val de Loire vu de l'intérieur, c'est-à-dire entre les murs de la maison familiale, puis vu de l'extérieur à l'école avec les amis et les premières amours.

Si Orléans débute par de belles phrases empreintes de poésie, "Le monde rouillait. Derrière la fenêtre, c’était l’automne. L’air jaunissait. Quelque chose d’inévitable se déroulait dehors : la mort des choses." s'ensuivent des scènes de violence et d’humiliations pas ordinaires. En les découvrant les viscères se nouent. Les horreurs s'enchainent rendant le tout insoutenable. On aimerait tellement que tout cela soit faux. Et si tel n'est pas le cas, on s'interroge. Que des parents prennent un malin plaisir à humilier et à violenter leur enfant, malheureusement, on sait que cela existe. Mais quand un enfant est déposé à l'école en pyjama avec son petit déjeuner qu'il doit prendre au pupitre devant toute la classe hilare, on s'interpelle. Comment est-ce que l'institution scolaire a pu se rendre complice de tels actes dégradants ? Même si en 1970 on était moins sensibilisé à ces questions, comment se fait-il qu'un membre de l'Education Nationale ne se soit pas aperçu de la maltraitance que subissait cet enfant ? La première partie d'Orléans, "Dedans" n'est qu'humiliation et rabaissement. Elle est vraiment poignante. Et puis au milieu de toutes ces violences, on se réjouit que très tôt le narrateur ait rencontré la littérature. Ce fut pour lui, et même si ses tortionnaires de parents ne l'ont pas entendu ainsi, une salvatrice découverte. Je crois ne pas me tromper en affirmant que la littérature a maintenu l'enfant Yann Moix en vie. Elle l'a aidé à encaisser les coups, les insultes et les humiliations. Elle lui a apporté un halo de lumière dans son monde de noirceur. 
La seconde partie d'Orléans, "Dehors" est dédiée aux relations que le narrateur a pu entretenir avec les autres. Ses camarades de classe d'abord, puis avec la gente féminine. Empreinte de passages moins violents, voire tendres, cette dernière permet peut-être de mieux cerner la personnalité de l'auteur, si tant est qu'il en ait voulu ainsi, mais elle est surtout plus poussive à lire. Yann Moix évoque ses souvenirs de classe comme on regarde un album photo. Ce genre d'exercice est souvent délicat parce qu'en dehors de l'intéressé, il passionne rarement ceux qui ne figurent pas sur la photo.

Alors faut-il lire Orléans ? Ce roman est le regard de l'adulte Yann Moix devenu écrivain sur son enfance servie par une plume toujours aussi acérée. On referme ce texte habité en se réjouissant que l'enfant martyr qu'il a été, ait eu la chance un jour de croiser la plume de Gide, Péguy, Sartre, Bataille et les autres. Non seulement la Littérature lui a permis de survivre, mais surtout elle illumine et enchante son écriture. Rien que pour cela Orléans mérite d'être lu.


Après Orléans, direction Reims.
Le narrateur s’est enfin échappé du cauchemar familial d’Orléans, il aspire aux plus grandes écoles pour « monter à Paris » mais ses résultats médiocres aux examens de mathématiques le font atterrir à l’Ecole supérieure de commerce de Reims, vécue par lui comme une relégation en troisième division.
Ici tout n’est qu’ennui, impuissance, obsession sexuelle jamais assouvie, dérive alcoolisée, débâcle progressive avec une petite bande de paumés masturbateurs et suicidaires qui tournent le dos à la compétition scolaire pour mieux affirmer leur différence.
Dans cette course à la vanité paradoxale de l’échec, avec les mots brandis contre les chiffres, la littérature contre les mathématiques, le déclassement contre le classement, la révolte contre le conformisme, la provocation contre la convocation, il va s’agir, à défaut de briller par le succès, de se distinguer par l’ignominie.
"Se faire aimer de toute une promotion était un projet trop ambitieux, qui exigeait des qualités dont j'étais dépourvu ; ne me restait, pour devenir aussitôt célèbre, que l'éventualité d'être haï. Ça, c'était dans mes cordes."

Bien qu'il soit content d'avoir quitté la cellule familiale, le narrateur est déçu. Il a échoué aux concours d'intégration des écoles qu'il estimait dignes de sa personne. Il se retrouve donc à Reims dans une école de commerce où il se laisse aspirer par le fond. De ces années d'étude, il n'aimera rien. Ni la ville, ni les enseignements. Il s'ennuie mortellement. Alors pour tuer le temps, il trainent avec ses compagnons d'infortune et de beuverie qu'il aura choisi pour ce qu'ils sont, à savoir des paumés. Le narrateur a une piètre image de lui-même. Il ne réussit nulle part, pas même avec les filles. Il se rabaisse, se dénigre. Sa seule ambition, s'enfoncer dans le pire. Et il faut bien reconnaître qu'il y parvient parfaitement. Mais une fois encore, la littérature l'aidera à surmonter cette période et à prendre de la hauteur. Lui et ses acolytes savent qu'en 1922, à Reims, quatre lycéens, René Daumal, Roger Gilbert-Lecomte, Roger Vailland et Robert Meyrat ont formé un groupe qu'ils ont appelé les « Phrères simplistes » et qu'ils ont été à l'origine de la revue littéraire "Le grand jeu". Yann Moix semble avoir trouvé avec certitude sa vocation. Si Reims l'a aidé à cela, alors tout n'aura pas été vain. 

Orléans était empreint de violence, Reims est empreint d'une sombre noirceur que la magnificence de la plume de l'auteur nous ferait presque oublier.

Belles lectures et prochaine étape, Verdun.

lundi 20 septembre 2021

Mon avis sur "La huitième vie" de Nino Haratischwili

Nino Haratischwili est une jeune auteure originaire de Géorgie qui bien qu'elle n'ait vécu qu'un tiers de sa vie en raconte huit. Et quelles vies ! La Huitième Vie est un ambitieux roman et ce n'est que le troisième de l'auteure. Ce pavé de 1200 pages est disponible en format poche chez Folio, que je remercie pour ce long voyage dépaysant à plus d'un titre.

Tu veux être libre ? Alors sois libre. Tu veux danser ? Alors danse ! Tu veux être une épouse, alors sois-le. Ce n’est pas une honte. Mais tout ça n’est pas possible à la fois. Tout avoir, c’est comme ne rien avoir.
Géorgie, 1917. Fille d’un chocolatier de génie, Stasia rêve de devenir danseuse étoile à Paris. Son père aurait voulu qu’elle épouse un brillant officier, Simon Iachi. Alors que Stasia est sur le point de renoncer à ses aspirations, la révolution bolchevique se propage…
Allemagne, 2006. Brilka, l’arrière-petite-fille de Stasia, a fugué. Partant à sa recherche, sa tante entreprend d’écrire l’incroyable histoire de leur famille. En révélant les destins tragiques des Iachi, elle libérera peut-être la jeune Brilka de la malédiction qui semble peser sur eux depuis plus d’un siècle…

Tout d'abord ne soyez pas effrayé par l'épaisseur de ce livre, croyez moi, il fallait bien ces centaines de pages pour évoquer ces six générations et toutes ces vies qui précèdent celle de Brilka. Et puis le voyage est tellement beau et intense, qu'il emporte et nous fait oublier le volume de ce roman.
La huitième vie est une puissante saga familiale qui mêle petite et grande histoire. Ce roman nous embarque à travers des époques et des lieux riches en évènements. Les destins s'enchainent, les tragédies se répètent. 

Au commencement il y a la fuite de Brilka laquelle profite d'un voyage de classe à Amsterdam pour « passer à l’Ouest ». Elle ne veut pas retourner en Géorgie. Elle veut se rendre à Vienne. Bien qu'elle ne le sache pas encore, cette destination n'est pas anodine. D'autres femmes de sa lignée avant elle ont voulu s'y installer. Certaines y sont parvenues, d'autres pas. Vient alors le temps de narrer à cette jeune fille son histoire familiale. Niza s'y colle. Après une année à ressembler les pièces, à reconstituer le passé, à se remémorer, elle écrit à et pour Brilka. Elle va lui raconter la vie de ses aïeux. 

Retour en 1917, en Géorgie sous les effluves d'un délicieux chocolat chaud. Le père de Stasia, un chocolatier de génie, lui en confie la recette secrète tout en la prévenant de son pouvoir maléfique. C'est agrémenté de ce doux fumet chocolaté que défile la vie de Stasia, Christine, Kostia, Kitty, Elene, Daria, Niza et Brilka (dont le chapitre reste à écrire). Cette douceur aux vertus réconfortantes permet à la descendance de cet homme, l'instant d'une tasse, d'oublier les tragédies et le malheur qui bercent son quotidien. Le régime politique totalitaire, la privation de liberté, l'enrôlement des hommes dans le Parti, l'exil, le rude climat, la condition des femmes, la (sur)vie de famille, tout est évoqué y compris la chute du mur. On est complètement immergé dans ces vies. Les destins se profilent sous nos yeux, d'admirables portraits de femmes nous sont brossés. Qu'elles sont belles et résistantes ces filles, ces épouses, ces sœurs, ces artistes, ces passeuses d'espérance et de vie. C'est ébahi de tant de courage et d'amour que l'on assiste à la reconstitution de cette histoire familiale. Les regards sur les petits et grands évènements se croisent, s'entrechoquent pour finalement apporter un éclairage et un beau témoignage.

La huitième vie est un roman passeur d'histoire, qu'il appartiendra à Brilka de compléter. À l'instar du chocolat chaud de ce Maître chocolatier géorgien, ce roman est intense et envoûtant, épais et consistant, noir comme la nuit avant un violent orage. Son goût est incomparable, extatique. Un conseil, prenez le temps de le savourer à sa juste valeur.

Belle lecture !

dimanche 5 septembre 2021

Mon avis sur "Acouphanges" de Lou Vernet

J'ai rencontré Lou Vernet pour la première fois à l'occasion de la première édition de mon Rock'n Books, c'était le 10 Février 2018. Je venais de découvrir sa plume et son univers avec La toile aux alouettesIl y avait un truc, c'était indéniable. Quelques mois plus tard, lorsque j'ai écrit mon avis sur Toucher l'instant je débutais ma chronique ainsi "Il y a des chemins qui se croisent, des rencontres qui se font et qui en un instant basculent dans une autre dimension." Au moment où j'écrivais cela, j'étais à mille lieux de me douter qu'un jour en lisant cette auteure, je basculerai dans d'autres dimensions justement. 

Un homme meurt assassiné, d’un couteau en plein cœur, chez lui. Le seul témoin, Athéna, sa fille, 13 ans, échappe à la police. Innocente ou coupable ? Ingénue ou machiavélique ? Victime ou bourreau ? Sensée ou démente ? Fuyant de Roussillon à Paris un éprouvant et noir passé, l’héroïne sème les enquêteurs et brouille les repères.
Commence alors un long chemin d'errance, entre mensonges et vérités, qui induit une troisième version... bien loin des normes conventionnelles.

Si vous avez lu le précédent Vernet (j'aime à penser qu'un jour on parlera de Lou Vernet ainsi, ça en dirait long...) Surtout le pire, vous comprendrez très vite que Acouphanges en est la suite, sans pour autant que ces deux titres soient interdépendants. En clair, pas besoin d'avoir lu le premier pour lire le second. Leur point commun, le genre. Acouphanges est un thriller publié dans la catégorie M+NOIR chez M+Éditions -que je remercie au passage pour l'envoi du service presse-

En réalité le dernier Vernet est bien plus qu'un simple thriller, c'est un thriller psychologique et mystique. Un thriller singulier, inclassable en somme. Même si tous les codes du thriller sont réunis (cadavre, flics, enquête, suspect, cavale...), Acouphanges a ce petit plus qui fait toute la différence. Non, il a beaucoup plus qu'un petit plus. C'est un peu comme cet ingrédient que l'on incorpore dans une recette et qui transforme un plat simple en vraie madeleine de Proust. Voilà c'est exactement cela. Acouphanges est un thriller parsemé de touches mystiques, divinatoires. Au-delà de l'intrique, Lou Vernet convoque les éléments, les différentes dimensions de l'univers, la mythologie. Elle mélange le tout sans pour autant nous faire basculer dans le fantastique et nous embarque dans sa Matrice. Bien que ce ne soit pas la première fois que l'auteure mêle à ses histoires mythologie et cosmologie (elle l'a eut fait dans Le fou de papier. D'ailleurs, à y bien regarder c'est sa marque de fabrique), elle a le chic pour nous faire prendre de la hauteur. Personnellement, je l'ai complètement suivie. 

Dès les premières pages, j'ai été happée par Athéna, cette jeune fille retrouvée recroquevillé près du cadavre de son père. J'ai de suite eu beaucoup de compassion pour cette gamine tellement mature pour son âge, qui analyse si bien les situations et sonde les âmes comme personne. Et puis j'ai douté. En alternant le point de vue tantôt des enquêteurs, tantôt celui d'Athena, Lou Vernet m'a perdue. J'étais sous emprise. Tantôt une voix me disait de me méfier d'elle, tantôt elle me disait que c'était de lui dont je devais me méfier. Résultat, il m'a été impossible de lâcher Acouphanges. Si ce n'est pas la preuve que le voyage interdimensionnel fut bon, je ne sais pas ce qu'il vous faut. Le lire peut-être ? Atypique, ce thriller ne plaira pas à tout le monde, mais je suis certaine que l'on s'accordera sur une chose, la plume de Lou Vernet laquelle est toujours aussi affûtée. Acérée et poétique telle est l'écriture de cette auteure.

Bon alors, vous allez le lire le dernier Vernet ? 
Vous verrez bientôt on n'évoquera cette auteure que par son patronyme, signe de reconnaissance et de succès parce qu'elle le mérite bien et qu'elle n'en n'est vraiment pas loin, toute proche même...c'est ma voix intérieure qui me le susurre.

Belle lecture !