mardi 28 avril 2020

Mon avis sur "Un été à l'Islette" de Géraldine Jeffroy

Originaire de Chinon, Géraldine Jeffroy est professeur de lettres en région parisienne. Son second roman, Un été à l'Islette est disponible chez Arléa dans la Collection 1er mille. C'est dans le cadre des 68 premières fois que je l'ai découvert.

Eugénie, jeune Parisienne cultivée dont les parents craignent qu’elle ne devienne vieille fille, est engagée comme préceptrice au château de l’Islette, en Touraine. Dans ce décor enchanteur, elle s’attache aussitôt à Marguerite, sa petite élève. Entre deux leçons, Eugénie et l’enfant profitent de ce huis clos champêtre propice au repos et à l’insouciance. Mais lorsque Camille Claudel arrive à l’Islette pour en faire son atelier estival, l’artiste devient l’objet de toutes les attentions et de toutes les fascinations. Celle que l’on nomme respectueusement « Mademoiselle Camille » dessine le jour, sculpte la nuit. Elle travaille sans relâche à un groupe de valseurs jusqu’à l’épuisement. Malgré la chaleur étouffante et la poussière d’argile qui lui brûle les poumons, elle veut insuffler à son œuvre suffisamment de son âme pour que ses personnages de terre s’animent. Et comme Rodin tarde à la rejoindre, elle trouve un réconfort dans sa correspondance avec Debussy.

Un été à l'Islette est un roman délicat qui nous mène en 1892 au plus près de trois grands artistes en proie à un élan créatif. Cet été-là, Camille Claudel crée La Valse, Auguste Rodin son fameux Balzac et Claude Debussy son Prélude à l’après-midi d’un faune

Vérité historique et imaginaire se mêlent subtilement à travers la confession qu’Eugénie expédiera le 7 mars 1916 au soldat, Camille Farnoux du 232 RI, alors basé en Lorraine, tout comme à travers la correspondance que Camille Claudel entretient avec Claude Debussy. Ces deux-là échangent autour de leurs créations. Ils évoquent leurs tourments, leurs doutes, leurs passions. Eugénie quant à elle évoque sa rencontre avec ce lieu bucolique, ce château, ses habitants, sa jeune élève, sa découverte d'un monde qu'elle ne soupçonnait pas et qui va la fasciner. Elle y découvrira la passion à la fois créatrice et dévastatrice entre un homme et une femme, entre des artistes et leur Art. Sans barguignage possible, c'est à l'Islette en 1892 que le destin d'Eugénie a basculé. 

Un été à l'Islette est un (trop) court roman intimiste à la fois empreint de poésie et de gravité. Subtilement servi par la plume à la fois délicate et classique de Géraldine Jeffroy, il transporte celui qui le tient entre ses mains. Un conseil, succombez au charme d'Un été à l'Islette.

Belle lecture !

dimanche 26 avril 2020

Mon avis sur "Les inconsolés" de Minh Tran Huy

Minh Tran Huy est critique littéraire et écrivain. En 2007 paraît son premier roman La Princesse et le Pêcheur. Son second roman La double vie d'Anna Song fut récompensé par le prix Pelléas, le Prix des lecteurs du Salon Livres et Musiques de Deauville, ainsi que du Prix Drouot 2010. Les Inconsolés est son quatrième roman. 

Entre Lise et Louis, la rencontre produit des étincelles dignes des romans et des films que la jeune fille, rétive aux renoncements de l’âge adulte, confond parfois avec la vie. Leur histoire – le premier amour – se déroule tel un conte. Mais comme dans un conte, elle est rapidement minée par la petite musique de l’enfance mal aimée, le refrain des rapprochements impossibles, des différences infranchissables. Et bientôt la nuit des malédictions envahit le rose des rêveries romantiques.

Nimbé d’un mystère qui de page en page s’épaissit, Les inconsolés est une histoire de fantômes et de vengeance dont le merveilleux se mêle à celui des légendes orientales. Alors que tout les sépare, leur condition sociale, leur ambition, leur rencontre est digne d'un feu d'artifice tellement elle étincelle. A l'instar des contes, l'histoire de Lise et Louis débute dans une fusion magiquement ouatée. Puis le torchon brûle entre les deux tourtereaux. De leur amour ne resterait que des cendres... Elle est fragile, rêveuse, délicate. Il est ambitieux, protecteur, nerveux. Elle vient d'un milieu modeste, il vient d'un milieu aisé. Tout ce qui les a réunit finira par les opposer. Les inconsolés oscille ente thriller romantique et conte de fées cruel. Grâce à ses mots choisis avec soin, à sa plume mystique, à sa temporalité, Minh Tran Huy nous embarque dans son univers entre douleur et passion, conte et drame, magie et sorcellerie. Elle n'hésite pas à jouer de ses origines pour apporter une touche d’exotisme à son récit qui balance entre conte classique et légende orientale. 

Aucun doute pour apprécier Les inconsolés, il faut accepter le voyage, se laisser bercer par les mots et l'histoire de Minh Tran Huy. Il faut croire au merveilleux et prendre son temps pour se laisser envoûter.

Belle lecture !

jeudi 23 avril 2020

Mon avis sur "Cinq cartes brûlées" de Sophie Loubière

Journaliste et romancière, Sophie Loubière s’est longtemps partagée entre le micro et la plume. Depuis 2010 elle ne se consacre qu’à l’écriture. Elle a connu un succès international avec L’enfant aux cailloux, traduit dans une vingtaine de pays et plusieurs fois primé. Cinq cartes brûlées est son dixième roman. Grâce à Babelio et aux Éditions Fleuve noir, j'ai non seulement eu plaisir à découvrir ce roman mais également à rencontrer Sophie Loubière !

Laurence Graissac grandit aux côtés de son frère, Thierry, qui prend toujours un malin plaisir à la harceler et à l’humilier. Du pavillon sinistre de son enfance à Saint-Flour, elle garde des blessures à vif, comme les signes d’une existence balayée par le destin. Mais Laurence a bien l’intention de devenir la femme qu’elle ne s’est jamais autorisée à être, quel qu’en soit le prix à payer. Le jour où le discret docteur Bashert, en proie à une addiction au jeu, croise sa route, la donne pourrait enfin changer…
Cinq cartes brûlées est un roman noir psychologique d’une rare intensité qui nous plonge au cœur de la manipulation mentale. Inspiré d'un fait divers, il révèle tout le talent de la romancière qui va explorer les abîmes de l’âme humaine, les secrets de famille et la maltraitance psychologique. 

Tout commence dans l'horreur et l'inexplicable. Puis au gré des pages, les pièces du puzzle s’assemblent, les cartes sont abattues. Dès lors, le lecteur est embarqué dans le quotidien d'une famille comme tant d'autres. Un couple aimant, un fils, puis la naissance d'une petite fille. Les mois, les années défilent à l'instar des mots cinglants de ce grand frère que la fillette admire tant. C'est impuissant que nous assistons au harcèlement continu de Laurence, au délitement de cette cellule familiale et à l'isolement de ceux qui la composent. Obèse, championne olympique du lancer de marteau, Laurence deviendra finalement croupière au casino de Chaudes-Aigues. Elle y rencontrera celui qui révélera sa vraie personnalité.

Aucun doute Sophie Loubière a plus d'un atout dans son jeu. Non seulement elle a l'art de mettre sous pression son lecteur de la première à la dernière page, mais également celui de brouiller les cartes. La psychologie de ses personnages est si parfaitement ciselée que leur humanité, leur vulnérabilité particulièrement touchantes en deviennent déroutantes. C'est entre ombre et lumière que Sophie Loubière nous ballade et déroule implacablement son intrigue fatale.

Cinq cartes brûlées est un très bon roman noir, parfaitement crédible et intelligemment orchestré. Rien n’est laissé au hasard. La mise en forme, les courts chapitres, la plume acérée de Sophie Loubière en font un véritable page-turner. Glaçant et complètement addictif ! 

Belle lecture !