Florence Aubenas est grand reporter pour Le Monde, après l’avoir été pour Libération, puis Le Nouvel Observateur. Depuis plusieurs années elle a redéfini le journalisme d'immersion en alliant recherches et faits de société. Le Quai de Ouistreham en est une belle illustration. L'ayant lu et ayant été conquise par l'écriture et le travail d'investigation de l'auteure, je n'ai pas hésité un instant lorsque j'ai appris qu'elle publiait aux Éditions de l'Olivier L'inconnu de la poste.
Que l'on se souvienne ou pas de ce fait divers, que l'on ait vu ou pas Le petit criminel, que l'on connaisse ou pas Gérald Thomassin, peu importe. L'essentiel est ailleurs. Il se situe dans le village de Montréal-la-Cluse où Catherine Burgod a été tuée de vingt-huit coups de couteau dans le bureau de poste où elle travaillait. L'inconnu de la poste est l’histoire d’un crime et le portrait sociologique d'une certaine France. Passionnant !
Pour aboutir à L'inconnu de la poste, Florence Aubenas a travaillé durant quasi sept ans sur cette affaire. Ce livre n'est pas une contre-enquête. L'auteure s'est évertuée à reconstituer chacun des épisodes de ce fait divers sordide. Les faits, rien que les faits et une présentation de chacun des acteurs -sans mauvais jeu de mot- de ce dossier. La journaliste les a tous rencontrés (sauf une évidemment). Elle les a fait parler de leur vie, leur parcours. Sans jamais porter de jugement, elle retranscrit avec beaucoup d'humanité ce qu'a été le chemin des uns et des autres. Certains en ont eu de plus sinueux, plus chaotiques que d'autres. Tel est le cas de Thomassin, le petit criminel. Enfant de l'assistance publique, sacré meilleur espoir masculin en 1991 grâce à Jacques Doillon, au moment des faits, il se débattait avec ses démons, la toxicomanie et la marginalité. Tout le désignait comme étant le coupable idéal. Dès lors, il va endosser tous les rôles. Accusé, incarcéré, puis relaxé avant de se volatiliser. Incompréhensible. Au-delà de cette mystérieuse disparition, Florence Aubenas, s'attache à mettre sur le devant de la scène outre la victime et son présumé coupable, tous ceux qui ont gravité autour d'eux. En toute impartialité, elle donnera la parole aussi bien au père de Catherine Burgod, notable, qui a l'intime conviction que l'ex comédien drogué et zonard est coupable, qu'aux compagnons de route de Gérald Thomassin. Elle s'évertuera à dépeindre la vie des uns et des autres dans cette France rurale qui ne parvient pas toujours à s'affranchir des préjugés.
L'inconnu de la poste est un récit captivant. Florence Aubenas dissèque, analyse en toute objectivité et sans pathos un fait divers comme il en existe tant d'autres mais qui a l'originalité d'ouvrir lui-même sur une autre affaire. Qu'est-il arrivé au présumé coupable qui in fine a été relaxé ? Entre polar et reportage, servi par l'écriture au cordeau de l'auteure et par son talent de conteuse, L'inconnu de la poste est à découvrir.
Belle lecture !
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