lundi 5 août 2019

Mon avis sur "Des hommes couleur de ciel" d'Anaïs Llobet

Anaïs Llobet est journaliste. Elle a fait ses armes de reporter en 2013 en couvrant, aux Philippines, les ravages du typhon Yolanda. Elle en avait tiré un récit, Les Mains lâchées. Partie à Moscou pour l'Agence France Presse, elle s'est intéressée au drame des Tchétchènes homosexuels qui sont condamnés à mort en raison de leur orientation sexuelle. Les hommes couleur de ciel, son deuxième roman, qui est paru en début d'année aux Éditions de l'Observatoire, s'inspire d'une rencontre avec l'un d'entre eux. Il lui a valu le prix Ouest-France - Étonnants Voyageurs 2019.

Dans le pays où est né Oumar, il n’existe pas de mot pour dire ce qu’il est, seulement des périphrases : stigal basakh vol stag, un "homme couleur de ciel".
Réfugié à La Haye, le jeune Tchétchène se fait appeler Adam, passe son baccalauréat, boit des vodka-orange et embrasse des garçons dans l’obscurité des clubs. Mais il ne vit sa liberté que prudemment et dissimule sa nouvelle vie à son jeune frère Kirem, à la colère muette. Par une journée de juin, Oumar est soudain mêlé à l’impensable, au pire, qui advient dans son ancien lycée. La police est formelle : le terrible attentat a été commis par un lycéen tchétchène.
Des hommes couleur de ciel est l’histoire de deux frères en exil qui ont voulu reconstruire leur vie en Europe. C’est l’histoire de leurs failles et de leurs cicatrices. Une histoire d’intégration et de désintégration.

Dès les premières pages nous sommes saisis par l'horreur des attentats. Bien que tout ne soit que fiction, tout est vraisemblable et c'est là la force de ce roman à tiroirs qui traite de l’immigration, de l'intégration, de l'identité et de l'intolérance. Des hommes couleur de ciel est un roman polyphonique construit tel un thriller qui révèle au gré des pages la complexité des personnages, leurs origines, leurs douleurs et peurs enfouies qui resurgissent violemment du fait de l'actualité. 

Anaïs Llobet explore les questions identitaires à travers des exilés tchétchènes et nous livre un récit à la fois intimiste, géopolitique et socioculturel. Elle décrit avec effroi le repli de toute société frappée dans sa chair. Comment un pays reconnu pour sa tolérance peut-il devenir à la suite d'un événement aussi traumatisant soit-il, si injuste, si intolérant ? Elle décrit également l'injonction de l'intégration à laquelle sont confrontés les migrants accueillis en Europe. Ils doivent oublier leur culture, leur accent, leur langage, épouser nos modes de vie, trouver un emploi, faire table rase du passé. C'est violent et oppressant d'autant plus lorsqu'ils doivent combattre leur propre culture. Paradoxalement, à la liberté retrouvée certains préféreront l'enfermement.

Incontestablement, Anaïs Llobet maîtrise son sujet, tout comme l'écriture. Sa plume est dépouillée, très journalistique pour faire la part belle aux événements. Ce parti pris, évite toute empathie envers les personnages. La lecture Des hommes couleur de ciel n'en demeure pas moins intéressante et agréable, mais j'aurais préféré un peu plus d'humanité, plus d'émotion.

Belle lecture !

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire