vendredi 31 juillet 2020

Mon avis sur "Rivage de la colère" de Caroline Laurent

Caroline Laurent est franco-mauricienne. D'abord éditrice, elle est passée auteure avec le livre qu'elle a écrit à quatre mains avec Evelyne Pisier, Et soudain, la liberté. Ce roman pour le moins original, a non seulement rencontré son public, mais également remporté de nombreux prix. Rivage de la colère est le petit dernier de Caroline Laurent. Mettant à jour un drame historique méconnu, c'est au cœur de l'océan Indien qu'elle nous embarque.

Certains rendez-vous contiennent le combat d'une vie. Septembre 2018. Pour Joséphin, l'heure de la justice a sonné. Dans ses yeux, le visage de sa mère... 
Mars 1967. Marie-Pierre Ladouceur vit à Diego Garcia, aux Chagos, un archipel rattaché à l'île Maurice. Elle qui va pieds nus, sans brides ni chaussures pour l'entraver, fait la connaissance de Gabriel, un Mauricien venu seconder l'administrateur colonial. Un homme de la ville. Une élégance folle. Quelques mois plus tard, Maurice accède à l'indépendance après 158 ans de domination britannique. Peu à peu, le quotidien bascule et la nuit s'avance, jusqu'à ce jour où des soldats convoquent les Chagossiens sur la plage. Ils ont une heure pour quitter leur terre. Abandonner leurs bêtes, leurs maisons, leurs attaches. Et pour quelle raison ? Pour aller où ? Après le déchirement viendra la colère, et avec elle la révolte.

La mère, la grand-mère, l'arrière-grand-mère et l'arrière-arrière-grand-mère de Caroline Laurent sont mauriciennes. De part son histoire familiale, L'île Maurice est son caillou dans sa chaussure. Petite, elle a très vite deviné que cette île renfermait un secret, une souffrance notamment lorsqu'elle a entendu parlé pour la première fois des Chagos. Désireuse d'en savoir plus, elle a interrogé sa mère, compilé les lectures, fait des recherches, mais cela ne suffisait pas à comprendre. L’auteure a alors contacté le leader du Groupe Réfugiés Chagos, un groupe d'îlois qui se bat pour obtenir justice. En effet, en 1967 après l'obtention de l'indépendance de l'île Maurice et de ses dépendances, il a été secrètement décidé que certaines îles dont les Chagos resteraient sous administration britannique afin de permettre aux Etats-Unis d'y créer une importante base militaire. Ces territoires devant être libres de toute occupation, il a fallu organiser précipitamment l'exil de leurs habitants. Ces derniers ont alors connu la misère et l'errance jusqu'à ce qu'ils se révoltent.

C'est l'histoire de ce peuple dépossédé de ses terres et déporté que Caroline Laurent retrace sur plusieurs décennies dans Rivage de la colère. Mêlant les témoignages du Groupe Réfugiés Chagos et les souvenirs de sa mère, elle nous embarque à travers les personnages de Gabriel, de Marie et de Joséphin sur ce bout de terre où il faisait si bon vivre et nous révèle un pan de l'Histoire totalement méconnu du grand public. Sa plume rythmée et puissante nous emporte tant que et soudain, la colère nous gagne. Bien qu'aucun livre n'ait le pouvoir de renverser le monde, espérons que Rivage de la colère permettra de transformer le cours de l'histoire et surtout que les Chagossiens obtiennent enfin gain de cause devant les tribunaux. 

Rivage de la colère est à lire pour comprendre et surtout pour que plus jamais, de tels arrangements militaires puissent être pris au détriment de tout un peuple. 

Belle lecture !

dimanche 19 juillet 2020

Mon avis sur "Il est juste que les forts soient frappés" de Thibault Bérard

Thibault Bérard a été journaliste avant de devenir éditeur. Depuis 2007, il est responsable du département romans des éditions Sarbacane. Il a franchi le cap cette année en publiant son premier roman, Il est juste que les forts soient frappés aux Éditions de L'Observatoire.

Lorsque Sarah rencontre Théo, l'alchimie est immédiate. Elle, l'écorchée vive, la punkette qui ne s'autorisait ni le romantisme ni la légèreté, se plaisant à prédire que la Faucheuse la rappellerait avant ses 40 ans, va se laisser convaincre de son droit au bonheur par ce fou de Capra et de Fellini. Dans le tintamarre joyeux de leur jeunesse, de leurs amis et de leurs passions naît Simon, le premier fruit de leur amour. Puis, Sarah tombe enceinte d'une petite fille. Mais bientôt, comme si leur bonheur avait provoqué la colère de l'univers, à l'euphorie de cette grossesse se substituent la peur et l'incertitude tandis que les médecins détectent à Sarah un cancer qui progresse à une vitesse alarmante. Chaque minute compte pour sauver Sarah. Le couple se lance alors à corps perdu dans un long combat, refusant de sombrer dans le désespoir.

Et bien non, il n'est pas juste que les forts -comme les moins forts d'ailleurs- soient frappés. Mais qu'il est juste et beau de laisser une trace de celle qui a rencontré la Faucheuse trop tôt, beaucoup trop tôt. Vous l'aurez compris, dès les premières pages l'issue est connue. Même si une main de fer l'a agrippée aux cheveux et tirée en arrière, même s'il a tout fait pour la retenir, le cancer a vaincu et l'a foudroyée. Pour autant, ne vous y trompez pas, Il est juste que les forts soient frappés n'est pas un roman plombant, bien au contraire, il incarne la vie et nous démontre qu'au bout du chemin, il y a le soleil. 

Ce roman est empreint d'une telle légèreté et d'une telle grâce bouleversante, qu'on en ressort que plus vivant. Il faut bien reconnaître que la plume punchy de Thibault Bérard, son écriture résolument contemporaine, factuelle et dépouillée y sont pour beaucoup, tout comme son parti pris. En effet, c'est par l'intermédiaire de la voix de Sarah, que l'auteur a choisi de nous narrer son histoire. Elle raconte d'abord avec beaucoup d'humour et d'amour sa rencontre avec Théo, le joli bastringue dans lequel les deux tourtereaux évoluent jusqu'à l'arrivée des enfants. Vient ensuite le temps du combat. C'est alors avec justesse, pudeur et dignité qu'elle évoque sa bataille, ses séjours à l’hôpital, ses traitements, l'espoir, puis sa rechute, sa colère, sa lassitude et puis son abandon. Elle aborde également l'impact de la maladie sur l'entourage, ce quotidien à gérer en plus des émotions et de l'angoisse des proches. Bien que rien ne nous soit épargné, ce récit débordant d'humanité est aussi doux que brut, sombre que lumineux, triste qu'optimiste. 

Il est juste que les forts soient frappés est un premier roman réussi, un conseil, lisez-le, vous n'en sortirez que plus vivant.

Belle lecture !

mercredi 15 juillet 2020

Mon avis sur "Sortie de rails" de Léon Cornec

Né en Bretagne en 1974, Léon Cornec (un pseudonyme) a eu 37 adresses différentes, dans l’Oise, l'Artois, les Flandres, la Champagne, la Bourgogne, l'Ardèche, la Drôme, Paris et le Berry. Tour à tour basketteur de haut niveau, gérant de magasin, électricien, conducteur de travaux, il est tout aussi éclectique dans ses aspirations artistiques, puisqu’il a été peintre, sculpteur, musicien, performer, vidéaste. Aujourd'hui l'écriture est l’ultime aboutissement de ses multiples explorations. Sortie de rails est son premier livre. Il est disponible chez Pocket, que je remercie chaleureusement au passage.

Chômeur et artiste sans le sous au début, Léon Cornec entre chez HTransports, une entreprise de sous-traitance chargée par la RATP et la SNCF de veiller au bon fonctionnement des trains, métros et tramways. Il se forme sur le tas, comme électricien. Il intègre une équipe, va de chantier en chantier. Il gravit les échelons et devient contremaître.
Léon Cornec ne prend pas le temps de nous introduire dans ce monde qui sent le rouge, le goudron, les armoires électriques et le caoutchouc. Il nous le fait vivre.

Sortie de rails, n'est pas un roman, c'est le témoignage de onze années passées au sein d'une grosse entreprise, un fleuron de l'industrie française qui affiche des millions de chiffre d'affaires, des inventions, le TGV. Y entrer c'est la garantie après une longue période de chômage, de goûter enfin à l'ascension sociale. Du moins, tel est l'espoir de Léon Cornec. La réalité sera tout autre, beaucoup plus sombre...

L'auteur raconte l'envers du décor, son quotidien précaire. Le travail de nuit, le manque de moyens, d'encadrement et de formation, l'alcool, la violence, la misère humaine. Entre les odeurs nauséabondes, les situations dangereuses, Léon bricolait comme il pouvait. Il tirait des câbles selon des plans et du matériel qui ne correspondaient pas à sa mission. Pourtant au fil des chantiers, Léon prend du galon. Plus il grimpera les échelons, plus il sera confronté à la misère sociale, pour finalement échoir sur le quai et regarder les trains passer trois années durant.

Sortie de rails est une claque, un essentiel pour comprendre la misère des invisibles, un voyage halluciné des lieux désaffectés, lunaires, où zonent des populations oubliées, déglinguées. Il est de ces livres qui marquent au fer rouge, qui font frémir. Les usagers des transports ferroviaires notamment ceux de la région parisienne, ne resteront certainement pas insensibles à ce qu'ils y découvriront et comprendront pourquoi leurs trains arrivent rarement à l'heure... 

Bien que le style littéraire soit différent, mais néanmoins efficace, Sortie de rails m'a fait penser à À la lignele roman de Joseph Ponthus, vous savez cet intellectuel qui de missions d'intérim en intérim a échoué à l'usine pour y triturer le bulot, la crevette, le tofu, le cochon et la vache. La démarche de ces deux auteurs est similaire. Mettre à l'honneur ceux que l'on ne voit pas, ces ouvriers dont les conditions de travail sont dignes d'un autre siècle, raconter leur précarité, la pénibilité tant physique que psychologique de leur tâche. Aucun doute, que vous preniez le train, le métro ou le tramway Sortie de rails est pour vous et tous les autres. Un conseil, lisez-le, vous verrez c'est effarant !

Belle lecture !

lundi 13 juillet 2020

Mon avis sur "Les corps conjugaux" de Sophie de Baere

Écrire est un besoin fondamental pour Sophie de Baere. Si elle a toujours écrit, le plus souvent il s'agissait de textes courts. Puis est venu un premier long manuscrit resté dans un tiroir, jusqu'à ce qu'en 2016, suite à un gros bouleversement familial, elle publie La dérobée. Les corps conjugaux est son second roman.

Fille d’immigrés italiens, Alice Callandri consacre son enfance et son adolescence à prendre la pose pour des catalogues publicitaires et à défiler lors de concours de beauté. Mais, à dix-huit ans, elle part étudier à Paris. Elle y rencontre Jean. Ils s’aiment intensément, fondent une famille, se marient. Pourtant, quelques jours après la cérémonie, Alice disparaît. Les années passent mais pas les questions. Qu’est-elle devenue  ?  Pourquoi Alice a-t-elle abandonné son bonheur parfait, son immense amour, sa fille de dix ans  ?
Les corps conjugaux est non seulement un portrait de femme bouleversant mais également l'histoire d’un amour fou. Ce roman aborde avec beaucoup de subtilité et de psychologie la question des secrets de famille et celle de l'abandon. 

En France, chaque année, le Ministère de l'Intérieur enregistre la disparition inquiétante de plus de 10 000 personnes, autant de familles, de proches qui restent avec leur questionnement. Mais pour quelles raisons quitte t-on tout du jour au lendemain ?  C'est à cette délicate question et sans jugement moral que Sophie de Baere tente de répondre. Pour ce faire, elle révèle progressivement l'improbable tragédie en alternant le point de vue de celle qui a abandonné l'Amour de sa vie et leur fillette, et celui de celle qui a été abandonnée. L'intrigue est finement amenée si bien qu'au gré des pages, la douleur d'aimer se substitue au bonheur. D'ailleurs, l'une des plus grandes douleurs n'est-elle pas d'aimer une personne que l'on ne peut avoir ? 

Avec force et poésie, Sophie de Baere explore l'un des plus grands tabous et interroge notre part d'humanité. Sa plume subtile et parfaitement ciselée nous offre une palette d'émotions et vient titiller la morale et l'intimité de chacun d'entre nous. Aucun doute, Les corps conjugaux est un roman déroutant, bouleversant qui ne peut laisser le lecteur indifférent. Un conseil, laissez-vous tenter.

Belle lecture !

mardi 23 juin 2020

Mon avis sur "Et la vie reprit son cours" de Catherine Bardon

Après Les déracinés puis L’Américaine, voici le troisième et dernier opus de la fresque historique de Catherine Bardon, Et la vie reprit son cours. Il est vrai qu'après la période que nous venons de traverser, ce titre est vraiment de circonstance, mais rassurez-vous, le titre ne fait pas le livre, l'essentiel est ailleurs...

Jour après jour, Ruth se félicite d’avoir écouté sa petite voix intérieure : c’est en effet en République dominicaine, chez elle, qu’il lui fallait poser ses valises. Il lui suffit de regarder Gaya, sa fille. À la voir faire ses premiers pas et grandir aux côtés de ses cousines, elle se sent sereine, apaisée. En retrouvant la terre de son enfance, elle retrouve aussi Almah, sa mère, l’héroïne des Déracinés. Petit à petit, la vie reprend son cours et Ruth -tout comme Arturo et Nathan- sème les graines de sa nouvelle vie. Jusqu’au jour où Lizzie, son amie d’enfance, retrouve le chemin de Sosúa dans des conditions douloureuses.

Roman des amours et de l’amitié, Et la vie reprit son cours raconte les chemins de traverse qu’emprunte la vie, de défaites en victoires, de retrouvailles en abandons. Il couvre la période de 1967 à 1979 durant laquelle Catherine Bardon mêle petite et grande histoire. 

Ce troisième opus bien que plus axé autour du personnage de Ruth est un hymne à la famille et aux relations mère/fille. Almah passe le flambeau à sa fille qui, en digne héritière, devient le pilier de cette tribu et qui à l'instar de sa mère, s'enracine au domaine de SosúaOn suit son évolution durant cette dizaine d'année. Tantôt on se réjouit avec elle de ce que la vie lui offre, tantôt on souffre de ce qu'elle lui fait subir, mais toujours avec intérêt et passion. Et puis grâce au talent de conteuse de Catherine Bardon, à travers les voyages et les rencontres de Ruth, on est témoin de la guerre entre la Palestine et Israël, de celle du Vietnam, des marches pacifistes aux USA, de la défense des droits des minorités, sans oublier la crise politique de la République dominicaine. Plus légèrement on swingue sur les musiques de Jimmy Hendrix, Otis Redding, Janis Joplin... Et surtout on revit l'histoire d'amitié entre Ruth et Lizzie.  

C'est donc avec beaucoup de plaisir que j'ai retrouvé Almah, Ruth et les leurs sans oublier Sosúa qui est le point d'ancrage des Rosenheck. En lisant Et la vie reprit son cours, j'ai eu le sentiment d'être de retour à la maison après un long voyage et de feuilleter un album de famille. Bien que l'émotion était au rendez-vous, j'aurai juste aimé que cet album soit plus fourni, qu'il s'attarde d'avantage sur certains événements qui ne sont que survolés.

Quoi qu'il en soit, Catherine Bardon, les Éditions Les escales et NetGalley m'ont offert un joli moment lecture qui m'a permis de m'évader durant cette période de confinement. Et la vie reprit son cours...

Belle lecture !

mercredi 3 juin 2020

Mon avis sur "Tout le bleu du ciel" de Mélissa Da Costa

Mélissa Da Costa est une romancière française. Tout le bleu du ciel est son premier roman, publié initialement sous le titre Recherche compagnon(ne) de voyage pour ultime escapade. Il fait partie de la sélection du Prix des Lecteurs 2020 du Livre de Poche.

Petitesannonces.fr : Jeune homme de 26 ans, condamné à une espérance de vie de deux ans par un Alzheimer précoce, souhaite prendre le large pour un ultime voyage. Recherche compagnon(ne) pour partager avec moi ce dernier périple.
Émile a décidé de fuir l’hôpital, la compassion de sa famille et de ses amis. À son propre étonnement, il reçoit une réponse à cette annonce. Trois jours plus tard, devant le camping-car acheté secrètement, il retrouve Joanne, une jeune femme coiffée d’un grand chapeau noir qui a pour seul bagage un sac à dos, et qui ne donne aucune explication sur sa présence. Ainsi commence un voyage stupéfiant de beauté. À chaque détour de ce périple naissent, à travers la rencontre avec les autres et la découverte de soi, la joie, la peur, l’amitié, l’amour qui peu à peu percent la carapace de douleurs d’Émile.

Le plus grand voyageur est celui qui a su faire une fois le tour de lui-même. Inspiré par sa singulière compagne de voyage et la citation de Confucius, Émile va entreprendre ce grand voyage intérieur dans lequel il entraînera Joanne sans qu'il ne l'ait prémédité. À l'âge où l'on a la vie devant soi, à l'âge où l'on ne pense qu'à dévorer l'existence, Émile est en sursis. Atteint d'une maladie incurable qui va inéluctablement générer une perte d'autonomie et de mémoire, il n'a plus que quelques mois à vivre. Alors plutôt que de se lamenter sur son sort et faire subir cette injustice à son entourage, il choisira la liberté. C'est donc au volant de son Combo fraîchement acquis, qu'il s'évadera. Libéré de toute contrainte hospitalière, de tout protocole de soins, il part. Il part non pas pour fuir, mais pour vivre. Partir pour vivre intensément le temps qu'il lui reste. Partir pour aller à la rencontre de soi, des autres, de tout ce qui l'entoure. Partir pour enfin apprendre à regarder, à observer et à comprendre. 

Tout le bleu du ciel est un premier roman tout en émotions subtiles, un roman qui traite de la résilience et qui recentre les sans ciel, sur l'essentiel. Une question de fond nous taraude toute la lecture durant, faut-il être au pied du mur pour s'émerveiller des petits riens du quotidien, pour apprécier à sa juste valeur la vie, pour saisir la beauté de la nature environnante ou tout simplement l'instant présent ? 

Tout le bleu du ciel aurait pu être un roman dégoulinant de mièvrerie, à dire vrai, telle était ma crainte, mais la plume de Melissa Da Costa alliant simplicité et authenticité et surtout l'habile dosage de bons sentiments et d'humanité qui habitent ses personnages, agrémenté d'une bonne dose d'humour et d'autodérision, nous en éloigne. De surcroît et bien que la fin soit sans issue, Tout le bleu du ciel célèbre la vie. 

C'est donc apaisé que l'on quitte Émile et Joanne, que l'on referme cet imposant premier roman (838 pages tout de même !) qui nous rappelle, s'il en était encore besoin après la période inédite que nous venons de traverser, combien la vie est belle et l'urgence qu'il y a à l'apprécier à sa juste valeur. Alors, laissez-vous tenter et venez donc faire le tour de vous-même...

Belle lecture !

lundi 11 mai 2020

Mon avis sur "De la part d'Hannah" de Laurent Malot

Né dans une famille de cinéphiles, Laurent Malot a goûté à tous les genres, du polar à la comédie musicale, du western à la science-fiction. Il aime vagabonder entre les genres, notamment la littérature, le roman jeunesse, le roman policier et le thriller, et tremper sa plume dans les formats les plus divers : pièces radiophoniques, pièces de théâtre, romans et scénarios. De la part d'Hannah est son premier roman. Il a été sélectionné dans le cadre du Prix des Lecteurs 2020 du Livre de Poche.

Hannah a dix ans et un caractère bien trempé. Elle vient de passer trois ans dans un sanatorium, lorsque, du jour au lendemain, on décrète qu’elle n’est plus malade et doit rejoindre son petit village de Dordogne. À La Chapelle-Meyniac, les cancans des mégères vont bon train. Hannah s’en méfie. En 1961, en pleine guerre d’Algérie, les blessures de la Seconde Guerre mondiale ne sont pas cicatrisées. Rien de pire que les rumeurs, surtout lorsqu’elles concernent votre mère… Cette mère qu'Hannah n'a plus vue depuis huit ans, cette mère qui reste un mystère. 

Ce premier roman de Laurent Malot est une plongée enchanteresse  dans l'univers d'une petite fille au franc-parler pleine de vie et de spontanéité. Ce roman est également une plongée dans cette France rurale d'après-guerre et au temps de la guerre d'Algérie. 

Toute la prouesse de l'auteur tient au fait qu'il a su se glisser dans la peau d'une fillette de dix ans. De son langage, à ses espiègleries en passant par ses interrogations, tout est crédible. Laurent Malot restitue avec justesse les sentiments d'Hannah à travers sa quête de vérité et son désir de comprendre ce qui a bien pu arriver à celle qui lui a donné la vie et qui s'est volatilisée deux ans plus tard. Sans concession et via son regard de petite fille intrépide, Hannah nous livre ses réflexions sur ce monde qui est le sien : un village gouverné par les rumeurs où les préjugés et les intolérances règnent en maître. Elle évoque également sa cellule familiale atypique. L'absence de sa mère, le mutisme de son père, cet homme blessé qui préférera déserter plutôt que d'honorer ses obligations citoyennes, l'anarchisme de son grand-père et l'indépendance et l'autorité de sa grand-mère aimante. Au fil des pages, l'histoire d'Hannah se dessine, se révèle et avec elle, celle de la France post Seconde Guerre mondiale et au temps de l'Algérie. Le tout est agrémenté du charmant langage fleuri de la jeune héroïne qui donne à ce roman un air à la fois de Guerre des boutons et de Zazie dans le métro.

Grâce à son écriture fluide, à son style vif agrémenté d'une insouciante fraîcheur et d'une pointe d'humour, Laurent Malot signe un premier roman touchant, empreint de cruauté et d’humanité desquelles l'espoir vaincra. De la part d'Hannah est un joli roman à découvrir.

Bonne lecture !