Infirmière, Bénédicte Soymier est passionnée de littérature et partage ses avis de lecture sur son blog Au fil des livres. Le mal-épris est son premier roman et fait partie de la sélection 2021 des 68 premières fois. Il est publié chez Calmann-Lévy. Comme quoi être blogueuse peut mener chez de grandes maisons d'éditions...
Paul est amer. Son travail est ennuyeux, il vit seul et envie la beauté des autres. Nourrie de ses blessures, sa rancune gonfle, se mue en rage. Contre le sort, contre l’amour, contre les femmes.
Par dépit, il jette son dévolu sur l’une de ses collègues. Angélique est vulnérable. Elle élève seule son petit garçon, tire le diable par la queue et traîne le souvenir d’une adolescence douloureuse.
Paul s’engouffre bientôt dans ses failles. Jusqu’au jour où tout bascule. Il explose.
Le mal-épris est une radiographie percutante de la violence, à travers l’histoire d’un homme pris dans sa spirale et d’une femme qui tente d’y échapper.
Le mal-épris commence par cette affirmation "Paul n'est pas beau". Alors on compatit. On a de l'empathie pour ce petit homme maigre, au nez long, aux cheveux ternes et rares, sans style. Après tout, il n'y a pas que le physique. Et puis même si le sien est ingrat, il n'empêche qu'à force de stratagèmes, Paul est parvenu à emballer sa jolie voisine, Mylène. Elle a accepté le verre, la bouteille y est passée. Mylène a succombé. Alors forcément Paul s'emballe. Un peu trop d'ailleurs. Quant à Mylène, elle regrette. Non seulement il est moche, mais pire, il est lourd. Mylène regrette amèrement. Elle l'ignore. Comme on la comprend. Paul le vit très mal. Dès lors son mal-être ne fait que s'intensifier. Jusqu'au jour où il finit par se rabattre sur Angélique, une collègue de bureau à la Poste. Angélique est loin d'être aussi jolie que Mylène, elle est même moche, mais ses rondeurs la rendent terriblement sexy. Et elle est tellement gentille. Paul a trouvé celle qu'il va soumettre, qu'il va martyriser pour se venger. De qui ? De quoi ? Celui qu'il s'était juré de ne jamais devenir va finalement prendre le dessus. Aucun doute, Paul est vraiment laid, surtout de l'intérieur. Il est à vomir.
Le mal-épris est un roman à la fois dérangeant et complètement addictif. Il est dérangeant parce que dès les premières pages le lecteur est introduit dans la tête de cet homme, dans ses pensées les plus viles. Plus son mal-être grandit, plus on a conscience d'être enfermé dans le cerveau d'un malade, d'un pervers qui une fois qu'il tient sa proie, ne la lâche plus. Il manipule, est sournois, violent, malsain. Il est sale, laid. Paradoxalement, aucune envie de s'échapper. En prenant le parti pris de nous camper dans les pensées tantôt du prédateur, puis de la victime, Bénédicte Soymier savait qu'elle allait nous rendre totalement dépendant de ses personnages. De plus sa plume incisive, vive et épurée donne une telle intensité au récit que ce n'est pas Mylène ou Angélique qui se sont fait manipuler, violer, frapper par ce pervers, c'est moi. À bout de souffle, je me suis surprise à grimacer, à esquiver les coups, à me sentir nauséeuse. Le mal-épris est un premier roman intense, percutant qui se lit en apnée. On aimerait tellement que ce ne soit qu'un roman.
Belle lecture !
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