mercredi 31 juillet 2019

Mon avis sur "L'odeur de chlore" d'Irma Pelatan

Nous le savons, la mémoire olfactive est très puissante. Les odeurs déclenchent des émotions, nous rassurent ou nous consolent. Parfois elles nous renvoient directement dans le passé, à un moment, dans un endroit, à une émotion. L'odeur de chlore renvoie naturellement à la piscine. Mais pour Irma Pelatan ce n'est pas à n'importe quelle piscine que cette odeur la renvoie. Non, c'est à celle de Firminy, une ville située à proximité de Saint-Etienne. C'est le célèbre architecte Le Corbusier qui a imaginé cette piscine. Ce site inscrit sur la liste du patrimoine mondial de l'UNESCO valait bien qu'on lui consacre un premier livre. Irma Pelatan s'est jetée à l'eau. 

L'odeur de chlore, c’est la réponse de l’usager au programme Modulor de l’architecte Le Corbusier. C’est la chronique d’un corps qui fait ses longueurs dans la piscine du Corbusier à Firminy. Le lieu est traité comme contrainte d’écriture qui, passage de bras après passage de bras, guide la remémoration. Dans ces allers-retours, propres à l’entraînement, soudain ce qui était vraiment à raconter revient : le souvenir enfoui offre brutalement son effarante profondeur.

Entre 4 et 18 ans, Irma Pelatan fréquente deux à trois soirs par semaine la piscine municipale de Firminy. La natation fonde en elle un certain rapport au corps et un certain rapport au rythme. Cette piscine est déjà un discours sur le corps. En effet, l'architecte du bonheur concevait ses réalisations comme des machines à habiter. Selon lui, le corps devait définir l'habitat. Alors comment vivre dans de tels espaces -qu'ils soient privés ou collectifs- lorsque son corps n'obéit pas aux standards définit par Le Corbusier ? Bien que celui d'Irma Pelatan ait changé durant ces quatorze années, bien qu'il ait évolué, ce corps n'a jamais semblé avoir été adapté au lieu, au projet de l'architecte. La piscine n’avait pas été conçue pour une petite fille, pas plus que pour une jeune femme. Tout tournait autour du corps, mais pas du sien. Tout tournait autour du corps d'un homme mesurant un mètre quatre-vingt trois. Sans cesse, elle sentait que quelque chose clochait. La sensation d’harmonie visée par le Modulor ne la concernait jamais. 

L'odeur de chlore c'est à la fois un texte qui interpelle sur la relation que l'on entretient avec son corps, du bouleversement que de sa transformation génère, des efforts physiques que l'on doit faire pour se l'approprier, pour le rendre supportable, mais c'est également une critique de la standardisation de ce corps, notamment lorsque cette dernière aboutit à la construction de lieux de vie. L'odeur de chlore n'est pas un roman, il s'apparente davantage à court recueil de souvenirs. Ceux de l'effort. L'effort de devoir se dépasser sportivement, l'effort de devoir accepter son corps changeant, l'effort de devoir s'adapter au lieu dans lequel on évolue. 

En dépit de sa plume fluide et limpide, Irma Pelatan m'a entraînée au fond de la piscine. J'ai bu la tasse. Dommage j'aurai préféré plonger dans L'odeur de chlore.

Belle lecture !

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire