mardi 19 novembre 2024

Mon avis sur "Normal People" de Sally Rooney

Sally Rooney, auteure irlandaise propulsée au rang de phénomène littéraire défraye la chronique avec son dernier roman, Intermezzo. N'ayant rien lu d'elle, il était temps de me lancer. Naturellement, j'ai commencé avec Normal People (Éditions Points) son second roman plébiscité par les libraires irlandais en 2018, vendu à trois millions d'exemplaires et adapté en série télévisée par la BBC.

Connell et Marianne ont grandi dans la même ville d'Irlande. Il est le garçon en vue du lycée, elle est la solitaire un peu maladroite, ils connaissent ensemble leur premier amour. Un an plus tard, alors que Marianne s'épanouit au Trinity College de Dublin, Connell s'acclimate mal à la vie universitaire. Entre eux, le jeu vient tout juste de commencer.

Normal People est l’histoire d’une rencontre au lycée d’une jeune fille et d'un jeune garçon que tout semble opposer. Leur classe sociale, leur physique, leur côte de popularité. Malgré leurs différences, une amitié amoureuse va naître entre ces deux brillants élèves. Dès lors et durant quatre années, Sally Rooney nous plonge dans l'intimité de Marianne et Connell. Parfois ensemble, souvent séparés, ces jeunes gens expérimentent les choses de la vie, l'amour, le sexe et tout ce qui les relie aux autres. Ils tentent de se construire, de trouver leur place dans ce monde complexe. À leur côté, on embrasse leurs doutes, leurs questionnements, leurs angoisses mais également leurs espoirs. 

Avec justesse l'auteure retranscrit les préoccupations d'une jeunesse tourmentée mais pleine de vie et parvient à rendre cette histoire universelle. Normal People est un roman d'apprentissage résolument contemporain tantôt léger et insouciant, tantôt sombre et angoissant qui au vu de son succès, a su trouver écho auprès des jeunes et ceux qui l'ont été. 

Belle lecture !
 

mercredi 13 novembre 2024

Mon avis sur "Acide" de Victor Dumiot

J'ai rencontré Victor Dumiot lors du Festival du premier roman Livres en Baie au Crotoy. Lorsqu'il a présenté Acide (Bouquins Éditions) l'usagère du métro que je suis, a été intriguée. J'ai eu envie de découvrir ce qu'il adviendrait de son héroïne et ce qui pouvait la relier à ce garçon que tout oppose. 

Camille voit sa vie basculer un jeudi soir dans le métro. Lorsqu’elle se réveille à l’hôpital quelques mois plus tard, elle n’a plus de visage. Son agresseur a disparu sans laisser de traces.
Julien vit enfermé dans son appartement. Solitaire, il passe l’essentiel de son temps à consommer des images pornographiques et à surfer sur le darknet. Un soir, il télécharge par hasard une vidéo de l’agression. Alors qu’il s’enfonce peu à peu dans une spirale de violence et d’autodestruction, il ne pense plus qu’à une chose : retrouver la jeune femme.

Si vous aimez les romans qui sortent des sentiers battus, qui dérangent, Acide est pour vous. Autrement dit, les âmes sensibles doivent impérativement s'en tenir éloigné. Acide n'est que souffrance, violence et noirceur. Et c'est justement ce qui fait toute la force de ce premier roman qui s'ouvre sur une agression à l'acide dans les transports en commun. S'ensuit l'acharnement du corps médical pour reconstituer le visage de la victime complètement défigurée. Dès lors, les opérations et les greffes au résultat incertain s'enchainent. Parallèlement, on suit la descente aux enfers d'un reclus, aficionado du darknet, amateur de pornographie trash et de violence. Au détour d'un téléchargement, il tombe sur la vidéo de l'agression et est irrésistiblement attiré par cette monstruosité. Alors qu'elle tente de survivre, l'autre s'autodétruit pour ressentir sa douleur à elle. Ces deux-là ont en commun la souffrance tant physique que psychologique à une différence près, l'une la subit, l'autre se l'inflige volontairement. 

Acide est un premier roman noir d’une puissance rare qui aspire le lecteur dans cette descente aux enfers. La plume acérée et crue de Victor Dumiot nous immerge dans le psyché de ses personnages, nous fait ressentir leur douleur dans notre propre chair et colle à notre peau leur mal-être poisseux. Acide dérange, oppresse, mais pour une raison que je ne peux m'expliquer, il m'a été impossible de le lâcher. Je n'ai qu'un regret, sa fin qui m'a laissée sur ma faim.

Maintenant que vous êtes averti, à vous de choisir... Pour ma part, j'ai la certitude que Victor Dumiot est un auteur à suivre de près.

Belle lecture !
 

jeudi 31 octobre 2024

Mon avis sur "Ravage" de Ian Manook

Ian Manook est l'un des quatre pseudonymes sous lesquels Patrick Manoukian écrit. Grand voyageur, il a parcouru les États-Unis et le Canada, puis plus tard l'Islande, le Belize et le Brésil. Ravage (Éditions Paulsen) est son dernier roman noir sur fond blanc et fait partie de la sélection 2024 de la Bibliothèque Orange.

Red Arctic, hiver 1931. Une meute d'une trentaine d'hommes armés, équipés de traîneaux, d'une centaine de chiens et d'un avion de reconnaissance pourchasse un homme. Un seul. Tout seul. C'est la plus grande traque jamais organisée dans le Grand Nord canadien. Pendant six semaines, à travers blizzards et tempêtes, ces hommes assoiffés de vengeance se lancent sur la piste d'un fugitif qui les fascine. Cette course-poursuite va mettre certains d'eux face à leur propre destin. Car tout prédateur devient un jour la proie de quelqu'un d'autre...
Ravage est inspiré de l'histoire vraie d'Albert Johnson, le trappeur fou de la rivière Rat qui fut l'objet d'une absurde chasse à l'homme à travers les territoires du Grand Nord au Canada plusieurs semaines durant à l'hiver 1931 et qui défraya la chronique.

Ravage s'ouvre avec un traîneau tiré par sept chiens qui glisse à grande vitesse vers l'hôpital d'Aklavik pour sauver Billy, blessé par balle alors qu'il se rendait avec deux équipages de la Gendarmerie royale canadienne pour la seconde fois chez un trappeur. Ce dernier chassait très vraisemblablement sans permis, sur les terres de Loucheux (Indiens). Cette seconde visite a tourné au drame et a pris une tournure absolument inattendue. L'inspecteur Walker, homme de principe, met un point d'honneur à faire respecter l'ordre sur son territoire. Il veut arrêter coûte que coûte celui qui s'est rendu coupable d'une tentative d'homicide sur un représentant de la Gendarmerie royale. Dès lors, il va engager des moyens considérables. Onze hommes, soixante-trois chiens au total, sept cents kilos de nourriture, des tentes, des raquettes, des armes, des munitions et de la dynamite. Une véritable expédition. D'ici quatre jours, le trappeur récalcitrant sera sous les verrous. Sauf que tout ne se passera pas exactement comme prévu. Le fugitif d'une exceptionnelle résistance, est particulièrement rusé. Les températures extrêmes et le blizzard ne semblent pas avoir de prise sur lui et miraculeusement la neige n'imprime pas ses traces ou alors uniquement pour ramener les poursuivants sur leurs pas. La traque va finalement durer six semaines, des moyens colossaux vont être déployés. Tout ne sera que disproportion face à un seul et unique homme. 

Ravage est le récit journalier de cette chasse à l'homme totalement folle du point de vue des poursuivants. Et c'est ce qui fait son intérêt. Non seulement Ian Manook nous fait découvrir une faune et des paysages à couper le souffle, mais il nous fait vivre cette expédition de l'intérieur. On glisse à vive allure sur la neige glacée s'en remettant au musher, on scrute l'horizon immaculé et ouaté tentant de détecter la moindre trace de pas. Puis, peu à peu gagné par le froid et l'épuisement, on s'interroge. Comme certains des participants qui finissent par se désolidariser, on en vient à se demander s'il est bien utile de mobiliser autant de moyens pour ce fugitif qui à n'en pas douter, finira par périr de froid ? Cette traque démesurée, guidée par la fierté et l'égo de certains et merveilleusement restituée sous la plume de Ian Manook, nous laisse un goût amer. C'est abattu et complètement ahuri que l'on referme Ravage. Et dire que ce roman est inspiré de faits réels...

Belle lecture !
 

lundi 28 octobre 2024

Mon avis sur "Il ne se passe jamais rien ici" d'Olivier Adam

Lire Oliver Adam c'est la certitude de plonger dans la société, d'être traversé par l'époque ou l'histoire, d'assister à la mise à nu de ses personnages jusqu'à voir apparaitre leurs failles et fêlures. Il ne se passe jamais rien ici (Flammarion) ne déroge pas à la règle.

La saison touristique touche à sa fin dans ce village niché sur les rives du lac d’Annecy. Comme souvent, Antoine passe la soirée au Café des Sports avec les habitués. L’atmosphère est à la fête. Mais quand, au petit matin, on découvre le corps d’une femme assassinée au bord de l’eau, c’est vers lui que se portent les regards. Connu de tous, jugé instable par beaucoup, y compris par sa propre famille, ce bientôt quadragénaire aux airs d’éternel adolescent fait vite figure de coupable idéal. Sans doute un peu trop. Car, ce soir-là, ils sont nombreux à être partis tard dans la nuit.

Il ne se passe jamais rien ici est un roman choral qui pourrait ressembler à un polar, mais qui est en réalité un roman sociologique redoutable. Fanny était une jeune fille sans histoires. Appréciée de tous, surtout des hommes, on ne lui connaissait aucun ennemi. Alors, pour tenter de démasquer l'auteur de ce qui semble être un féminicide, les policiers vont entendre à tour de rôle tous ceux qui de près ou de loin ont interagit avec la victime. Chacun va s'exprimer, dire ce qu'il a à dire, émettre des hypothèses et rebondir sur les déclarations de leurs prédécesseurs. L'occasion parfaite pour libérer les rancœurs trop longtemps ressassées et pour au détour d'une déclaration, soupçonner son voisin. 

Il ne se passe jamais rien ici est une analyse de la psychologie de ceux qui vivent enfermés dans ce lieu clos enclavé entre les montagnes quel que soit leur âge ou leur statut social. Olivier Adam nous fait rentrer dans la tête de chacun des vingt-cinq personnages et nous propose une mise en abyme de leurs contradictions et nous dévoile tout ce que ceux-ci s'évertuent de cacher derrière les apparences. Sur fond de fait divers, c'est toute une palette de sentiments qui nous est dépeinte avec finesse et justesse. En résumé, il se passe toujours quelque chose avec les romans d'Olivier Adam.

Belle lecture !

lundi 14 octobre 2024

Mon avis sur "Un printemps en moins" d'Arnaud Dudek

Arnaud Dudek se présente sur son compte Instagram comme étant écrivain, de temps à autres. Sinon, il a participé à plusieurs revues, dont Les Refusés, la Revue Décapage, Tempo, ou encore Rouge Déclic. Il est également le cofondateur des rencontres littéraires AlternaLivres. J'ai lu son dernier roman Un printemps en moins (Les Avrils) grâce à Babelio et sa Masse critique de la rentrée.

Gabriel a 14 ans. Un âge en principe insouciant, fait de parties de foot, d’amitiés, de premiers flirts. Sauf que Gabriel est dans un lit d’hôpital, plongé dans le coma. En suivant ses pensées, mais aussi celles de son père et d’une enseignante qui n’ont rien vu venir, le puzzle du drame se recompose. Les moqueries en classe, les injures incessantes, les photomontages immondes sur les réseaux sociaux. Jusqu’au matin où Gabriel n’a plus pu supporter. Durant ce printemps volé à sa vie, tous revisitent leurs vulnérabilités pour y puiser la tendresse qui permet de se reconstruire
.

Un printemps en moins c'est trois voix pour comprendre ce qui a poussé Gabriel à passer à l'acte. Celle de son père, de sa prof de français et la sienne. Comment les deux premiers ont-ils pu passer à côté de son mal-être, à côté de tout ce que les autres lui faisaient subir constamment ? Comment un collégien comme tant d’autres en est-il arrivé à cela ? Pourquoi alors qu’à son âge il devrait courir après une balle, les filles et tout ce qu’il aime, Gabriel se retrouve immobilisé sur un lit d’hôpital entre la vie et la mort ?
Un printemps en moins c'est trois voix pour décrire l'indescriptible, la violence subie sans répit qui se prolonge hors la classe, la culpabilité de ceux qui n'ont rien vu venir, de ceux qui, trop préoccupés par leurs propres problèmes, n'ont pas su détecter la souffrance de cet enfant et qui n'ont pas pu agir pour empêcher ce geste.
Un printemps en moins c'est trois voix pour expliquer, pour sensibiliser et pour qu'un jour le harcèlement scolaire qui blesse, qui tue, cesse.

En alternant les voix, en reconstituant le puzzle au gré des déclarations des uns et des autres, en écrivant des chapitres courts mais percutants, Arnaud Dudek permet au lecteur de plonger pleinement dans ce printemps en moins. Ses propos font l’effet d’un uppercut et nous laissent sans voix.

Lorsque l'on sait que plus d’un élève par classe est en moyenne victime de harcèlement scolaire selon les résultats d’une grande enquête nationale,  que 5 % des écoliers du CE2 au CM2, 6 % des collégiens et 4 % des lycéens sont considérés comme victimes de harcèlement, on ne peut qu'espérer que Un printemps en moins soit lu pour que chacun prenne conscience de la gravité des situations vécues par les enfants et que tous ensemble nous luttions contre ce fléau.

Un grand merci aux Editions Les Avrils et à la Masse critique Babelio de septembre pour cette lecture responsable !

lundi 30 septembre 2024

Mon avis sur "Badjens" de Delphine Minoui

D’origine iranienne, lauréate du prix Albert-Londres et grand reporter au Figaro, Delphine Minoui couvre depuis vingt-cinq ans l’actualité du Proche et Moyen-Orient. Elle est l'auteure de plusieurs romans, dont certains ont été traduits dans une dizaine de langues. Badjens (Seuil) est le dernier paru à l'occasion de cette rentrée littéraire.

Chiraz, automne 2022. Au cœur de la révolte « Femme, Vie, Liberté », une Iranienne de 16 ans escalade une benne à ordures, prête à brûler son foulard en public. Face aux encouragements de la foule, et tandis que la peur se dissipe peu à peu, le paysage intime de l’adolescente rebelle défile en flash-back : sa naissance indésirée, son père castrateur, son smartphone rempli de tubes frondeurs, ses copines, ses premières amours, son corps assoiffé de liberté, et ce code vestimentaire, fait d’un bout de tissu sur la tête, dont elle rêve de s’affranchir. Et si dans son surnom, Badjens (Bad-jens : mot à mot, mauvais genre. En persan de tous les jours: espiègle ou effrontée), choisi dès sa naissance par sa mère, se trouvait le secret de son émancipation ? 

Badjens est un livre essentiel pour comprendre l'oppression dont sont victimes les femmes iraniennes et ce qui a poussé les plus jeunes à se révolter depuis que le 16 septembre 2022, Jina Mahsa Amini, une étudiante iranienne de 22 ans, est décédée des suites des coups portés par la police des mœurs pour un hijab jugé non conforme. La mort de cette jeune femme a suscité une vague d'indignation en Iran. Partout, les slogans « Femme, Vie, Liberté » résonnaient. Deux ans après, les femmes qui ne respectent pas le code vestimentaire iranien sont toujours rudement réprimées et encourent jusqu'à dix ans de prison. Comment est-ce encore possible ?

Badjens s'ouvre dans la rueZhara, cheveux au vent, s'apprête à brûler son foulard. Si on imagine la suite, on ne peut deviner ce que cette jeune iranienne a vécu jusqu'alors. Pour expliquer son geste, elle nous livre son quotidien sous forme de monologue.
Tout a commencé le jour où ses parents ont appris qu'elle serait une  fille. Ils ont immédiatement envisagé l'avortement, qui, faute de moyens, n'a pu être réalisé. Le jour de sa naissance fut pour son père, un non-évènement. Si elle porte un prénom, ce n'est qu'à sa grand-mère qu'elle le doit. Plus tard, alors qu'un incendie s'est déclaré en pleine nuit dans leur immeuble, Zhara ne doit sa survie qu'à son instinct, le plus précieux des êtres, son frère cadet né après elle et élevé dans la toute puissance, ayant été sauvé des flammes. Seul ce dernier compte. La fille n'est rien, n'a aucun droit, elle n'existe pas. Comment ne pas se révolter ? Comment lorsque l'on a accès à Internet, lorsque l'on sait qu'un ailleurs plus tolérant existe, accepter d'être soumise à la gent masculine toute puissante ? Heureusement que Zhara s'est construit son univers à elle, qu'elle discute avec des jeunes d'autres pays, qu'elle partage avec ses copines, qu'elle peut échanger avec sa mère, sa complice dès que le père s'absente du domicile. Quand il n'est pas là, l'ambiance de la maison change du tout au tout. La musique occidentale envahit l'espace, le maquillage est déballé, plus tard, ce sera le matériel à tatouer. Ces petits moments de légèreté et de liberté rendent quelque peu supportable l'oppression et les humiliations du quotidien, jusqu'au jour où Zhara apprendra que Jina Mahsa Amini a perdu la vie dans d'atroces conditions pour une mèche de cheveux trop visible. 

Avec Badjens, Delphine Minoui nous permet de mesurer concrètement tout ce que les femmes iraniennes endurent, le statut qui leur est réservé et tout ce qui est mis en place pour les rendre invisibles. Elles sont opprimées, mises au banc de la société, mais pas dénuées de courage. Certaines, au prix de leur vie, osent se révolter et défier le pouvoir en place pour qu'un jour, un vent de liberté soulève leur chevelure. 
Badjens est un texte fort, percutant à l'écriture à la fois poétique et vive. Ce livre est un incontournable de cette rentrée littéraire, sa lecture indispensable.

Femme, Vie, Liberté !
 

vendredi 27 septembre 2024

Mon avis sur "La vie qui reste" de Roberta Recchia

Roberta Recchia est enseignante. Bien qu'elle ait toujours pratiqué l'écriture La vie qui reste (Istya & Cie) est son premier roman. Publié dans quatorze pays, il est l'un des 459 de cette rentrée littéraire et le meilleur selon Gérard Collard de La griffe noire. Info ou intox ?

Tout commence à Rome, comme dans un vieux film d'Ettore Scola, avec la rencontre improbable de Marisa et Stelvio. Ils tombent amoureux, se marient, ont deux enfants, une famille parfaite. Voilà pour la vie d'avant.
Tout bascule un été lorsque leur fille Betta est assassinée sur une plage de Torre Domizia. La vie d'après commence.

La Vie qui reste commence un dimanche de novembre 1956 quand Stelvio a pris Marisa dans ses bras et qu'il a serré sa main dans la sienne. Par ce geste, il a fait taire les rumeurs et a sauvé l'honneur des Balestrieri. Ils vécurent heureux au soleil et eurent deux enfants, un garçon et une fille. Cette romance aurait pu s'arrêter là, mais où serait l'après ? 
L'après commence un matin d'août 1980, le 11 précisément quand le corps d'Elisabetta, la fille de Stelvio et Marisa, est découvert sur la plage de Torre Domizia. Dès lors, tout va basculer. Au fur et à mesure que les liens familiaux se délitent, que nous pénétrons le psyché des parents de Betta, de sa cousine Miriam et de sa grand-mère, la tonalité du roman change radicalement, passant de la légèreté de la comédie romantique à la lourdeur du roman noir. Aux éclats de voix et de rires, succèdent le silence pesant et les non-dits. Les personnages se murent dans leur peine. Incapables de communiquer, ils noient leur désarroi dans l'alcool, la dépression ou la drogue. Une vraie descente en enfer jusqu'à l'intervention salvatrice de Leo de Maria et de Corallina. 

La vie qui reste est un bon roman résolument contemporain et universel en raison des thématiques abordées. La plume fluide empreinte de pudeur et sans fioritures de Roberta Recchia alliée à la traduction d'Elsa Damien, laissent toute la place nécessaire aux émotions et facilitent l'immersion du lecteur dans cette tragédie familiale au dénouement favorable. Si La vie qui reste est le roman de la résilience, de la force de l'amour et de la reconstruction, s'il est vrai qu'il habite le lecteur et que tout est réuni pour l'inciter à tourner les pages avec frénésie, il n'en demeure pas moins qu'il me semble excessif de l'estampiller "meilleur roman de cette rentrée littéraire d'automne". Cette précision apportée, La vie qui reste mérite d'être lu et son auteure d'être découverte.

Belle lecture !