Étienne Kern est professeur de lettres en classes préparatoires, auteur et co-auteur d'essais sur la langue française et la vie littéraire. Les envolés (Gallimard) est son premier roman, il fait partie de la sélection 2022 des 68 premières fois et a obtenu le Prix Goncourt du premier roman en mai dernier.
4 février 1912. Le jour se lève à peine. Entourés d’une petite foule de badauds, deux reporters commencent à filmer. Là-haut, au premier étage de la tour Eiffel, un homme pose le pied sur la rambarde. Il veut essayer son invention, un parachute. On l’a prévenu : il n’a aucune chance. Acte d’amour ? Geste fou, désespéré ? Il a un rêve et nul ne pourra l’arrêter. Sa mort est l’une des premières qu’ait saisies une caméra.
Avec Les envolés Etienne Kern mêle à l’histoire vraie de Franz Reichelt, tailleur pour dames venu de Bohême, le souvenir de ses propres disparus.
L'époque est aux débuts de l'aviation. Les premiers accidents ont poussé le tailleur à travailler sur la mise au point d'un costume-parachute, inspiré de la physionomie des chauves-souris. Après différents essais avec des mannequins depuis la cour de son immeuble, au 8 rue Gaillon à Paris, Reichelt se lance lui-même depuis une hauteur d'une dizaine de mètres à Joinville. Les tentatives non concluantes le pousseront à poursuivre ses recherches, jusqu'au jour où il annonce à la presse qu'il va réaliser lui-même un saut depuis le premier étage de la tour Eiffel pour prouver l'efficacité de son invention et qui sait, empocher les cinq mille francs à la clé du concours organisé par la ligue de l'Aéro-Club de France. Le jour J il s'élance mais son appareillage, qui ne semble qu'à demi-ouvert, se replie sous lui. C'est la chute libre et l'accident mortel. Franz Reichelt devra sa notoriété posthume non pas à sa participation à l'invention du parachute, mais au fait que la scène avait été filmée. Alors, folie d'un inventeur ou suicide à l'instar de l'amie d'Étienne Kern qui s'est volontairement envolée ? Peu importe la raison, le résultat est là, comme d'autres, Franz Reichelt s'est envolé.
C'est l'histoire romancée de cet envolé oublié qu'Étienne Kern retrace tout en la ponctuant d'éléments intimes. D'autres histoires d'envolés, notamment d'une qui a choisi de quitter un monde devenu trop insupportable et à qui le roman est dédié. Tout en finesse, Les envolés est porté par un style pur, servi par une plume aérienne et poétique. Un premier roman court, mais élégamment puissant.
Belle lecture !
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