lundi 22 août 2022

Mon avis sur "Anéantir" de Michel Houellebecq

S'il y a un livre qui a fait couler beaucoup d'encre en ce début d'année, c'est bien celui de Michel Houellebecq. La grande question existentielle apparemment pour certains était de savoir s'il fallait le lire ou pas. Fidèle à ce que je suis et aux auteurs que j'apprécie, je n'ai pas tergiversé, j'ai lu Anéantir (Flammarion). Bonne nouvelle, je ne suis pas anéantie, bien au contraire !

L'intrigue débute au mois de novembre 2026, quelques mois avant le début de l'élection présidentielle de 2027. Le personnage principal, Paul Raison, haut fonctionnaire auprès du Ministère de l'Économie, des Finances et du Budget, approchant la cinquantaine, travaille au cabinet du ministre Bruno Juge, avec lequel il entretient également des liens d'amitié. Le climat politique est marqué par des attentats terroristes, qui épargnent dans un premier temps les vies humaines. Ceux-ci sont extrêmement sophistiqués et font appel à des moyens militaires importants, sans que cela soit aisément possible d'évaluer les motivations profondes des auteurs. Voilà pour l'environnement professionnel de Paul. Côté vie privée, il en est plutôt privé. Englué dans une misère affective et sexuelle socialement acceptable, Paul est marié à Prudence, elle aussi au service de l’administration publique, et récemment devenue végane et adepte de la Wicca. Parce que son père, un retraité des services secrets français (DGSI), vient de faire un AVC, Paul va, le temps de se rendre à son chevet, oublier les arcanes de la politique et les problèmes du monde pour se reconnecter à sa famille. Dès lors, Anéantir se mue en roman familial pour le plus grand plaisir du lecteur, du moins, le mien. On découvre que Paul a une sœur bigote, Cécile. Elle est mariée à un notaire au chômage, Hervé. Le couple habite à Arras et vote ouvertement pour le Rassemblement national. Paul a également un petit frère, Aurélien, qui travaille comme restaurateur d’œuvres d'art au ministère de la culture et est marié à une femme détestable nommée Indy. Autour d'eux gravitent pléthore de personnages tous hauts en couleurs.

Anéantir est une fiction d'anticipation d'une grande richesse, mêlant les genres, les styles et les thématiques. Si au commencement, ce roman peut s'apparenter à un thriller politique, il se transforme très rapidement en une fresque familiale  permettant ainsi à son auteur de se livrer à une analyse critique de notre société contemporaine. Tout y passe. La situation économique et politique qui conduit inévitablement à la déliquescence de la France,  à la montée de l'individualisme, aux inégalités grandissantes, à l'absurdité environnante. Nos comportements paradoxaux sont mis en exergue pour in fine nous interpeler sur le sens la vie, notre relation à la maladie et à la mort, à la façon dont nous accompagnons nos mourants tant dans les établissements qui, faute de moyens, se déshumanisent, qu'au sein de la cellule familiale. Et pour adoucir ses propos et les parsemer d'espoir, Michel Houellebecq tapisse son roman d'une multitude de touches d'amour. Oui, vous avez bien lu, l'amour est omniprésent dans Anéantir. Qu'il s'agisse de celui qui unit un homme et une femme, une fratrie, un père et un fils, celui que l'on sème ou que l'on récolte. Il est là. Partout. Aussi étonnant que cela puisse paraître c'est bien cette thématique universelle et existentielle que l'auteur décline à travers tous ses personnages. D'abord inexistant, l'amour va reprendre corps dans le couple de Paul, mais également entre tous les membres de la famille Raison. L'auteur pose un regard tendre sur ceux qui la composent et révèle progressivement la profondeur des liens qui les unit.

Anéantir est un roman à la fois d'un pessimisme réaliste et d'une profonde humanité. Tant de thématiques sont abordées qu'il serait indigeste de toutes les inventorier, toujours est-il que ce pavé bien ancré dans son époque et invitant à la réflexion se lit d'une traite. Il faut bien reconnaître que Michel Houellebecq donne toujours une tonalité singulière à ses propos et que sa plume sans fioriture teintée de mélancolie est agréable et accessible. Alors fallait-il ou pas lire Anéantir telle n'est pas la question, je l'ai lu et vous le conseille chaleureusement.

Bonne lecture !

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