jeudi 30 décembre 2021

Mon avis sur "Les choses humaines" de Karine Tuil

Karine Tuil est une écrivaine française. Juriste de formation, elle a publié en 2000 son premier roman. Elle en publiera ensuite un tous les deux ans. Les choses humaines est son onzième roman et a reçu les prix Interallié et le Goncourt des lycéens en 2019. Il s'inspire de "L’affaire dite de Stanford" où un étudiant de l'université américaine a été condamné pour viol. Collant à l'actualité, ce roman interpelle sur la question du consentement. Les choses humaines a été adapté au cinéma par Yvan Attal et c'est justement parce que j'ai eu envie de le voir que j'ai voulu lire le roman avant.

Les Farel forment un couple de pouvoir. Jean est un célèbre journaliste politique français ; son épouse Claire est connue pour ses engagements féministes. Ensemble, ils ont un fils, étudiant dans une prestigieuse université américaine. Tout semble leur réussir. Mais une accusation de viol va faire vaciller cette parfaite construction sociale.
Le sexe et la tentation du saccage, le sexe et son impulsion sauvage sont au cœur de ce roman puissant dans lequel Karine Tuil interroge le monde contemporain, démonte la mécanique impitoyable de la machine judiciaire et nous confronte à nos propres peurs. Car qui est à l’abri de se retrouver un jour pris dans cet engrenage ?

À l'ère où la parole des femmes se libère, où ces dernières osent enfin nommer les choses inhumaines que certains leur font subir, Karine Tuil décide de nous plonger dans une histoire de viol. Elle nous amène à jauger la notion de vérité tout en rappelant que Nietzsche écrivait "Il n'y a pas de vérité, il n'y a que des perspectives sur la vérité". Pour illustrer ces propos, elle commence par ébaucher ses personnages principaux. D'un côté, ils sont brillants, cultivés, aisés, libérés. De l'autre, ils sont modestes, endoctrinés, vivent dans un quartier populaire. Malgré les apparences, très rapidement, leurs défauts, secrets, voire leurs failles sont révélés. Le tout volera en éclat lorsque le scandale éclatera. Le fils, brillant étudiant à Standford est accusé de viol. Il aurait abusé de la fille du nouveau compagnon de sa mère au cours d'une soirée un peu trop arrosée. Dès lors, la machine judiciaire est mise en branle. 

Le père de l'accusé est un journaliste politique influent du PAF, la mère une émérite essayiste féministe. Une déferlante médiatique s'abat sur eux. Cette famille va vivre un véritable bouleversement. Terminé les études à Standford, l'histoire d'amour et la carrière de la mère, l'insouciante légèreté du père. Place au combat judiciaire tant pour eux que pour la victime. Chaque partie soutiendra sa vérité, préparera sa défense. Elle était consentante selon lui, la preuve à aucun moment elle n'a dit non, de plus, elle a joui. Il a l'a forcée et menacée selon elle, la preuve, elle est totalement détruite. Ce ne n'est pas une vie qui est détruite, mais deux. Deux vies détruites, pour vingt minutes d'action comme le déclarera le père à la barre. 
Toute la deuxième partie du roman est dédiée au procès, aux plaidoiries, aux réquisitions. Le lecteur se mue en simple spectateur. Il écoute attentivement les déclarations des uns et des autres, relève les contradictions, tente de se forger une opinion, se met à douter. Il s'interpelle. Parce que dans Les choses humaines, il est surtout question des rapports entre hommes et femmes, entre les classes sociales, du consentement, de tout ce que le mouvement #MeToo et l'affaire Weinstein ont apporté et impacté.

Grâce à son écriture aussi vive que acérée, aussi énergique qu’efficace pour raconter la violence tant physique, psychologique, sociale ou encore sexuelle, Karine Tuil parvient avec finesse et psychologie à nous interpeller et démontre s'il en était encore besoin que dans Les choses humaines, tout n'est pas blanc ou noir, rien n'est aussi abruptement tranché, mais qu'au contraire tout est beaucoup plus complexe, plus subtil. Je n'ai qu'une certitude en refermant ce roman, personne ne sort indemne d'une telle épreuve.

Quant à l'adaptation de ce livre, elle est très fidèle et réussie. Les personnages sont superbement incarnés par les acteurs. La mise en scène d'Yvan Attal est respectueuse de l'intrigue. Les plaidoiries qui sont déjà émotionnellement fortes dans le roman, sont dans le film percutantes. On reste sans voix. Je ne peux que vous recommander de lire puis d'aller voir Les choses humaines.


Belle lecture & bonne toile !
 

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