dimanche 24 octobre 2021

Mon avis sur "Memorial drive" de Natasha Trethewey

Natasha Trethewey est une auteure qui occupe une place importante dans la littérature contemporaine aux Etats-Unis. Universitaire et poétesse, elle a été Prix Pulitzer en 2006 pour Native Guard, dédié à sa mère, et a reçu deux fois le mandat de Poet Laureate en 2012 et 2013. Memorial Drive a connu un immense succès aux Etats-Unis. Il vient de paraître en France aux Éditions de l'Olivier.

Le 5 juin 1985, Gwendolyn est assassinée par son ex-mari, Joel, dit « Big Joe ». Plus de trente ans après ce drame qui a changé sa vie, Natasha Trethewey, sa fille, affronte enfin sa part d’ombre en se penchant sur le destin de sa mère. 
Tout commence par un mariage interdit entre une femme noire et un homme blanc dans le Mississippi. Suivront une rupture, un déménagement puis une seconde union avec un vétéran du Vietnam. À chaque fois, Gwendolyn pense conquérir une liberté nouvelle. Mais la tâche semble impossible. Elle est toujours rattrapée par la violence.

Exactement vingt ans après l'assassinat de sa mère Gwen, Natasha Trethewey est reconnue dans un restaurant par un homme autrefois policier lors du drame. Il lui propose de lui remettre les archives de l’affaire qui sont sur le point d’être détruites. Bien qu'elle s’était juré de ne plus jamais revenir sur son passé, elle accepte. Dès lors, débute un long voyage. Sept années à faire le chemin à l’envers, à se confronter à sa mémoire et aux faits. 

Memorial Drive est le recueil des mémoires d'une fille, Natasha Trethewey, qu'elle dédie aux femmes qui l'ont faite. Ce livre entremêle la trajectoire des femmes de sa famille et celle d’une Amérique meurtrie par le racisme. Non seulement l'auteure rend à sa mère, Gwendolyn Ann Turnbough, sa voix, son histoire et sa dignité, mais elle évoque sans détour le racisme et l'origine du féminicide.

En effet, à travers le parcours amoureux de sa mère, l'auteure retrace tout un pan de l'histoire du Sud des États-Unis des années 50-60, notamment les méthodes d'intimidation dont elle et les siens ont été victimes par le Ku Klux Klan mais également le regard réprobateur que certains posaient sur la métisse qu'elle est. Trop noire pour une blanche, trop blanche pour une noire. Un entre-deux qui n'était pas admis et qui l'interrogeait sans cesse quant à son identité. Au-delà de ces questions sociétales, Memorial drive aborde essentiellement la douloureuse thématique de la violence conjugale et de la maltraitance. Le beau-père de l'auteure, un vétéran du Vietnam, un homme psychologiquement malade ne cessera de frapper sa femme et d'humilier sa belle-fille. L'une en mourra, l'autre sera marquée à vie. Rongée par la culpabilité, elle n'aura d'autre choix que d'occulter une part d'elle-même pour (sur)vivre, jusqu'à ce qu'elle ait la force et le courage de redonner vie à sa mère à travers ces quelques pages d'une intensité brute et d'affronter ce douloureux passé. 

Memorial drive est un très bel et courageux hommage d'une fille à sa mère trop tôt disparue mais également à toutes les victimes de féminicide. Un livre d'une pudeur et d'une intensité hors norme. À lire d'urgence.

Belle lecture !

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