mardi 21 janvier 2025

Mon avis sur "Où vivaient les gens heureux" de Joyce Maynard

Joyce Maynard est une auteure américaine à succès que je n'avais jusque là jamais lue. Lorsque j'ai vu passé en fin d'année l'édition collector de son avant-dernier roman, Où vivaient les gens heureux (Éditions 10/18), je me suis laissée tenter. Grand bien m'a pris !

Lorsque Eleanor, jeune artiste à succès, achète une maison dans la campagne du New Hampshire, elle cherche à oublier un passé difficile. Sa rencontre avec le séduisant Cam lui ouvre un nouvel univers, animé par la venue de trois enfants : la secrète Alison, l'optimiste Ursula et le doux Toby. Comblée, Eleanor vit l'accomplissement d'un rêve. Très tôt laissée à elle-même par des parents indifférents, elle semble prête à tous les sacrifices pour ses enfants. Et si entre Cam et Eleanor la passion n'est plus aussi vibrante, cette vie familiale au cœur de la nature, tissée de fantaisie et d'imagination, lui offre des joies inespérées. Jusqu'au jour où survient un terrible accident...

Où vivaient les gens heureux est une saga familiale bouleversante dont le personnage principal est Eleanor. Etudiante, elle perd ses parents dans un accident de voiture. Enfant unique, elle est la seule héritière. Après avoir vécu un traumatisme, elle arrête ses études et achète une ferme dans le New Hampshire. C’est au milieu de nulle part qu’elle va ancrer sa famille. Elle ne désirait rien de plus au monde que d’offrir à ses trois enfants nés de son union avec Cam, l’enfance heureuse et la famille aimante qu’elle n’a jamais eues. Mais parfois la vie en décide autrement. Malgré des problèmes d’argent récurrents, la vie d’Eleanor se déroulait à merveille  jusqu’à ce que le petit dernier perde toute l’énergie qui le caractérisait tant à la suite d’un accident du fait de la négligence de son père. Dès lors le couple et la famille vont exploser. Impuissante, Eleanor assiste progressivement à l'effondrement de son rêve. S'ensuivent de nombreuses années de culpabilité, de multiples tentatives de reconstruction et au bout du chemin, la résilience tant espérée.

Où vivaient les gens heureux emporte le lecteur des années 1970 à nos jours. Ces décennies durant, Joyce Maynard nous narre la vie de cette famille tout en reliant les évolutions de ses personnages à celles de la société américaine - libération sexuelle, avortement, émancipation des femmes jusqu'à l'émergence du mouvement MeToo... Véritable conteuse, l'auteure explore avec finesse et émotion les liens familiaux et conjugaux. Elle nous offre un drame familial ponctué de grandes et de petites tragédies et met en avant tout l'amour dont une femme, une mère, en quête de bonheur, est capable pour les siens. Où vivaient les gens heureux est un roman absolument poignant. C'est  donc le cœur serré que l'on quitte cette héroïne ordinaire qu'est Eleanor.

Belle lecture !
 

vendredi 17 janvier 2025

Mon avis sur "La petite bonne" de Bérénice Pichat

Bérénice Pichat vit et enseigne au Havre. Auteure, La petite bonne (Les Avrils) est son troisième roman et il n'est pas passé inaperçu lors de la dernière rentrée littéraire et tous ceux qui l'ont ouvert savent pourquoi...

Domestique au service des bourgeois, elle est travailleuse, courageuse, dévouée. Mais ce week-end-là, elle redoute de se rendre chez les Daniel. Exceptionnellement, Madame a accepté d’aller prendre l’air à la campagne. Alors la petite bonne devra rester seule avec Monsieur, un ancien pianiste accablé d’amertume, gueule cassée de la bataille de la Somme. Il faudra cohabiter, le laver, le nourrir. Mais Monsieur a un autre projet en tête. Un plan irrévocable, sidérant. Et si elle acceptait ? Et si elle le défiait ? Et s’ils se surprenaient ?

Dans la France de l'après-Grande Guerre, Bérénice Pichat nous propose un huis clos absolument magnétique entre une jeune domestique et son maître. 
Dès les premières pages, la construction de La Petite Bonne est saisissante. Rapidement, nous comprenons que dans ce roman très intimiste, trois voix résonnent. Celle d'une domestique, du maître et de la maitresse de maison. Trois voix auxquels trois styles littéraires répondent.

Son rêve à elle, s'acheter une bicyclette pour soulager son dos et se rendre plus facilement de maison en maison avec balais, brosses et chiffons. 
Son rêve à lui, vivre de sa musique, son piano. Mais depuis que la Guerre lui a cassé la gueule, l'a privé de ses jambes et mains, son rêve s'en est allé. Monsieur est devenu un poids pour celle qui s'octroie enfin trois jours de respiration à la campagne. 
En acceptant de garder Monsieur le temps de l'escapade de Madame, La petite bonne voit une occasion de réaliser son rêve. Mais contre toute attente, entre prose et vers libres, au gré des confidences, des liens se tissent entre ses deux êtres que tout semble opposer. 
Parce que rien n'est jamais immuable, leur destin va basculer. 

La petite bonne est un grand roman empreint d'humanité et de poésie sur fond de musique classique sortie d'un vieux gramophone. Il est pour moi le plus beau des romans de la rentrée littéraire 2024. Ne passez surtout pas à côté.

Belle lecture !