Isabelle Boissard est femme d'expatrié. Ses difficultés à se conformer aux codes de cette vie l'ont poussée à réfléchir à la notion de déracinement. Des réflexions au livre, il n'y avait qu'un pas. La fille que ma mère imaginait (Les Avrils) est son premier roman. C'est grâce aux 68 premières fois que je l'ai lu.
Tous les trois ans, c’est la même histoire. Se coltiner la fête de départ, le déménagement, et de nouveaux cheveux blancs. Accepter la destination (Taipei !?), rencontrer les autres "conjointes suiveuses" au café du lycée français, débattre de sujets cruciaux - les salons de jardin, le yoga. S’inscrire aux cours de mandarin, puis abandonner. Arrêter la cigarette, reprendre le lendemain. Dans son journal intime, la narratrice consigne son quotidien confortable et futile d’expatriée, quand sa mère a un accident. Alors contrainte de rentrer en France, elle y raconte leurs origines modestes, le décès de son père lorsqu’elle était enfant, le décalage entre deux milieux. Et tire à bout portant sur la sentence : « Si on veut, on peut. »
De suite il y a une tonalité qui vous cueille, puis viennent l'humour et l'autodérision. La fille que ma mère imaginait est le journal d'une expatriée qui à défaut d'avoir un métier, a un statut, celui de conjoint suiveur. C'est son mari que la narratrice suit de pays en pays. La petite famille a posé ses valises à Taïwan quand la narratrice doit se rendre en France au chevet de sa mère plongée dans le coma. Dès lors, elle va s'immerger dans son histoire familiale mais aussi rencontrer celui qui anime les ateliers d'écriture qu'elle suit à distance et qui lui a suggéré de consigner son quotidien dans un carnet Moleskine. Chaque jour elle y couche ses pensées, y note tout ce que la décence et sa bonne éducation lui interdisent de balancer à la figure de son entourage. Une véritable jubilation. C'est drôle, cynique et touchant notamment lorsque la narratrice se lance dans son introspection en évoquant son enfance et ses relations avec ses filles.
Aucun doute, Isabelle Boissard a le sens de l'observation et celui de la formule. Elle manie l'humour et le second degré avec brio, ce qui permet d'adoucir certaines vérités. Sa plume est à l'instar de son esprit, vive. La fille que ma mère imaginait est un premier roman d'une douce amertume aussi léger que profond. Une vraie réussite.
Belle lecture !
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