Yseult Williams est grand reporter. Afin de mettre en lumière une femme d'exception qui a failli rentrer au Panthéon, elle a rassemblé des archives, lu la correspondance que son héroïne a entretenu avec son père, sa sœur, sa mère et certains de ses amis, mais également les carnets qu'elle a écrits durant sa détention à Auschwitz et Ravensbrück. Avec On l'appelait Maïco (publié chez Grasset), Yseult Williams fait revivre deux familles étroitement liées par les métiers de la presse, les Brunhoff et les Vogel, mais surtout redonne vie à l'extraordinaire Marie-Claude Vaillant-Couturier.
Marie-Claude Vaillant-Couturier, dite Maïco, est la fille gâtée de Lucien Vogel, éditeur d’avant-garde qui a fondé Vogue, et Cosette de Brunhoff, sœur du créateur de Babar. Adolescente à l’aube des années 30, Maïco danse aux bals russes, pose pour Vogue, croise Aragon, Picasso, Gide, Malraux, bien d’autres… Apprentie peintre à Berlin en pleine montée du nazisme, elle en revient métamorphosée et se tourne vers la photo. Elle fréquente alors les jeunes Capa, Cartier-Bresson, Gerda Taro, qui, comme elle, voient en l’URSS le seul rempart contre le nazisme. En 1933, son reportage clandestin au camp de Dachau est un scoop mondial. Bientôt, elle rencontre le grand amour avec le célèbre communiste Paul-Vaillant Couturier. Dix jours après leur mariage, il meurt brutalement, lui laissant en héritage sa foi en l'URSS, seul rempart contre le nazisme et promesse de lendemains qui chantent. Résistante, déportée à Auschwitz puis à Ravensbrück, selle choisit d'y rester à la libération pour soigner les mourants avant de témoigner au procès de Nuremberg, en 1946. Son récit implacable sur l'honneur concentrationnaire nazie fera le tour du monde.
Albert Einstein a dit « Nous aurons le destin que nous aurons mérité ».
Je ne sais pas si Marie-Claude Vogel a mérité le sien, mais je sais qu’elle a eu un sacré destin. Quelle vie ! Et quel travail réalisé par Yseult Williams pour mettre en exergue cette femme libre, rebelle et humaine qu’a été Marie-Claude Vaillant-Couturier. On l’appelait Maïco est la biographie d'une femme hors norme.
Maïco a grandi dans une famille bourgeoise mais néanmoins bohème. Couturiers, poètes, écrivains, acteurs, metteurs en scène, hommes politiques et d’influence se retrouvent à la Faisanderie, la maison des Vogel à Saint-Germain en Laye. Dès son plus jeune âge Maïco côtoie tous ceux qui font l’Intelligentsia parisienne. Elle va se passionner pour les questions sociétales. Dès lors naîtra chez elle un réel désir d’engagement pour défendre ses idéaux. Après des études d’art en Allemagne, Maïco rentre en France peu de temps avant que le conflit mondial n’éclate. Elle fera la connaissance d’un brillant jeune homme engagé dans le communisme, cause qu’elle va embrasser par amour pour Paul Vaillant-Couturier. Malheureusement, dix jours seulement après son mariage, Maïco devient veuve. En mémoire de son mari et parce qu’elle veut poursuivre son combat, elle étudiera la philosophie du communisme avant d’être déportée au camp de concentration d'Auschwitz, puis de Ravensbrück. À la libération, elle décidera de rester dans ce camp pour accompagner les mourants dans leurs derniers instants. Maïco deviendra la porte-parole des détenus, des déportés et témoignera au procès de Nuremberg. Son récit sur l’horreur nazie fera le tour du monde. Malgré tout ce qu’elle a enduré, Maïco poursuit son engagement aux côtés des plus faibles et des minorités, ce qui lui vaudra de siéger dans l’hémicycle de l’Assemblée nationale. Elle s’est éteinte le 11 décembre 1996.
Sa vie a été si riche et intense que l’on a l’impression que Maïco n’en n’a pas vécu une, mais plusieurs. C’est donc le portrait et le destin d’une femme extraordinaire d’intelligence, de courage, de générosité, de beauté, de détermination et d’engagement que nous propose Yseult Williams. On l’appelait Maïco est un livre dense, particulièrement réussi, magnifiquement documenté qui met en lumière une femme aujourd’hui méconnue du grand public. En 2015, alors même que tout le monde s’accordait à dire que Marie-Claude Vaillant-Couturier avait été l’une des grandes héroïnes du XXe siècle, les portes du Panthéon sont restées closes. Heureusement qu’il y a des écrivains pour honorer la mémoire d’êtres hors du commun à l'instar de Maïco.
On l’appelait Maïco est un remarquable document qui se lit comme un roman. Il fait partie de la sélection du Grand Prix des Lectrices ELLE 2022. Un bel hommage à découvrir.
Belle lecture !
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