Abel Quentin est avocat pénaliste à Paris. Le Voyant d’Étampes (L’Observatoire) est son second roman. Il a remporté le Prix de Flore 2021 et fait partie de la sélection du Grand Prix des Lectrices ELLE 2022.
« J’allais conjurer le sort, le mauvais œil qui me collait le train depuis près de trente ans. Le Voyant d’Étampes serait ma renaissance et le premier jour de ma nouvelle vie. J’allais recaver une dernière fois, me refaire sur un registre plus confidentiel, mais moins dangereux. »
Universitaire alcoolique et fraîchement retraité, Jean Roscoff se lance dans l’écriture d’un livre pour se remettre en selle : Le voyant d’Étampes, essai sur un poète américain méconnu qui se tua au volant dans l’Essonne, au début des années 60. A priori, pas de quoi déchaîner la critique. Mais si son sujet était piégé ?
Le voyant d’Étampes est le titre de l'essai que Jean Roscoff a écrit sur Robert Willow. Un essai, pas un roman. Écrit pas un universitaire retraité, pas par un auteur à succès. A priori, pas de quoi déchaîner les foules et surtout les critiques. Oui mais voilà, l’auteur a juste omis une information de taille, enfin de couleur… Le poète disparu était afro-américain. Noir. Et alors, me direz-vous ?
Alors, lorsque l’on a milité contre le racisme et que l’on a fait partie du Mouvement SOS Racisme, forcément ça fait tâche. Et puis parce que de nos jours, tout passe et trépasse par les réseaux sociaux, l’ancien universitaire ne manquera pas d'être pris dans une tourmente médiatique, cueilli à froid par les gardiens de la pensée que sont les éveillés. Jean Roscoff va goûter au lynchage y compris de la Gauche, ce parti qu’il a tant fréquenté plus jeune et dont il partage encore les valeurs. Pourtant, ce Mouvement idéologique n’hésitera pas à le traiter de raciste, ce que l’extrême droite ne manquera pas d’exploiter. Absolument absurde. Ubuesque même.
Abel Quentin aborde ici un sujet éminemment d’actualité. Il raconte la chute d’un anti-héros romantique et cynique, à l’ère des réseaux sociaux et des dérives identitaires. Il dénonce le règne de la polémique et de l’insulte, les attaques aveugles et en meute sur les réseaux sociaux, la lâcheté d’amis et de proches qui se détournent plus vite que leur ombre de celui qui est mis à mort virtuellement et publiquement, trop heureux d’avoir été épargnés.
Bien que la thématique soit intéressante, que Le voyant d’Étampes comporte quelques jolies formules, que la plume d’Abel Quentin soit acérée et que la construction de son récit soit habile, il n’en demeure pas moins que cet anti-héros qu’est Jean Roscoff sombrant chaque jour qui passe un peu plus dans la déprime et totalement dépassé par son époque, m’a tenue à distance. En effet, malgré l’injustice dont il est victime, la surréaction des soi-disant bien-pensants, je n’ai pas ressenti d’empathie pour ce bonhomme. C'est donc de loin que j'ai assisté à son exécution virtuelle. C’est vraiment dommage !
Ça l’est parce que j’attendais beaucoup de cette lecture et parce que je reste convaincue qu’il est indispensable de sensibiliser le plus grand nombre sur les dérives des réseaux sociaux et la dictature de tous ceux qui s'auto-proclament gardiens notre conscience collective. Il est certain que les digressions et les longueurs du premier tiers du livre qui ont rendu ma lecture très poussive, n'ont pas aidé. De plus, et même s’il est patent que l’auteur se soit parfaitement documenté sur ce qu’il dénonce, il m'a manqué un souffle romanesque, si bien qu'en refermant ce livre, j’ai cru avoir lu, non pas un roman, mais un document. Quoi qu'il en soit, Le voyant d'Étampes mérite d'être lu, ne serait-ce que pour la prise de conscience qu'il suscite.
Belle lecture !
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