Il y a deux ans Loulou Robert me donnait mon premier uppercut avec son intense Sujet inconnu. J'étais sonnée par sa plume, son style, son urgence à coucher ses mots/maux, la profondeur de sa réflexion, son feu intérieur. En lisant Zone grise je crois avoir compris d'où lui vient cette puissance littéraire.
« Je suis face à mon père et je raconte l’histoire de celle qui ne voulait pas. Celle qui n’a pas dit non une seule fois. Celle qui ne s’est pas débattue. Ils me diront : pourquoi tu n’as pas dit non ? Pourquoi tu n’es pas partie ? Pourquoi tu l’as revu après ? Pourquoi tu as menti ? Pourquoi tu en fais un drame ? Pourquoi tu fais toujours des drames ? Certains penseront que je fais des histoires pour rien. Pour moi, ce ne sera jamais rien. Il faut faire des histoires. Ce livre n’est pas un roman. Ce livre est un combat. »
À dix-huit ans, Loulou, alors jeune mannequin, « a une histoire » avec D, un photographe de mode. C’est ce qu’elle se raconte, parce que la réalité est trop insupportable : elle a été victime d’un prédateur, et si elle n’a pas consenti, elle n’a pas non plus résisté. Dix ans plus tard, toujours habitée par la culpabilité et la honte, elle tente de comprendre cette jeune fille qui n’a pas su, n’a pas pu dire non. Et s’attache, dans un style percutant et rageur, à effacer le gris de cette zone où rien n’est ni noir ni blanc. Au-delà de son histoire personnelle, il y a celle des filles et des garçons, de leur éducation. Parce que tout part de là.
Zone grise n'est pas un roman, c'est un récit. Le récit de ce qu'a vécu son auteure. Un photographe de renom a abusé d'elle alors qu'elle était tout juste majeure. Tout a commencé durant un week-end de shooting organisé en province, loin des siens. Quand il a commencé à la toucher, elle n'a pas dit oui, elle n'a pas su dire non. Elle s'est tue. Avant. Pendant. Après. Elle a fait comme si. Tout ce temps, son cerveau s'est mis en mode pause. Par facilité. Ça a duré des années. Vu de l'extérieur cela peut sembler incompréhensible. Mais combien de femmes ont été, sont encore victimes d'abus sexuels, de viols, dans des circonstances similaires ? Combien d'entre elles ont occulté, occultent la vérité pour survivre, ne pas sombrer tout simplement ? Parfois, il suffit d'entendre le témoignage d'une autre, pour que la vérité rejaillisse violemment. Elle vous foudroie. Vient alors le moment de mettre des mots sur ses maux. Parler. À ses proches d'abord, puis aux hommes de loi, et lorsqu'on le peut, aux journalistes. Parler pour se libérer, mais parler surtout pour que ce que l'on a à dénoncer touche le plus grand nombre et que cela ne se reproduise plus. Après la parole, est venu pour Loulou Robert le temps de l'écriture. Coucher sur papier ce qu'elle a subi. Pour que chacun reste à sa juste place. Le prédateur est le coupable. Celui ou celle qui a subi ses assauts est la victime.
C'est donc avec beaucoup de courage et de pudeur que Loulou Robert a osé raconter son histoire. Elle apporte un témoignage fort sur ce qu'est la Zone grise cet instant où les femmes cèdent à la pression des hommes sans pour autant consentir. Pourtant c'est simple, si pas oui, et qu'on force un personne à faire ce qu'elle ne veut pas explicitement, c'est un viol. Qu'on se le dise pour qu'enfin la honte et la peur changent de camp. Zone grise est un récit percutant, poignant, il est à lire pour que plus jamais quiconque ne soit contraint de faire ce qu'il n'a pas envie de faire. Quant à Loulou Robert c'est une femme sacrément courageuse. Espérons que Zone grise lui aura permis d'abandonner cette peur et cette honte qui lui collaient à la peau. Loulou Robert a été victime d'un certain D.
Belle lecture !
Et n'oubliez pas, le consentement c'est simple comme une tasse de thé !
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