samedi 8 août 2020

Mon avis sur "La soustraction des possibles" de Joseph Incardona

Joseph Incardona est écrivain, scénariste et réalisateur. Né d'un père italien et d'une mère suisse, il a vécu notamment à Paris et Bordeaux avant de s'installer à Genève. Riche de sa culture suisse et italienne, admirateur de la vitalité des écrivains de la péninsule, il puise ses références dans le roman noir, roman social par excellence, et la littérature américaine du XXe siècle. Il a plus d'une dizaine de romans à son actif. La soustraction des possibles est disponible aux Éditions Finitude.  

On est à la fin des années 80, la période bénie des winners. Le capitalisme et ses champions, les Golden Boys de la finance, ont gagné : le bloc de l’Est explose, les flux d’argent sont mondialisés. Tout devient marchandise, les corps, les femmes, les privilèges, le bonheur même. Un monde nouveau s’invente, on parle d’algorithmes et d’OGM. À Genève, Svetlana, une jeune financière prometteuse, rencontre Aldo, un prof de tennis vaguement gigolo. Ils s’aiment mais veulent plus. Plus d’argent, plus de pouvoir, plus de reconnaissance. Leur chance, ce pourrait être ces fortunes en transit. Il suffit d’être assez malin pour se servir. Mais en amour comme en matière d’argent, il y a toujours plus avide et plus féroce que soi.

Au cours d'une interview, Joseph Incardona a déclaré : "L'écriture est l'art du pauvre, il n'y a pas de conservatoire, pas d'école. L'écriture, c'est autodidacte, tu voyages léger". Je ne sais pas si l'écriture est l'art du pauvre, en revanche, ce que je sais, c'est que celle de Joseph Incardona est sacrément riche. En effet, La soustraction des possibles est un roman noir, donc un roman social par excellence, qui débute légèrement -un prof de tennis pour pénétrer un milieu social auquel il n'a pas accès, devient le gigolo de l'épouse délaissée d'un richissime banquier- pour finalement dénoncer la cupidité des hommes et par là même, le capitalisme.  Et pour grossir le trait, l'auteur a volontairement choisi de dérouler l'intrigue à la fin des années quatre-vingts, en Suisse et de surcroît dans le milieu bancaire. Tout semble tellement caricatural alors qu'in fine, tout n'est que subtilité et intelligence.

Si Joseph Incardona commence par dépeindre une société totalement superficielle où tout n'est que marchandisation, où l’argent et le pouvoir règnent en maître, il  n'hésite pas à affirmer que la seule réponse à ces dérives est l’amour. D'ailleurs, n'a t-il pas pris soin de nous prévenir dès le prologue ?  La soustraction des possibles n’est pas une histoire d’argent, ni de truands, ni de bourreau, ni de copains, ni de désir, ni de trahison, ni d’ambition. Alors quoi ? Ceci est une histoire d’amour. Autant vous le dire de suite, avant les beaux sentiments, il est surtout question de l'amour de l'argent, parce qu'il impliquerait les femmes, les biens, le confort. Les beaux sentiments s'invitent plus tardivement même si pour le monde de la finance, l’amour n’a jamais été une valeur refuge.

La soustraction des possibles est une critique acerbe du milieu de la finance où l'argent coule à flot et est synonyme de pouvoir et de criminalité en col blanc. Le tout est superbement écrit, intelligemment amené et parfaitement cadencé. La soustraction des possibles est un roman social noir cynique à souhait et d'une immense richesse. Un conseil, ne passez pas à côté, ce serait vraiment dommage !

Belle lecture !

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