jeudi 30 janvier 2020

Mon avis sur "Une fille sans histoire" de Constance Rivière

Ancienne élève de l’École normale supérieure de Paris, de l'Institut d'études politiques de Paris et de l'École nationale d'administration, Constance Rivière est aujourd'hui maître des requêtes au Conseil d’État. Elle fut conseillère à l’Elysée pendant la présidence de François Hollande. Une jeune fille sans histoire est son premier roman. Il est publié aux Éditions Stock et a été sélectionné par les 68 premières fois.

13 novembre 2015. Comme tous les soirs, Adèle est assise seule chez elle, inventant les vies qui se déroulent derrière les fenêtres fermées, de l’autre côté de la cour. Quand soudain, en cette nuit de presqu’hiver, elle entend des cris et des sirènes qui montent de la rue, envahissant son salon, cognant contre ses murs. La peur la saisit, elle ne sait plus où elle est, peu à peu elle dérive. Au petit matin apparaît à la télévision l’image de Matteo, un étudiant porté disparu, un visage qu’elle aimait observer dans le bar où elle travaillait. Sans y avoir réfléchi, elle décide de partir à sa recherche, elle devient sa petite amie. Dans le chaos des survivants, Adèle invente une histoire qu’elle enrichira au fil des jours, jouant le personnage qu’on attend d’elle. Les autres la regardent, frappés par son étrangeté, mais ils ne peuvent pas imaginer qu’on veuille usurper la pire des douleurs.

Une fille sans histoire est un roman certes contemporain mais ô combien troublant. Il interpelle, interroge. Jusqu'où peut-on aller pour briser sa solitude, cesser d'être transparent et enfin exister aux yeux des autres ?

Adèle est une jeune femme isolée. Sans emploi, elle vit par procuration en observant ses voisins jusqu'au jour où une opportunité se présente à elle. Sans réfléchir aux conséquences, elle va se présenter comme étant la fiancée d'une des victimes du Bataclan dont elle a découvert le portrait à la télévision. Lorsqu'elle travaillait encore au bistrot du coin, il arrivait à Adèle de servir Mattéo, celui que ses proches recherchent. Adèle va alors endosser un costume qui ne lui était pas destiné. Elle va s'enfermer dans le mensonge, se construire un personnage allant même jusqu'à se convaincre qu'elle a bien eu une relation avec ce jeune homme même si le lien qui les unissait était atypique. Dès lors, persuadée d'être une victime collatérale des attentats, Adèle va agir en veuve éplorée. Elle recevra les parents de Matteo chez elle, suivra sa dépouille jusqu'à Rome où se dérouleront les funérailles, ira même jusqu'à s'occuper des formalités administratives et vider l'appartement que le défunt occupait. Á force de se pâmer devant les médias Adèle deviendra l'une des porte-parole de l'association des victimes du Bataclan. Enfin, Adèle est. Sa solitude s'est arrêtée là où a commencé celle des proches de Mattéo. Adèle est devenue quelqu’un jusqu'à ce que la vérité éclate et qu'elle doive répondre de ses actes devant les tribunaux. 

Une fille sans histoire est un roman glaçant qui interpelle. Á force de médiatiser nos relations sociales par des images à fort impact immédiat, à force de vouloir être à tout prix reconnu, notre vie sociale ne deviendrait que mensonge. Dès lors et pour peu que l'on soit psychologiquement fragilisé, il semble aisé dans ce monde d'images de manipuler son entourage, y compris les médias. Avec une plume à la fois juste et distante et à travers la voix de ses personnages, Constance Rivière analyse ce qui peut pousser un être à s'enferrer dans le mensonge pour enfin exister aux yeux des autres.

Vous l'aurez compris, la vie d'Adèle est une œuvre de fiction. Toute ressemblance avec des personnages n'ayant pas réellement existé n'est absolument pas fortuite. Une fille sans histoire est à lire pour réfléchir.

Belle lecture !

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