mercredi 19 juin 2019

Mon avis sur "La vraie vie" d'Adeline Dieudonné

Adeline Dieudonné est une jeune belge dramaturge et nouvelliste. La vraie vie est son premier roman. Un roman coup de poing particulièrement remarqué. Pour preuve, il a reçu le Prix du roman FNAC, le Renaudot des lycéens et le Grand Prix des Lectrices ELLE. Il est disponible chez la maison d'édition l'Iconoclaste

Chez eux, il y a quatre chambres. Celle du frère, la sienne, celle des parents et celle des cadavres. Le père est chasseur de gros gibier et amateur de whisky. Quand il ne chasse pas, il s'abrutit en regardant la télévision et se défoule sur sa femme. Un prédateur en puissance. La mère est transparente, craintive, soumise à ses humeurs. Ce n'est qu'auprès de ses chèvres qu'elle trouve un peu de réconfort. Avec son frère, Gilles, la narratrice qui n'a point de prénom tente de déjouer ce quotidien saumâtre. Ils jouent dans les carcasses des voitures de la casse en attendant la petite musique qui annoncera l’arrivée du marchand de glaces. Mais un jour, un violent accident vient faire bégayer le présent. Dès lors, Gilles ne rit plus. Elle, du haut de ses dix ans, voudrait tout annuler, revenir en arrière. Effacer cette vie qui lui apparaît comme le brouillon de l’autre. La vraie. Alors, en guerrière des temps modernes et en grande fan de Marie Curie, elle se met en tête d'inventer une machine à remonter le temps pour sauver son petit frère. Elle retrousse ses manches et plonge dans le cru de l’existence, tandis que son père ne cesse de vouloir la transformer en véritable gibier de chasse. Elle fait diversion, passe entre les coups et conserve l’espoir fou que tout s’arrange un jour.

La vraie vie est un roman initiatique dont la narratrice va subir une série d'épreuves pour basculer de l'enfance à La vraie vie. Elle évolue dans un climat de terreur familiale. C'est le ventre noué que l'on assiste à ces scènes ordinaires de violence. Pourtant tout semble complètement surréaliste et c'est ce qui fait la force de ce roman. En effet, La vraie vie aborde des sujets certes graves mais sous forme d'un conte, d'une fable, de sorte qu'il y a une certaine distance avec la réalité. Dès lors, tout devient irréel donc supportable. 

Si La vraie vie oscille entre poésie de l'enfance et drame social, cela tient essentiellement au fait qu'Adeline Dieudonné réussit le tour de force d'imprimer à son premier roman une atmosphère où l'étrange se mêle à une réalité désespérée. Sa plume est fulgurante, tantôt douce et drôle, acide et sans concession. Qu'ils soient sauvages, traqueurs ou traqués, ses personnages sont tous très marqués, parfaitement chiadés. C'est particulièrement vrai du père, ce paumé imbibé d'alcool qui prend un malin plaisir à terroriser sa famille, cela l'est également de la mère, une espèce d'ectoplasme soumis à l'autorité maritale qui ne trouve la paix qu'auprès de ses chèvres. Quant à la narratrice, elle a tout de l'héroïne des temps modernes. Même les animaux qu'ils soient vivants ou empaillés sont des personnages à part entière. Le tout forme un univers à la fois sombre et sensuel, angoissant et gore. 

Nul doute, La vraie vie est un conte cruel à la limite du fantastique qui embarque le lecteur dès les premières lignes. C'est un premier roman original qui parvient à donner de la poésie et de la candeur au tragique. En ça, je le trouve assez proche de My absolute darling et quand on sait le succès que ce dernier a eu, la comparaison est loin d'être une injure.

Un conseil, ne résistez pas à La vraie vie, laissez-vous happer par la magie de ce premier roman.

Belle lecture !

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