dimanche 23 juin 2019

Mon avis sur "Comme elle l'imagine" de Stéphanie Dupays

A l’ère de la digitalisation, les réseaux sociaux prennent une place de plus en plus importante dans notre quotidien. Non seulement ils nous permettent de communiquer avec nos proches, mais également de nouer de nouvelles relations, y compris des relations amoureuses. Facebook est l'un d'eux. Il dépasse les deux milliards d'utilisateurs actifs à ce jour. Autrement dit, un potentiel de rencontres particulièrement élevé et un phénomène sociétal dont Stéphanie Dupays devait s'emparer. De part sa formation initiale (diplômée de l'École nationale de la statistique et de l'administration) elle nous apporte un éclairage sur cette nouvelle façon de rencontrer les autres, voire l'Autre. Comme elle l'imagine est son second roman.


Laure est universitaire, spécialiste de Flaubert et de Proust, elle aime les vieux livres et les films en noir et blanc. Vincent également. Tous deux discutent de leur passions partagées sur Facebook. Depuis des mois, ils échangent des SMS à longueur de journée. Elle sait tout de lui, de ses goûts, de ses habitudes mais tout reste virtuel. Au fil des échanges, Laure est tombée amoureuse de Vincent. Il avait des mots d’amour mais pas les preuves : Vincent n’évoquait jamais de date pour une prochaine rencontre. Et ce décalage entre les paroles et les actes la perturbait. Les messages maintenaient un lien entre eux, mais ils rendaient aussi la distance plus palpable et transformaient Vincent en une divinité inaccessible. Lorsque Vincent tarde à lui répondre, l’imagination de Laure prend le pouvoir et remplit le vide, elle s’inquiète, s’agace, glisse de l’incertitude à l’obsession. Quand une rencontre réelle se profile enfin, Laure est fébrile : est-ce le début d’une histoire d’amour ou bien une illusion qui se brise ? 

Avec Comme elle l'imagine, Stéphanie Dupays nous livre une subtile analyse du sentiment amoureux tout en interrogeant notre époque et les nouvelles manières d’aimer. Elle analyse l’éveil du désir, l’attente, le doute, le ravissement mais également la torture des amours numériques. Comme elle l'imagine est une sorte de conte cruel et feutré mêlant littérature et fantasmes virtuels

En effet, Stéphanie Dupays met en exergue la manière dont la correspondance influe sur la séduction et les jeux amoureux. Elle démontre combien nos fantasmes alimentent ce sentiment. Alors lorsque ces échanges deviennent virtuels, ils nous surexposent. Les codes changent. Ces nouvelles relations bien que très intimes font lien tout en maintenant l'autre à distance. L'auteure analyse également le rapport au temps, la sur-interprétation des signes qui deviennent autant de générateurs d'angoisse. En effet, constater que l'autre est connecté, qu'il a lu notre message, mais qu'il n'y répond pas dans un délai raisonnable, nous fait douter, vaciller. Il en va de même des photos postées qui stimulent notre imaginaire, modifient la réalité.

A travers une histoire somme toute ordinaire, Stéphanie Dupays nous rappelle s'il en était encore besoin, combien ces relations virtuelles sont biaisées en ne laissant aucune place à l'émotion puisque tout passe par l'écrit, rien par l'oral. Dès lors, tout est sujet à interprétation et il devient impossible de ressentir l'émoi de l'autre. En outre, ces relations peuvent se distendre, s'interrompre à tout instant ce, sans aucune explication. Après le rêve, la chute. Point d'engagement, tout n'est que virtuel, rien n'est réel. Alors quelle est la consistance des ces relations virtuelles ? D'ailleurs, sont-ce réellement des relations ? 

La construction intelligente et subtile de ce récit qui mêle littérature classique et modernité, alliée à la plume simple et efficace de l'auteure fait de Comme elle l'imagine un roman agréable à lire qui décortique habilement le lien amoureux et nous mène pas à pas vers l'inévitable conclusion que s'il est indéniable que les réseaux sociaux sont de réels facilitateurs de rapprochement, il n'en demeure pas moins qu'ils ne sauraient remplacer les rencontres réelles. 

Alors au virtuel, préférez le réel. A bon entendeur...
Belle lecture !

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