Parce que j'aime sa plume incisive et les sujets qu'elle aborde dans ses romans, je l'avais reçue lors de la dernière édition du Rock'n Books. Alors évidemment, lorsque j'ai vu qu'un nouveau roman d'Amélie Cordonnier était publié chez Flammarion pour cette rentrée d'hiver, je n'ai pas su résister. Pas ce soir aborde l'intimité du couple ou plus exactement l'absence d'intimité.
Un homme et une femme. Chacun de leur côté. Un homme qui ne dort pas et une femme qui s’assomme. Un homme sur sa tablette et une femme dans son bouquin. Un homme qui désire et une femme qui soupire. Un homme qui se désole, une femme qui s’enferme, les heures qui s’étirent. Et plus rien. Rien de rien.
Huit mois, deux semaines et quatre jours qu’il n’a pas fait l’amour avec Isa. Et ce soir, elle lui annonce qu’elle s’installe dans la chambre de Roxane, leur fille cadette qui vient de quitter la maison. Pourquoi le désir s’est-il fait la malle ? Comment a-t-il pu s’éteindre après de si belles années ? Le départ des enfants a-t-il été fatal ? Est-ce que tout doit s’arrêter à cinquante ans ? Lui refuse de s’y résoudre puisqu’Isa semble l’aimer encore.
Une fois de plus Amélie Cordonnier aborde un sujet intime mais néanmoins tabou, l'abstinence sexuelle contrainte au sein du couple. À travers le regard et le psyché d’un mari blessé, elle nous invite dans la couche conjugale d'un homme et de sa femme pour autopsier leur sexualité disparue.
La petite dernière a quitté le nid, une chambre se libère et l'occasion d'une bonne nuit de sommeil pour cette femme épuisée qui refuse tout contact charnel avec son mari depuis de longs mois, se dessine. Oui mais voilà, la nuit s'étire, se renouvelle par tacite reconduction. Du coup Monsieur s'interroge. Ses ronflements sont certainement la cause de cet éloignement physique. Dès lors, il demandera conseil à son ami pharmacien qui lui recommandera l'usage des patchs supposés réduire son tapage nocturne. Malgré ses précautions, sa femme continue à l'éviter la nuit puis progressivement le jour et la nuit. Elle utilise tous les stratagèmes possibles et inimaginables pour l'esquiver. Leur peau ne s'effleure plus. Aucune proximité. Dès qu'ils se retrouvent seuls, elle file s'isoler prétextant un travail à terminer, un livre à lire, un état de fatigue. Lorsqu'ils sont au restaurant avec des amis, elle sauve les apparences. Si elle consent à s'assoir à ses côtés ce n'est qu'en érigeant une séparation entre eux que ce soit avec son sac, son manteau, son écharpe. Cette situation devient insupportable. Pourtant il fait tout pour plaire à sa femme. Il se charge de toutes les corvées ménagères, lui cuisine ses plats favoris, l'emmène voir Honfleur, il entreprend même un régime. Mais rien n'y fait. Rien ne change. La libido de Madame demeure négative. Plus il déploiera d'énergie à la reconquérir, plus elle restera indifférente. Plus elle lui résiste, plus il devient obsédé. Il ne pense qu'à ça. C'est simple, il a une bite à la place du cerveau. Au bureau, il ne peut s'empêcher de penser à la supposée vie sexuelle épanouissante de ses collègues. Lorsqu'il croise une femme dans la rue, les transports, il ne l'envisage que sexuellement. Dès lors et pour ne pas sombrer dans cette folie qui pointe, sa libido va trouver refuge sur les sites pornos et les sextoys. Il ira même jusqu'à s'inscrire sur un site de rencontres extraconjugales. Ce n'est qu'au prix d'une succession de petits évènements que Madame sortira de son violent mutisme.
Pas ce soir est plus qu'un roman. Il est l'autopsie de l'abstinence sexuelle subie. Comme à l'accoutumée, Amélie Cordonnier analyse à l'infini les impacts d'une situation taboue. La chasteté devient synonyme de silence, d'incommunicabilité. Qu'il est violent le mutisme de cette femme qui impose ses choix sans concertation. Qu'il est obsédant ce manque pour celui qui ne comprend pas. Qu'il m'a agacé cet homme qui subit sans réagir, sans provoquer une discussion franche. Qu'elle m'a énervée cette femme qui impose sans expliquer. On m'a qu'une envie, leur crier de se parler, parce qu'on le sait tous, si au sein du couple le sexe a son importance, le ciment c'est vraiment la communication.
Bien que très cru et très tranchant, Pas ce soir n'en reste pas moins un roman empreint d'une certaine délicatesse et d'un réalisme avéré. En endossant le costume de l'époux délaissé et plaintif, en étant le porte-voix de cet homme, Amélie Cordonnier a relevé un sacré défi. Une performance qui je l'espère, ne lui aura pas provoqué d'interminables migraines.
Belle lecture !
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