jeudi 30 septembre 2021

Mon avis sur "Et d'un seul bras, la sœur balaie sa maison" de Cherie Jones

Cherie Jones est née en 1974 à la Barbade. Elle a remporté plusieurs prix littéraires pour ses nouvelles, dont le Commonwealth Short Story Prize. En parallèle de sa carrière de romancière, elle exerce depuis des années le métier d’avocat à la Barbade. Et d’un seul bras, la sœur balaie sa maison est son premier roman. Il est publié chez Calmann-Lévy et fait partie de la sélection du Grand prix des lectrices Elle 2022. 

Lala vit chichement dans un cabanon de plage de la Barbade avec Adan, un mari abusif. Quand un de ses cambriolages dans une villa luxueuse dérape, deux vies de femmes s’effondrent. Celle de la veuve du propriétaire blanc qu’il tue, une insulaire partie de rien. Et celle de Lala, victime collatérale de la violence croissante d’Adan qui craint de finir en prison. Comment ces deux femmes que tout oppose, mais que le drame relie, vont-elles pouvoir se reconstruire ?

Derrière des paysages caribéens idylliques, se cache d'intenses et poignants portraits de femmes blessées depuis des générations. Et d’un seul bras, la sœur balaie sa maison est un premier roman qui s'attache à prouver que l’héritage des traumatismes est tenace, mais pas toujours  irrémédiable. À Baxter’s Beach, à la Barbade, Wilma, la grand-mère de Lala, raconte l’histoire de la sœur à un bras. C’est un récit édifiant sur ce qui arrive aux filles qui désobéissent à leur mère et se rendent dans les tunnels malfamés de Baxter.

Pour dénoncer l'envers du décor paradisiaque Cherie Jones a pris le parti d'évoquer tout ce que l'on ne verra jamais sur les cartes postales de la Barbade. De ce côté-ci, il est plutôt question de la violence des hommes sur les femmes, du chômage, des trafics, du racisme, de la délinquance. De ce côté-ci, les eaux turquoise se teintent de rouge, se parfument des effluves de la misère et sont tantôt bordées de somptueuses villas, tantôt de bidonvilles. Alternant les points de vue, l'auteure donne à chacun des personnages la possibilité de s'exprimer. Malgré les faits, malgré l’histoire qui se perpétue de générations en générations, aucun d'eux n'est vraiment tout à fait coupable, n'est vraiment tout à fait innocent. Ils subissent. Les femmes subissent les violences des hommes. Violences sexuelles, violences physiques, violences conjugales. Les hommes subissent le chômage, la pauvreté, les inégalités. Ils noient leur désarroi non pas dans la mer des Caraïbes mais dans l'alcool, la drogue et la délinquance.

Et d’un seul bras, la sœur balaie sa maison est un roman qui oppose paradis et enfer, luminosité et noirceur, douceur et âpreté. Loin du décor de rêve que l'on imagine, de la légèreté à laquelle on pourrait s'attendre, ce premier roman est le témoignage d'un ordre sociétal établi d'une île des Caraïbes où il ne fait pas forcément bon vivre. L'auteure, avocate à la Barbade nous rappelle s'il en était besoin, que le désespoir et la violence peuvent se nicher partout, mais peuvent aussi être combattus. Malgré une écriture fluide et somme toute agréable, il m'a manqué un je-ne-sais-quoi pour que je sois transportée sur cette île paradisiaque.

Belle lecture !

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