Lire Philippe Besson c'est accepter de se poser, d'entrer dans l'intimité de ses personnages, dans leurs pensées. Voilà, Philippe Besson est un écrivain de l'intime. Le dernier enfant n'échappe pas à la règle. Il évoque ce séisme intérieur qui ébranle ces mères qui assistent impuissantes au départ du petit dernier.
Elle le détaille tandis qu’il va prendre sa place : les cheveux en broussaille, le visage encore ensommeillé, il porte juste un caleçon et un tee-shirt informe, marche pieds nus sur le carrelage. Pas à son avantage et pourtant d’une beauté qui continue de l’époustoufler, de la gonfler d’orgueil. Et aussitôt, elle songe, alors qu’elle s’était juré de se l’interdire, qu’elle s’était répété non il ne faut pas y songer, surtout pas, oui voici qu’elle songe, au risque de la souffrance, au risque de ne pas pouvoir réprimer un sanglot : c’est la dernière fois que mon fils apparaît ainsi, c’est le dernier matin.
Le dernier enfant est à l'image de cette famille, simple. Le père, Patrick, est chef de rayon dans un supermarché, la mère, Anne-Marie, caissière. Ensemble ils ont eu trois enfants. Ils s'apprêtent à vivre leur dernière journée à trois dans leur pavillon de banlieue. Théo, le petit dernier part s'installer dans la ville d'à côté pour ses études. Ses parents l'aident à déménager. Du lever au coucher du soleil, Philippe Besson nous invite à plonger dans le psyché de ces gens ordinaires ébranlés par ce qu'il y a lieu de nommer une étape de la vie. Plus l'heure de la séparation approche, plus la peur du vide augmente. Comment se quitter sans se blesser, sans culpabiliser ? Comment dire que malgré tout, on s'aime quand on ne se l'ai jamais dit ? Comment réapprendre à vivre pour soi quand on a vécu que pour ses enfants ?
Le dernier enfant est avant tout un roman d'atmosphère. On ressent tout. L'angoisse de la mère, le désœuvrement du père, leur nécessité de s'occuper pour ne pas être envahi par ce sentiment d'abandon. Faire la vaisselle pour l'une, tondre le carré de pelouse et tailler les géraniums pour l'autre. Et puis il y a ce jeune garçon qui retient d'abord sa fougue pour ne pas blesser ses parents, puis sa peur de l'inconnu quand le moment venu, il se retrouve seul au milieu de ses cartons. Tout le talent de l'auteur réside dans ces ces petits riens qui peuvent faire de grands drames. Philippe Besson a cette acuité à saisir l'insaisissable, à rendre palpable cette d'ambiance si singulière, qui s'apparente tellement à celle des dimanches soirs. De plus, il incarne si justement cette mère qui se rapproche dangereusement du précipice que l'émotion n'en est que plus présente. Le dernier enfant est un roman sobre et déchirant, d'une justesse et d'une humanité touchantes. Philippe Besson rend un bien bel hommage à toutes ces mamans qui se sont une peu trop oubliées.
En fermant Le dernier enfant, croyez-moi vous serez tout particulièrement heureuse d'entendre la sempiternelle question de vos gnomes Eh m'mam qu'est-ce qu'on mange ce soir ?
Allez, belle lecture !
Tu parles bien de ce livre qui t'a manifestement plus touchée que moi. Pourtant, mère de deux adolescents, je vois bien poindre ce moment, qui ne doit certes pas être facile. Mais l'écriture de Besson m'a malheureusement laissée assez indifférente...
RépondreSupprimerMerci Delphine-Olympe ;))
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