mardi 19 février 2019

Mon avis sur "Même les monstres" de Thierry Illouz

Lorsque l'on choisit de devenir avocat, on doit, pour exercer cette profession, prêter serment devant la Cour d'appel de son Barreau. Au cours de cette cérémonie, l'avocat en devenir s'engage à respecter les principes essentiels de la profession. Il jure, comme avocat, d'exercer ses fonctions avec dignité, conscience, indépendance, probité et humanité. Alors lorsque l'on choisit de devenir avocat pénaliste, on peut être amené à défendre tout genre d'individu. De celui qui a commis un simple larcin, à celui qui a assassiné, violé. Alors comment peut-on défendre de tels êtres ? Sont-ils seulement défendables ? Thierry Illouz est avocat pénaliste, avec Même les monstres, il lance un appel.

Thierry Illouz exerce depuis trente ans. Sa vocation est née de son histoire. Il a grandi en Picardie dans une cité de rapatriés. La misère,  celle qui fabrique les monstres défendus aujourd’hui, il l'a côtoyée par le passé. Convaincu que l'identité de tout un chacun se construit au fur et à mesure de la vie, il dit ce que vivent les gens, raconte les quartiers, les immeubles, l’argent qui manque, l’absence de reconnaissance. Il voudrait oser les mots ghetto, stigmatisation, relégation. Il voudrait appeler à la clémence, au doute. Il voudrait que l’on se soucie des abandonnés. Même les monstres est un essai par lequel Thierry Illouz voudrait qu’enfin on regarde l’autre, celui qui se trouve dans le box des accusés. Celui qui nous effraie, celui que l’on condamne. Et qu’il est urgent de comprendre.

Thierry Illouz est rarement du côté des parties civiles, il défend ceux que l'on accuse. Mais comment fait-il ? Comment peut-on défendre un pédophile, un assassin, en un mot, un monstre ? L'avocat l'affirme, le monstre n'existe pas. C'est un fantasme, un raccourci pour enfermer une personne, cet autre déshumanisé. Cet autre que l'on ne cherche pas à comprendre. Thierry Illouz l'avoue, il a de l'empathie pour ceux qu'il défend. Mais attention précise t-il, défendre n'est pas excuser. Tout comme être accusé n'est pas synonyme de culpabilité. Trop souvent, les médias, la Société actuelle ont tendance à faire fi de la présomption d'innocence, comme pour mieux satisfaire la vindicte populaire. Or, Maître Illouz le rappelle, la présomption d'innocence est un droit fondamental. Le doute doit toujours bénéficier à celui qui est mis en cause. La Justice a besoin de temps, c'est une des conditions essentielles pour la rendre dignement. Du temps pour comprendre, du temps pour regarder, pour observer, du temps pour défendre, du temps pour protéger la Société, du temps pour (ré)insérer. 

À travers différentes affaires, Thierry Illouz illustre ses convictions. Il humanise toutes les parties qui composent un procès. Il évoque également le traumatisme de la prison, ce châtiment populaire qui ne remplit pas nécessairement la finalité de la sanction, protéger la Société et (ré)insérer. Même les monstres est un essai qui honore son auteur. Sa démarche est noble, humaine. Loin d'être un super héros, Maître Thierry Illouz est un avocat qui n'a pas oublié le serment qu'un jour il a prêté.

Je remercie vivement les Éditions L'iconoclaste et vous encourage à lire cet essai. 

Enfin, si le sujet vous intéresse, je vous invite à aller voir Une intime conviction, le film de Antoine Raimbault  avec  Marina Foïs et Olivier Gourmet qui traite de l'affaire Viguier. 



Belle lecture et bonne toile !

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire