vendredi 22 juillet 2022

Mon avis sur "Le jeune homme" d'Annie Ernaux

Parce qu'on ne la présente plus, parce qu'elle est une femme de lettres connue et reconnue, parce que son œuvre a été très largement saluée par la critique, parce que le temps file et surtout parce qu'il n'est jamais inutile de coucher sur papier ce que renvoie la société ne serait-ce que pour la faire évoluer et puis parce qu'elle a été l'unique invitée de cette émission littéraire de référence, j'ai cédé à l'appel d'Annie Ernaux et ai lu Le jeune homme (Gallimard).

En quelques pages, à la première personne, Annie Ernaux raconte une relation vécue avec un homme de trente ans de moins qu’elle. Une expérience qui la fit redevenir, l’espace de plusieurs mois, la « fille scandaleuse » de sa jeunesse. Un voyage dans le temps qui lui permit de franchir une étape décisive dans son écriture.

Ce texte court, très court, forcément trop court raconte une histoire d'amour entre une femme et un jeune homme. Pourquoi préciser que cet homme est jeune alors que je ne dis rien sur cette femme ? Justement, parce que tout tient dans l'absence d'adjectif qualificatif. Cette femme est Annie Ernaux. Elle avait la cinquantaine passée, était admirée par un étudiant qui voulait à tout prix la rencontrer, lorsqu'à l'issue d'un dîner au restaurant, elle l'emmena chez elle pour un dernier verre. Cette soirée s'est terminée comme elle se devait, les corps emboîtés. Il s'est séparé de son amie pour vivre cette nouvelle histoire. Du vendredi soir au lundi matin, Annie Ernaux prit l'habitude d'aller chez A., ce jeune homme de trente ans son cadet. Il habitait Rouen, la ville où elle avait été étudiante dans les années soixante. L'appartement de A. donnait sur l'hôpital dans lequel elle avait été transportée une nuit à cause d'une hémorragie due à un avortement clandestin. Hasard ou rendez-vous ? 

En exergue de ce récit, Annie Ernaux écrit ceci : "Si je ne les écris pas, les choses ne sont pas allées jusqu'à leur terme, elles ont été seulement vécues." 
Avec A., Annie Ernaux n'avait plus d'âge. Elle dérivait d'un temps à l'autre. Elle se remémorait la période de sa vie qui fût la sienne à Rouen, découvrait de nouveaux lieux, le quotidien de ceux qui doivent compter, leurs centres d'intérêt si éloignés des siens. Leur différence l'indifférait. L'essentiel était ailleurs. Il était dans l'écriture de qu'il était advenu dans sa chair à elle, avant sa naissance à lui. Cet avortement. A. a été pour A(nnie) un ouvreur de temps. À son insu, Le jeune homme aura participé à l'œuvre d'Annie Ernaux. Il lui aura permis d'aller au terme de ce qu'elle a vécu et d'accoucher de L'Évènement.

Le jeune homme est à la fois le récit intimiste et sociologique d'une histoire entre une femme d'âge mûr et un jeune homme, mais également sur le cheminement émotionnel et intellectuel d'une auteure. D'un style épuré et percutant, ce livre autobiographique ne peut que frustrer ses lecteurs. Il frustre parce qu'il est trop court, parce qu'il n'est qu'un chapitre de la vie d'une femme libre, parce que l'on voudrait lire ceux d'avant et ceux d'après, parce que malgré tout, on se demande si l'on n'aurait pas été victime d'un coup marketing. À moins que je n'ai rien compris, si ce n'est que le temps est venu pour moi de me plonger dans l'œuvre de cette auteure.

Belle lecture !

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