Nathalie Kuperman est une auteure française écrivant aussi bien pour les adultes que pour la jeunesse. Elle a une dizaine de romans à son actif et tous tentent de répondre à la question la plus évidente qui soit, la plus banale, mais finalement celle à laquelle il est le plus difficile de répondre "Qui suis-je ?". On était des poissons, le onzième roman de Nathalie Kuperman n'échappe pas à la règle.
Je ne savais pas si j'étais contente ou pas. Je trouvais que tout allait trop vite. Je ne pourrais dire au revoir à personne, ne pourrais me réjouir quelques jours auparavant à l'idée du départ. Pourtant, j'ai répondu Oui. Parce que je sentais, peut-être pour la première fois, que ma mère n'était pas prête à écouter mes états d'âme.
Papa, il est au courant ?
Laisse ton père où il est. Il verrait d'un mauvais œil que je te fasse rater les derniers jours de classe. Il me ferait la morale, et la morale, je n'aime pas ça.
Divorcée depuis peu, Alice, la mère d'Agathe, a encore beaucoup de mal à accepter sa nouvelle réalité. Et si la solution consistait à fuir Paris au plus vite sans avertir personne et d'échouer sur une plage de la Côte d'Azur ? Emportée dans le sillage de cette mère-poisson, ce n'est que des années plus tard, en déroulant le souvenir à vif de ces jours pleins de bruit et de fureur, qu'elle le découvrira enfin.
Il est rare qu'un livre me fasse un tel effet. On était des poissons est un livre d'une remarquable puissance, un huis clos qui explore la complexité du lien maternel entre une femme bipolaire et sa fille. Une relation aussi fusionnelle que toxique. Une mère aussi aimante que maltraitante, une mère fragile psychologiquement, névrosée. Une mère qui s'en prend à son petit macaroni, sa petite salamandre, sa petite fille. C'est simple, ce roman est si poisseux, cette mère si instable, qu'il m'a gênée. J'ai d'abord cru que je ne l'avais pas aimé. En fait, ce n'est pas On était des poissons que je n'ai pas aimé, c'est cette mère. J'ai souffert pour cette petite Agathe. Comme elle, j'ai été noyée. Comme elle, je ne savais pas si cette mère lui vouait un amour infini ou si au contraire elle faisait tout pour se faire désaimer de sa fille. Comme elle, je guettais les signes annonciateurs de changement d'humeur. C'était insoutenable. Mais mon désir de comprendre m'a empêchée de refermer ce roman. Et quand la dernière page fut tournée, cette mère, Alice dans sa robe rouge, m'a poursuivie.
On n'était des poissons est un roman sous tension que l'on aimerait tenir à distance mais qui une fois commencé nous aimante. Et c'est là tout le talent de Nathalie Kuperman. Son écriture est à la fois puissante et fluide, la psychologie de ses personnages si fine et profonde, qu'inévitablement le lecteur nage entre empathie et colère. Chapeau bas, Madame, vous m'avez bien eue !
Enfin, à toutes celles et ceux qui verraient une similitude entre On était des poissons et Fugitive parce que reine de Violaine Huisman, je répondrai que s’il est vrai que dans ces deux romans les mères sont psychologiquement fragiles, au moins dans le second elle est drôle, tellement romanesque et fantasque que sa fragilité en est touchante, alors que dans On était des poissons cette mère est vraiment toxique. Allez, Maillot de bain ! comme dirait Alice, lisez On était des poissons et laissez-vous porter par ces rouleaux émotionnels.
Belle lecture !