dimanche 31 juillet 2016

Mon avis sur 'Nouvelles sous ecstasy" de Frédéric Beigbeder

Je ne vous ferai pas l'affront de vous présenter Frédéric Beigbeder, et puis, je ne saurai être objective. C'est somme toute assez simple, ce type on l'aime ou on le déteste. Et bien moi, je l'aime. J'adore le personnage qu'il s'est construit et j'aime par dessus tout sa plume, sa culture, sa vivacité d'esprit, ses provocations, son humour et j'en passe. Ce mec me plaît et ce n'est pas que pour sa belle gueule de dandy, il me plaît pour ses écrits. Rappelez-vous je l'avais déjà avoué ici. J'avais depuis quelques temps son Nouvelles sous ecstasy à mes côtés, cent deux pages politiquement incorrectes à lire non pas sous ecstasy, Frédéric Beigbeder en a pris suffisamment pour nous, mais avec beaucoup de recul.

Frédéric Beigbeder sympathique comme il est, avertit ses lecteur(rice)s sur les effets que provoqua dans les années quatre-vingts la découverte d'une nouvelle drogue, la MDMA, plus connue sous le nom d'ecstasy. Cette "pilule de l'amour" procurait d'étranges effets : bouffées de chaleur, envie de danser toute la nuit sur de la techno, besoin de caresser les gens, grincements de dents, déshydratation accélérée, angoisse existentielle, tentatives de suicide, demandes en mariage. C'était une drogue dure avec une montée et une descente, comme dans les montagnes russes ou les nouvelles de certains écrivains américains. Frédéric Beigbeder n'en consomme plus et déconseille au lecteur d'essayer : non seulement l'ecstasy est illégal, mais en plus il abîme le cerveau, comme le prouve ce recueil de textes écrits sous son influence. Et puis, avons-nous besoin d'une pilule pour raconter notre vie à des inconnus ? Alors qu'il y a la littérature pour ça ? 

Sans surprise dans Nouvelles sous ecstasy on retrouve les thèmes de prédilection de l'auteur : le sexe, l'alcool, l'ecstasy, la fête, la mort, la vie. C'est loufoque, trash, provoquant, ironique mais globalement drôle. Bref, c'est du Beigbeider et j'adore ça ! 
La première nouvelle compte six pages de questions absolument pas existentielles, aucune réponse, que des interrogations qui s'enchaînent à toute vitesse et nous tournent la tête. C'est loufoque à souhait et la chute encore plus. Ensuite s'enchaînent des nouvelles qui évoquent des rencontres et des situations improbables qui relèvent plus du fantasme que de la réalité, jusqu'au summum, la nouvelle la plus dégueulasse de ce recueil. C'est son titre et il est vrai qu'elle est carrément trash, mais comme il est vraiment prévenant ce Frédéric Beigbeder, il prévient ses lecteurs les plus romantiques que certains passages de ce texte sont susceptibles de heurter leur sensibilité. C'est le moins que l'on puisse dire. Jusqu'où peut-on aller pour prouver à l'autre son amour ? Je passe les différentes étapes drôles au début, socialement incorrectes, ensuite carrément insoutenables, pour finalement conclure que la belle preuve d'amour, c'est de ne plus jamais se revoir. A méditer...

Lire Nouvelles sous ecstasy c'est comme lire à la fois Le bûcher des vanités de Tom Wolfe et American psycho de Bret Easton Ellis. C'est cinglant, mordant, complètement déjanté et un peu dégueu, mais finalement, c'est bon. Et pas de méprise, il ne s'agit pas de faire l'apologie de l'ecstasy, ni de la drogue en général, bien au contraire.
L'ecstasy fait payer cher ses quelques minutes de joie chimique. Il donne accès à un monde meilleur, une société où tout le monde se teindrait la main, où l'on ne serait plus seul ; il fait rêver d'une ère nouvelle, débarrassée de la logique aristotélicienne, de la géométrie euclidienne, de la méthode cartésienne et de l'économie friedmanienne. Il vous laisse entrevoir tout ça, et puis, tout un coup, sans prévenir, vous claque la porte au nez. (p. 40)

Sur ce, belle lecture !

samedi 30 juillet 2016

Mon avis sur "Un parfum d'herbe coupée" de Nicolas Delesalle

Grand reporter à Télérama, Nicolas Delesalle a publié aux Éditions Préludes son premier roman Un parfum d’herbe coupée, dans lequel le narrateur, Kolia, se souvient de son enfance et de son adolescence. Une somme de petits souvenirs entre nostalgie et humour qui donne au tout, un parfum inoubliable.

Un parfum d'herbe coupée c'est autant d'instantanés de vie de l'enfance de Kolia, ces petits riens qui forment un tout. Ces petits riens que l'on a tous vécus et qui résonneront tout particulièrement aux quadras qui ne manqueront pas de se retrouver sur ces clichés un peu jaunis par le temps mais qui font un bien fou.
La grand-mère de Kolia vient de mourir de vieillesse, comme on dit, son grand-père est très affecté et Kolia ne doute pas que très vite son tout viendra. Alors entamant sa trentième longueur à la piscine entre les gros et les petits culs, Kolia voudrait que son arrière-petite-fille qu'il appelle Anna dont les atomes qui composeront son corps, son cerveau et ses yeux se cachent à la surface de la planète, dans les nuages, les océans, les forêts, dans les molécules d'un saint-nectaire en train d'être affiné en Auvergne, dans l'écaille d'un saumon qui vient de sauter au-dessus d'une petite cascade en Alaska... se souvienne des fragments  d'enfance ordinaire qui ont transformé un jeune garçon ordinaire de banlieue parisienne en un homme ordinaire du XXIème siècle. 

Et c'est parti ! Envoyez les violons, laissez les mouchoirs dans leur boîte,  mais entraînez vos zygomatiques, vous allez vous surprendre à rire de situations que l'on a tous vécues.  
Un parfum d'herbe coupée nous embarque à bord d'une Renault 25 GTS bleu perroquet, avec le chat, le chien, les trois enfants, le père qui fume au volant et la prévention routière qui ne savait pas encore qu'il était vital d'attacher ses ceintures de sécurité ; à la découverte des premiers émois en regardant en crypté le premier samedi du mois le film X sur Canal Plus ; en passant par la découverte des mots et de l'écriture grâce à Boris Vian, puis de la littérature en général, à celle du clip de Thriller en regardant Champs-Élysées sur Antenne 2 ; en partant vivre les aventures de Bob Morane via le walkman Sony que votre mère menaçait de vous confisquer si vous ne débarrassiez pas le lave-vaisselle en passant par la découverte des filles, le tout accompagné du chien de la famille, Raspoutine.  
 
Un parfum d'herbe coupée est rempli de ces petits détails de l’existence qui braquent les projecteurs sur les âges de la vie. Ce roman c'est un peu comme quand on évoque avec nos frères et sœurs nos souvenirs d'enfance avec légèreté et que l'on rit de situations vécues. Un livre universel en somme. Très bien écrit mêlant émotion et humour, ce livre se déguste, se savoure telle une madeleine de Proust. Outre le fait que j'ai l'impression que Nicolas Delesalle a écrit mes souvenirs d'enfance, Un parfum d'herbe coupée m'a évoqué à la fois La Première Gorgée de bière et autres plaisirs minuscules de Philippe Delerm et Une vie française de Jean-Paul Dubois. Un livre délicieux à découvrir !

Il me reste à remercier les Éditions Le Livre de Poche de m'avoir permis de revivre ces petits riens qui font un tout, qui m'ont fait me souvenir et surtout rire. Merci à vous !

Belle lecture !


lundi 25 juillet 2016

Mon avis sur "Grossir le ciel" de Franck Bouysse

Franck Bouysse partage sa vie entre Limoges où il est enseigne la biologie et sa Corrèze natale. C'est un passionné de romans noirs, de thrillers. Il est de ces auteurs pour qui l'intrigue ne sert que de prétexte, il préfère la mettre au service de ses personnages, afin d'étudier leur psychologie. Grossir le ciel, son septième livre, à la jolie couverture évocatrice, n'échappe pas à la règle.

Direction Les Doges. Un lieu-dit au fin fond des Cévennes où habite Gus, un paysan entre deux âges, solitaire et taiseux. Ses journées s'organisent au rythme des conditions météorologiques et sont ponctuées de rudes travaux, les champs, les vaches, le bois, les réparations. Gus n'a qu'un seul compagnon, un seul réconfort, son chien, Mars. Son quotidien c'est également celui d'Abel, son voisin dont la ferme est éloignée de quelques mètres, devenu ami un peu par défaut, pour les bras et pour les verres. Nous sommes en janvier 2007. Le jour où l'abbé Pierre disparaît, tout bascule : Abel change, des événements inhabituels se produisent, des visites inopportunes se répètent, Gus voit débarquer un banquier, un évangéliste suceur de bible et d'autres.

Grossir le ciel traite de l'essentiel. De la condition humaine, de celle des paysans, de leur solitude plantée au milieu des Cévennes. Leurs fermes regorgent d'odeurs de café bouilli, de gros rouge, de bois qui brûle dans les poêles pour réchauffer ces cœurs de pierre qui ne demandent qu'à se fendre. L'environnement est somptueux et terriblement austère. Le décor et l'ambiance étant plantés, il ne restait plus qu'à bousculer le quotidien de ces deux hommes, modifier leurs repères, pour que peu à peu la tension monte, jusqu'au moment où il faudra Grossir le ciel.  

Franck Bouysse est ce genre d'auteur qui sait très bien restituer l'ambiance de ces espaces isolés, livrés au bruit du silence ouateux d’un hiver rude et neigeux. Au fur et à mesure que l'on tourne les pages, le froid nous pique, le café brûlé réchauffe nos doigts gelés, réveille nos sens. On visualise les carreaux embués ruisselants d'eau, la table en bois qui trône au milieu de la cuisine, l'unique pièce à vivre où l'on se réchauffe, se restaure, où le temps s'étire au gré des saisons. On y retrouve instantanément l'ambiance de La ferme des Neshov d'Anne B. Ragde. Le silence pesant, les non-dits et les rancœurs accumulés, la solitude de ces hommes blessés par la vie. 
Le style de Franck Bouysse est élégant, il sait choisir ses mots, ses maux, les mettre au service de ces hommes, pour fendre peu à peu leur carapace et nous les dévoiler sensibles. Grossir le ciel est un subtil équilibre entre le fond et la forme d'une force rare. Ce roman a reçu le prix polar Michel Lebrun, le prix Calibre 47 et celui des lecteurs au festival du polar de Velleneuve-Lez-Avignon. Des prix comme s'il en pleuvait, largement mérités.

Encore merci aux Editions Le Livre de Poche de m'avoir permis de découvrir cet auteur qui est à suivre de près.

Belle lecture !

vendredi 22 juillet 2016

Mon avis sur "Marilyn 1962" de Sébastien Cauchon

Si elle avait survécu à cette nuit du 4 août 1962, le 1er juin 2016, elle aurait eu quatre-vingt dix ans. Elle a quitté ce bas-monde alors qu'elle n'avait que trente-six ans. Plus de cinq décennies ont passé, mais elle est toujours présente. Pourquoi ? Parce que c'était une star. Pas une de ces starlettes fabriquées par la télé-réalité, non c'était une vraie star, de celles qui brillent de mille feux, de celles qui deviennent un mythe, une icône, un sex-symbol. Elle était blonde platine, elle était belle, on l'imaginait heureuse, comblée, et pourtant... 
Pour rendre hommage à cette icône du cinéma, Sébastien Cauchon cinéphile et spécialiste de Marilyn Monroe, a dédié son premier livre à celle qu'il idolâtre. A force de recherches et de documentation, l'auteur raconte via Marilyn 1962, les derniers mois de la vie de l'actrice à Los Angeles et nous la dévoile par le prisme de son entourage, non pas sa famille, mais ses employés...

Si vous pensez avoir déjà tout lu sur elle, si vous pensez tout connaître de sa vie, Marylin 1962 va vous surprendre. Marylin Monroe c'est, pour le plus grand nombre, la féminité exacerbée, une croqueuse d'hommes qui collectionne les mariages, la maîtresse de John Fitzgerald Kennedy, une femme addict aux barbituriques. En somme, elle est perçue comme une femme un tantinet godiche, superficielle, qui a réussi à une époque où il suffisait d'être jolie. Si telle est votre perception de Marilyn Monroe, autant vous prévenir de suite, il va falloir réviser votre jugement. A la lecture de Marilyn 1962, on se rend vite compte que Marilyn Monroe était loin d'être une femme superficielle. C'était une femme complexe, une femme blessée qui n'a pas été épargnée par la vie, une femme très entourée et pourtant terriblement seule, une femme extrêmement généreuse,  sacrément talentueuse et intelligente. 

A travers le portrait de douze personnages, Sébastien Cauchon nous livre ce que fut la dernière année de Marilyn avant son décès. Eunice, Whitey, Cherie, Ralph, Inez, Paula, Larry, Evelyn, May, Pat. et les autres racontent leur rencontre avec Marilyn.  Qui étaient-ils ? Des amis ? Des collaborateurs ?  Des proches ? 
Rien de tout cela, tous ont un point commun. Ils étaient tous payés par l'actrice. En réalité, il étaient quasiment tous ses employés. Gouvernante, maquilleur, coiffeuse, masseur, psychanalyste, coach, comptable, photographe, doublure et j'en passe... Ils constituaient une armée des ombres à la hiérarchie mouvante. Un entourage à défaut d’une famille. Quelle était leur relation avec cette star ? Quel regard portaient-ils sur celle qui venait de s'installer dans son hacienda de Brentwood à peine meublée ? Un chapitre est dédié à chacun de ces personnages qui nous dévoile avec un sentiment d'exactitude encyclopédique, l'intimité de Marilyn. Que de vide finalement autour de cette icône !  

Marilyn 1962 est un livre d'un style romanesque, qui nous permet de mieux comprendre la star et de poser sur elle un regard empreint de sollicitude. Il est à découvrir si vous voulez en savoir plus sur cette étoile qui brillera toujours de mille feux. 

Quant à moi, il me reste à remercier les Éditions Stock et la petite main innocente qui m'a fait gagner ce livre et m'a permis de partager au fil des pages ce mythe qu'est et que sera toujours Marilyn.

Belle lecture !

jeudi 14 juillet 2016

Mon avis sur "Deux gouttes d'eau" de Jacques Expert

Homme de média, Jacques Expert a été grand reporter et producteur. Il est aujourd’hui directeur des programmes de RTL et auteur de la série « histoires criminelles » sur France Info. Il mène en parallèle une carrière d'écrivain. Évidemment, il officie dans le genre polar.

Élodie est retrouvée décapitée dans son appartement de Boulogne-Billancourt. L'enregistrement d'une caméra de surveillance permet d'identifier immédiatement son meurtrier. Il s'agit  d'Antoine Deloye, son fiancé. On le voit sortir de chez elle, l'arme du crime à la main. Immédiatement placé en garde à vue, Antoine s'obstine, malgré les évidences, à nier les faits. Il accuse son frère jumeau, Franck. Quand Franck Deloye arrive au commissariat central pour être entendu, le trouble est immense : il est impossible de différencier les deux hommes, qui se ressemblent, littéralement, comme Deux gouttes d'eau. Le divisionnaire, Robert Laforge, un flic aussi compétent qu'intransigeant et colérique va tenter avec son équipe de résoudre cette affaire qui semble pouvoir être rapidement pliée. C'était sans compter sur certaine anomalie de dame nature... Les jumeaux sont atteints d'adermatoglyphie, une maladie génétique extrêmement rare. Ils sont dépourvus d’empreintes digitales. De surcroît,  ils ont exactement le même ADN. Lequel des deux est le meurtrier, lequel est innocent ? Telle est la question à résoudre...

Dès le début de l'intrigue, on sait qui est le coupable, du moins ça c'est que l'on veut nous faire croire. Les jumeaux monozygotes sont tellement identiques qu'il est impossible de les distinguer, leurs parents n'y arrivaient déjà pas. De vrais clones et ils aiment en jouer.  L'un accuse l'autre, et vice versa. L'enquête qui se déroule quasi en huis-clos dans le commissariat va consister à tendre des pièges aux jumeaux qui vont se révéler machiavéliques jusqu'à la dernière page.

Sans être renversant, Deux gouttes d'eau est un bon polar. L'écriture est fluide, le style simple. L'alternance de scène d'interrogatoires et de flashbacks relatifs à l'enfance de Franck et d'Antoine rend la lecture agréable à tel point que l'on enchaîne les chapitres sans s'en rendre compte. Un livre à découvrir sur la plage ou ailleurs, mais certainement pas avec des jumeaux qui se ressemblent comme Deux gouttes d'eau, vous ne pourriez plus leur faire confiance...

Il me reste à remercier l'équipe de Lecteurs.com et les Éditions Le Livre de Poche de leur confiance et de m'avoir permis de découvrir cet auteur.

Belle lecture !

dimanche 10 juillet 2016

Mon avis sur "Avant toi" de Jojo Moyes

Voici quelques temps que Avant toi figurait sur la liste de mes envies. Je savais qu'il allait être adapté au cinéma. Il vient de sortir en salle. Alors avant d'éventuellement le voir, j'ai voulu le lire. Verdict : grand bien m'a pris ! Avant toi est une histoire touchante et plus profonde qu'il n'y paraît au premier abord.

Lou, vingt-sept ans, mène une vie monotone dans un trou paumé de l’Angleterre dont elle n’est jamais sortie. Le café dans lequel elle travaillait a fermé. A l'instar de son père, la voici au chômage. Pour contribuer aux frais du cocon familial où elle vit avec ses parents, son grand-père malade, sa sœur et le fiston de cette dernière, Lou va accepter un job pour six mois. Sa mission ?  Tenir compagnie à un jeune homme devenu tétraplégique à la suite d'un accident. Ancien homme d'affaires de la City, sportif et bon vivant, Will est cloué au lit ou dans son fauteuil roulant depuis plus de deux ans. Jusqu'à son dernier souffle, il sait qu'il est condamné à dépendre des autres. Ne le supportant pas, il est particulièrement désagréable avec ceux qui l'entourent encore. Dès les premiers instants de leur rencontre, Will se montre  grincheux et odieux avec Lou. Quelques jours, quelques heures à ses côtés,  auront suffi pour que Lou veuille jeter l'éponge. Elle se ravisera lorsqu'elle prendra connaissance des raisons pour lesquelles un CDD  de six mois lui a été proposé. Peu à peu, Will et Lou apprendront à se connaître et à s'apprécier malgré leurs différences.

Il est issu d'un milieu aisé, est cultivé, a voyagé, croqué la vie, jusqu'au moment où tout a basculé après qu'il ait été fauché par une moto. Le voici prisonnier de son enveloppe charnelle, dépendant des autres pour tout. Elle est issue d'un milieu populaire, n'a pas fait d'étude, n'a aucun centre d'intérêt, n'a jamais voyagé, a un petit ami depuis plusieurs années, leur relation ronronne gentiment. Elle n'a aucun projet et manque cruellement d'ambition. Deux parcours de vie différents, deux êtres que tout oppose et pourtant un même point commun, l'enfermement. L'un est enfermé dans son corps invalide, l'autre dans son carcan familial. Chacun va tenter de libérer l'autre, le persuader que l'on peut malgré les obstacles, les craintes, évoluer, envisager une autre vie.

Avant toi, n'est pas comme je le craignais une gentille romance un peu mièvre pour ménagère de plus de cinquante ans (oh, comme j'y vais !), c'est nettement plus subtil que cela. Avec finesse et sensibilité, Jojo Moyes nous fait prendre conscience qu'il ne suffit pas d'être valide pour être libre. La liberté c'est pouvoir choisir, choisir son chemin, agir sur son destin. Choisir de mourir dignement, choisir de vivre pleinement, de briser ses chaînes, d'oser aller au bout de ses envies, d'élargir ses horizons et le champ des possibles. Jojo Moyes nous rappelle que la liberté est un combat, qu'elle s'acquiert et se construit jour après jour, qu'elle implique l'accomplissement d'actions difficiles, mais est à notre portée. Par ailleurs, l'auteure dénonce l'absence d'aménagement des espaces publics pour les handicapés et le regard que nous autres portons sur eux que nous réduisons trop souvent à cet état. Avant toi, n'est pas une romance mièvre, c'est un roman qui interpelle quant au choix de vie que nous faisons tant pour nous-même que pour les autres au motif que nous saurions ce qui est bien pour eux.

Et comme un avant est toujours suivi d'un après, Après toi vient de paraître. Il n'est pas improbable que je cède à la tentation...

Belle lecture !

dimanche 3 juillet 2016

Mon avis sur "Rudik, l'autre Noureev" de Philippe Grimbert

Philippe Grimbert est écrivain et psychanalyste. Passionné de musique et de danse, c'est tout naturellement qu'il a couché sur papier ce qu'aurait pu être la rencontre entre un monstre sacré que fut Rudolf Noureev et un psychanalyste du Tout-Paris. Rudik, l'autre Noureev c'est la rencontre d'une étoile et d'un psy.

Nous sommes en décembre 1987, le Docteur Tristan Feller, le «confident du Tout-Paris», reçoit un appel de l'assistante du célèbre directeur du ballet de l'Opéra de Paris, Rudolf Noureev. Un rendez-vous pour le danseur est exigé au plus vite. Il est fixé pour le lendemain. Le Jour J, personne ne viendra, personne ne s'excusera. L'assistante rappellera et demandera un nouveau rendez-vous pour le jour suivant à la première heure. Le psychanalyste flatté qu'une star fasse appel à ses services et fasciné par son futur patient, cèdera à ses exigences malgré les sacro-saints principes de la psychanalyse. À la première séance, Noureev resta muet jusqu'au moment où il s'abandonna et murmura quelques mots de russe. Il venait de déposer sa douleur chez celui qui allait devenir son confident. Au cours des séances, Rudolf Noureev redeviendra Rudik, cet enfant pauvre qui est passé à l'Ouest, laissant sa mère et ses sœurs à Oufa dans l'Oural. Vingt-six ans plus tard, Gorbatchev l'a autorisé à rendre visite à sa mère mourante. Cette dernière ne l'a pas reconnu, lui la star internationale qui s'est libérée par la grâce du grand jeté. Anéanti par ce qu'il a vécu, par ce passé devenu trop lourd, Rudik a besoin de parler, d'être écouté. Au fil des séances, il se dévoilera et les masques tomberont. La solitude, les blessures et la maladie pour l'un, une autre forme de solitude et la fascination pour l'autre.

Rudik, l'autre Noureev est un roman qui nous plonge dans l'intimité, la dureté, la solitude d'une légende de la danse et dans l'univers de la cure psychanalytique qui est mise à mal du fait des jeux de pouvoir et de l'attraction irraisonnée d'un homme pour un autre. Alors Rudik, l'autre Noureev réalité ou vérité ? Peu importe la réponse, Philippe Grimbert maîtrise parfaitement sa chorégraphie et nous offre un joli ballet loin d'être classique mais néanmoins rempli de grâce. 

Allez, venez et entrez dans la danse...
Et encore tous mes remerciements au Livre de Poche.

Belle lecture !