vendredi 13 septembre 2024

Mon avis sur "La fileuse de verre" de Tracy Chevalier

Tracy Chevalier est une auteure spécialisée dans les romans historiques. Vingt-quatre ans après son immense succès, La jeune fille à la perle, elle nous embarque à Murano pour justement une nouvelle histoire de perles, certes moins précieuses mais éclatantes, colorées et symbole d’une émancipation féminine. La fileuse de verre est son dernier roman (La table ronde).

À Murano, le long des canaux et des ruelles, derrière les portes des ateliers, maestros et apprentis domptent le verre. Le secret de leur savoir-faire, qui ne doit jamais atteindre la terraferma, n’est pas l’affaire des femmes. Pourtant, à la mort de son père, voyant l’entreprise familiale décliner, Orsola Rosso décide de sauver sa famille de la ruine en apprenant à fabriquer des perles de verre. Un art qui ne va pas sans celui du commerce. Découvrant le ballet des marchandises dans le port de Venise, Orsola comprend qu’elle devra œuvrer sans relâche pour atteindre la perfection et déjouer les pièges de la négociation. Et ceux de l’amour, quand Antonio, pêcheur vénitien, rejoint l’atelier Rosso…
De ce côté de la lagune, le temps s’écoule différemment. 

Telle une pierre ricochant sur l’eau à intervalles plus ou moins grands, La fileuse de verre traverse de siècle en siècle, guerres et épidémies, amours et deuils, tandis qu’Orsola façonne ses bijoux. Sur l'île du verre, le temps qui s'écoule n'a pas de prise sur les personnages. Au commencement, Orsola n'est qu'une enfant. Elle n'a que soixante-dix ans quand le roman s'achève, six siècles plus tard. Cette singularité précisée dès le début du roman en nous demandant de visualiser l'image de la pierre sur l'eau et de remplacer l'eau par le temps, peut surprendre le lecteur. Mais une fois acceptée, c'est tout le talent de conteuse de Tracy Chevalier qui prend le dessus.

Basé sur une documentation solide, l'auteure nous raconte le verre sous toutes ses formes mais également l’histoire de Venise et celle de la famille Rosso. Elle nous plonge au cœur des ateliers des verriers les plus renommés, nous dévoile la technique de fabrication des pièces les plus prisées, les travaux de recherches aboutissant à des créations toujours plus complexes et sophistiquées. Parce derrière chaque atelier, il y a un clan familial, l'auteure nous immerge dans sa structuration et sa hiérarchisation. Les tâches des uns et des autres sont strictement définies. Les hommes travaillent à l'atelier, les femmes s'occupent de l'intendance du foyer et des enfants. Et si l'une d'elles était assez folle pour s'imaginer qu'elle était capable de travailler le verre, ce ne serait qu'une fois son devoir accompli et à l'abri du regard du maestro, des garzoni et garzonetti. Cette femme c'est Orsola, une femme ordinaire au service des siens, analphabète, qui à force de persévérance, de détermination, de travail et de créativité s'imposera dans ce milieu machiste. Son acharnement, son sens de l'observation, du sacrifice et de la négociation, lui permettront d'assurer la survie de sa famille puis, de s'émanciper. 

La fileuse de verre est un récit historique foisonnant impossible à résumer tant il est riche, doublé d'une fresque familiale qui ne laisse aucune place au temps mort. Petite et grande histoire se mêlent pour insuffler un air romanesque sur la lagune vénitienne. Benvenuti a Murano !

Belle lecture !

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