mardi 5 mai 2020

Mon avis sur "Les os des filles" de Line Papin

Line Papin est une écrivaine française. Elle est née à Hanoï, y a vécu jusqu'à l'âge de dix ans avant de rejoindre la France. Après des études de lettres et d'histoire à la Sorbonne, elle se consacre à l'écriture. Son premier roman, L'Éveil, a obtenu plusieurs prix littéraires et a été traduit en plusieurs langues. Les Os des filles est son troisième roman. Il fait partie de la sélection du Prix des Lecteurs 2020 du Livre de Poche. C'est en ma qualité de jurée que je l'ai découvert.


Nous finissons tous ainsi, après tout, et c’est doux. C’est doux parce que c’est commun. Il y aura eu bien des injustices, bien des secousses, bien des dangers ; il y aura eu des joies, des rires, des peurs, des amours, des haines, des ressentiments, des passions ; il y aura eu des accidents, des voyages, des crises, des maladies… Nous aurons été chacun à notre manière déformés par la vie. Il restera les os humains - ce que nous avons été au minimum, ce que nous avons tenté d’être au maximium. 
Les os des filles, c'est une histoire de femmes, de trois femmes : Ba, sa fille et sa petite-fille (qui n'est autre que l’auteure elle-même). Ces trois générations de femmes traverseront trois combats : celui de la guerre, celui de l’exil et celui de la maladie. 

Les os des filles commence dans les années 1960, pendant la seconde guerre d’Indochine, dans un petit village situé à une trentaine de kilomètres d'Hanoï. Pour échapper aux coups de son mari et aux réflexions cinglantes de sa seconde épouse, Vu Thi Gao décide de fuir sa maison. Elle part avec ses deux filles s’installer sur un lopin de terre. Elle y érige une maisonnette. Dans cette cabane de terre elle élève ses filles qui très vite vont l'aider aux rizières. L’une d’elle à seize ans décide d'apprendre à lire et de comprendre tout ce qu’on ne lui disait pas. Dès lors, Ba s’inscrit aux cours de Trang, l’un des fils du chef du village, professeur de littérature et d’histoire. De leur amour naîtra trois filles. 

En 1968, les trois sœurs sont belles, maigres et vivent dans un pays qui croule sous sept millions de tonnes de bombes. Malgré tout, elles sont fortes. Au décès de la mère de Ba, la famille quitte la campagne pour rejoindre Hanoï, cette ville tentaculaire, vrombissante qui leur ouvre les bras et le cœur. La seconde fille épouse un expatrié, un français. De leur union naîtra deux enfants dont Line. Dix ans plus tard, le cordon ombilical avec Hanoï est rompu. Ba, son mari et ses enfants quittent le Vietnam pour atterrir en Touraine, une province froide de la France. Quelques années plus tard c'est à Paris qu'ils échoueront.

À force de déracinements, Line est devenue l'épave de sa guerre intérieure. Elle n'a faim de rien, ne sourie plus. Line crève jusqu'à ce que l'hôpital vienne la chercher avec la même urgence et le même devoir que les forces américaines en Normandie. Elle y est restée une année entière. Line a abîmé ses os, elle ne grandira plus. C'est fini pour les os et les eaux. Mais Line vivra. Déracinée, elle n'était plus nourrie de cette sève qui coulait dans ses veines et a failli dépérir. L'année de ses dix-sept ans puis l'été de ses vingt-trois elle est revenue. Elle n'a pas tout à fait reconnu la ville où elle avait grandi. Elle est une étrangère au Vietnam, une étrangère en France, une étrangère... Mais elle connaît Paris et Paris la connaît. L'armistice a été signé. La vie pouvait recommencer.

Les os des filles c'est une histoire de femmes, de celles qui sont arrachées à leur terre, de celles qui ne sont nulle part chez elles, qui souffrent dans leur chair en silence et qui un jour parviennent à éteindre leur guerre intérieure, pour renaître. Les os des filles est de ces romans qui touche en plein cœur. La plume de Line Papin est délicate, subtilement dosée mêlant douceur et douleur. Tout n'est qu'émotions. Le lire a fait revivre une part de moi. Anh Ba et Thi Ba et tous les cousins et cousines m'ont accompagnée tout au long de ce voyage de papier. Le déracinement de ces générations de femmes est un peu celui d'une partie des miens, ce n'en n'était que plus émouvant. Les os des filles est à lire pour comprendre la douleur que ceux qui quittent, emportent.

Belle lecture !

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