mercredi 20 mars 2019

Mon avis sur "Rue des pâquerettes" de Mehdi Charef

Mehdi Charef est né en Algérie. Il a dix ans lorsqu'il arrive en France en 1962. Il a vécu les cités de transit et les bidonvilles de Nanterre. Fils d’ouvrier, il a travaillé près de quinze ans en usine avant de devenir écrivain, cinéaste et scénariste, rien de moins
Mehdi Charef a écrit des romans, des pièces de théâtre, il a à son actif de nombreux films en tant que réalisateur et/ou scénariste. Il a obtenu en 1986 le César de la meilleure première Œuvre pour Le Thé au Harem d’Archimède qui n’est autre que l’adaptation de son roman Le Thé au Harem d'Archi Ahmed
Après treize ans d’absence dans le milieu de l’écriture, Mehdi Charef revient avec Rue des pâquerettes qui est publié chez une toute nouvelle maison d’édition, Hors d’atteinte, dont je tiens à signaler la qualité du travail. La couverture est juste magnifique, le graphisme et le papier également. Rue des pâquerettes est le premier livre que cette maison édite. Un véritable petit bijou !

Rue des pâquerettes est le premier roman d’une trilogie retraçant l’enfance et l’adolescence de Mehdi Charef et de toute cette génération venue rejoindre leurs pères arrivés en éclaireurs dans la France des années 1960-1970. La France a permis l'arrivée de familles entières d'immigrés pour préparer le départ en retraite de ces pères. Á cette époque il y avait beaucoup de travail et pas assez d'ouvriers. Mehdi Charef est donc de cette seconde génération.  
Rue des pâquerettes s'ouvre sur l'arrivée en France de l'auteur, de sa maman et de ses frères et sa sœur. Ils débarquent à la gare d'Austerlitz. Tout juste arrivés, que déjà il prend conscience du regard que les autres portent sur eux. La maman de Mehdi portait le haïk (voile blanc). Dans le taxi qui le mène à Nanterre, Mehdi sera subjugué par les affiches de cinéma. Mais en découvrant sa nouvelle demeure, il va très vite connaître la honte, la peur, le froid, la boue, l’humiliation du bidonville, le racisme ordinaire. Mehdi Charef comprendra que le retour au pays n'interviendra pas de sitôt, voire jamais. L'école devient alors une échappatoire à sa condition sociale. Les séances de cinéma, un rêve. Son amour du français, des mots, des livres lui permettra de quitter rapidement la classe de rattrapage qu'il a intégré à l'école de la Rue des pâquerettes. Une fois son certificat d'études en poche, il pourra ambitionner d'intégrer l'usine plutôt que de travailler au froid comme son père qui était terrassier, c'est du moins ce que lui prédit le directeur de l'école, Monsieur Besson. Jamais à cette époque il aurait été imaginable que Mehdi Charef devienne écrivain, scénariste, cinéaste. 

C'est avec beaucoup de pudeur, une infinie tendresse et sans rancœur aucune que, dans ce premier volume, Rue des pâquerettes, et du haut de ses dix ans, Mehdi Charef évoque les conditions de vie misérables dans les bidonvilles de Nanterre. Il se livre avec poésie et retenue. Invité lors de la seconde édition du Rock'n Books qui s'est tenu le 9 mars dernier à Valmondois (95), Mehdi Charef a expliqué qu'au-delà du besoin d’écrire pour laisser une trace, c'est pour cette première génération d'immigrés, pour faire exister ses parents qu'il a décidé de raconter son enfance. 

Rue des pâquerettes est le premier volet d'un récit autobiographique particulièrement poignant, qui mérite d'être lu. On attend la suite avec impatience. 

Belle lecture !

Mehdi Charef lors Rock'n Books du 9 mars-19


vendredi 15 mars 2019

Mon avis sur "Le matin est un tigre" de Constance Joly

Parce que certains jours, la vie nous saute dessus férocement, le tigre déchire le rideau de la nuit, et qu'il faut bien faire avec. Le matin est un tigre est le premier roman de Constance Joly.

Depuis quelques mois, la vie d’Alma se hérisse de piquants. Sa fille souffre d’un mal étrange et s’étiole de jour en jour. Tous les traitements échouent, et les médecins parlent de tumeur. Mais Alma n’y croit pas. Elle a l’intuition qu’un chardon pousse à l’intérieur de la poitrine de son enfant. On a beau lui dire – son mari le premier – que la vie n’est pas un roman de Boris Vian, Alma n’en démord pas. À quelques heures d’une opération périlleuse, son intuition persiste. Il ne faut pas intervenir. C’est autre chose qui peut sauver sa fille… Elle, peut-être ?

Dans une langue merveilleusement poétique et imagée, Constance Joly met en scène l’histoire de ce que l’on transmet, malgré nous, à nos enfants. Le matin est un tigre est un roman métaphorique aux multiples références littéraires. L'écriture de Constance Joly est mélodieuse et mélancolique. Le matin est un tigre est le livre du combat d'une mère pour sa fille, d'une mère qui va briser les chaînes pour se libérer des valises reçues en héritage et qu'elle porte tel un fardeau. Une quête pour elle, pour sa fille, mais aussi pour l'homme qu'elle aime, même si leur vie intime est à l'arrêt.

Loin d'être triste et pesant, Le matin est un tigre est un joli roman que l'on lit lentement pour mieux se libérer de nos maux par les mots. Quant à Constance Joly, elle est une auteure à suivre.

Belle lecture !

vendredi 1 mars 2019

Mon avis sur "My absolute darling" de Gabriel Tallent

My absolute darling a été le livre phénomène de l'année 2017 aux États-Unis. Il est le premier roman de Gabriel Tallent. Ce dernier a consacré huit années de sa vie à son écriture. Puissant. Dérangeant. Choquant. Inoubliable. Prodigieux... Toutes sortes d'adjectifs qualificatifs ont été attribués à ce roman. Stephen King a même affirmé que c'était un chef-d’œuvre. Vous l'aurez compris, il ne fallait surtout pas passer à côté de My absolute darling au risque de rater sa vie. Il fallait le lire, alors je l'ai lu.

A quatorze ans, Julia Alveston, dit Turtle, vit avec son père, Martin,  non loin de Mendocino, dans le nord de la Californie. Ils habitent une maison isolée limite insalubre criblée d'impacts de balles. Persuadé que la fin du monde est pour bientôt, Martin a en effet appris à sa fille à manier toutes sortes d’armes, à se débrouiller seule dans la nature avec trois fois rien... et à supporter physiquement les pires sévices. Pour échapper à cet homme charismatique et abusif, Turtle se réfugie sur les plages et les îlots rocheux qu’elle parcourt sur des kilomètres. Sa vie sociale est confinée au collège, et elle repousse quiconque essaye de percer sa carapace. Jusqu’au jour où elle rencontre Jacob, un lycéen blagueur qu’elle intrigue et fascine à la fois. Poussée par cette amitié naissante, Turtle décide alors d’échapper à son père et plonge dans une aventure sans retour où elle mettra en jeu sa liberté et sa survie.

Aucun doute, My absolute darling est un roman d'une puissance rare. Il dérange, bouscule, oppresse. Il heurte la morale. Entre thriller explosif et « nature writing » à l’américaine, My absolute darling offre un véritable voyage au cœur des ténèbres. Si l'écriture à la fois sensuelle et minutieuse de Gabriel Tallent rend certaines scènes insoutenables, elle révèle surtout les personnages dans ce qu'ils ont de plus lumineux comme de plus sombre. Turtle est absolument fabuleuse. Tellement fragile, tellement forte. C'est simple, si ce livre devait être adapté au cinéma, et à supposer que je sois comédienne, je ferai tout, absolument tout, pour incarner cette jeune fille. 

My absolute darling est un roman d'ambiance qui ne peut se lire qu'en apnée tant il prend aux tripes, tant il ronge le lecteur. Peut-on aimer/haïr son père/sa fille de manière aussi absolue ? 

Si incontestablement j'ai aimé l'univers de ce roman, la plume de Gabriel Tallent, je ne sais pas si j'ai lu un chef-d’œuvre. J'ai lu un livre d'une absolue intensité, un livre fort que je ne suis pas prête d'oublier. Peut-être que c'est cela un chef-d’œuvre ?

Belle lecture !