jeudi 31 janvier 2019

Mon avis sur "Entre deux mondes" d'Olivier Norek

Avant son démantèlement, la jungle de Calais comptait entre huit et dix mille migrants provenant d'Afghanistan, du Darfour, de Syrie, d'Irak et d'Érythrée. Ces hommes, ces femmes et ces enfants qui ont eu la chance d'échouer au plein cœur de la Lande ont parcouru un long périple, ont connu la faim, la peur, l'innommable. Tous sont guidés par l'espoir d'une vie meilleure, plus humaine, loin des conflits et de l'horreur. Ils n'ont qu'un objectif, traverser la Manche pour se rendre vers cet Eldorado qu'est l'Angleterre. Mais parviendront-ils à concrétiser leur rêve ? 
Entre deux mondes, le dernier roman d'Olivier Norek nous offre une autre vision de ce no man's land, une vision de l'intérieur.

Fuyant un régime sanguinaire et un pays en guerre, Adam a envoyé sa femme Nora et sa fille Maya à six mille kilomètres de là, dans un endroit où elles devraient l'attendre en sécurité. Il les rejoindra bientôt, et ils organiseront leur avenir. Mais arrivé là-bas, il ne les trouve pas. Ce qu'il découvre, en revanche, c'est un monde entre deux mondes pour damnés de la Terre entre deux vies. Dans cet univers sans loi, aucune police n'ose mettre les pieds. Un assassin va profiter de cette situation. Dès le premier crime, Adam décide d'intervenir. Pourquoi ? Tout simplement parce qu'il est flic, et que face à l'espoir qui s'amenuise de revoir un jour Nora et Maya, cette enquête est le seul moyen pour lui de ne pas devenir fou. Bastien est un policier français. Il connaît cette zone de non-droit et les terreurs qu'elle engendre. Mais lorsque Adam, ce flic étranger, lui demande son aide, le temps est venu pour lui d'ouvrir les yeux sur la réalité et de faire un choix, quitte à se mettre en danger. 

Entre deux mondes est bien plus simple qu'un polar. Il est le témoignage d'une réalité cruelle qui se joue sous nos yeux, qui bouscule nos certitudes, qui souligne notre incapacité à enrayer ce drame humain.
Ancien humanitaire, lieutenant de police en disponibilité, petit-fils de migrant polonais, Olivier Norek s'est rendu dans la jungle de Calais. Durant trois semaines il a passé ses journées à observer ce qu'il s'y passait. Le soir, c'est auprès de ses collègues de la BAC qu'il était. 

Lors de la rencontre organisée en décembre dernier par les Editions Pocket, Olivier Norek nous a expliqué sa démarche. Au-delà de sa volonté de s'emparer d'un sujet d'actualité pour écrire un nouveau roman, au-delà de l'intrigue policière, il a cherché à créer un véhicule empathique pour humaniser toutes ces personnes qui ne sont vues que comme des migrants. Pour atteindre son objectif, l'auteur s'est posé sur une colline. Il a observé cette jungle. Son organisation. Son économie parallèle. Sa violence. Ses trafics. Observateur observé, Olivier Norek a pu non seulement créer un lien avec ces exilés mais également avec tous les autochtones. Ainsi, sous couvert de son roman, il restitue tour à tour le point de vue de la police, des migrants, des bénévoles, des habitants. 

Entre deux mondes est un roman réaliste qui mêle intrigue policière et actualité. Il témoigne des conditions de vie épouvantables et inhumaines des exilés, mais également de l'impuissance des forces de l'ordre, de la violence à laquelle tous sont confrontés. Entre deux mondes reste certes un roman, mais il est tellement criant de vérité, de sensibilité, qu'il ne peut qu'interpeller. Il est actuellement en cours d'adaptation au cinéma par Gilles Paquet-Brenner. 

Bien que la jungle ait été démantelée, le problème des migrants n'a pas été pas résolu pour autant. Aujourd'hui ce sont près de six à huit cents personnes qui déambulent dans Calais, qui espèrent toujours rejoindre l'Angleterre. Alors, qu'aurions-nous fait à leur place ?



Belle lecture !

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