dimanche 1 décembre 2019

Mon avis sur "Le bal des folles" de Victoria Mas

Le bal des folles publié chez Albin Michel est le premier roman de Victoria Mas. Et pour une toute première fois, elle fait fort cette jeune auteure. Elle a déjà remporté le Prix Renaudot des lycéens, le Prix Stanislas et le Prix Première Plume. Et qui dit premier roman, dit 68 premières fois, évidemment !

Chaque année, à la mi-carême, se tient un très étrange bal des folles. Le temps d’une soirée, le Tout-Paris s’encanaille sur des airs de valse et de polka en compagnie de femmes déguisées en colombines, gitanes, zouaves et autres mousquetaires.
Réparti sur deux salles - d’un côté les idiotes et les épileptiques ; de l’autre les hystériques, les folles et les maniaques - ce bal est en réalité l’une des dernières expérimentations de Charcot, désireux de faire des malades de la Salpêtrière des femmes comme les autres. Parmi elles, Eugénie, Louise, Thérèse et Geneviève.

Si vous vous demandez à quoi peu bien ressembler une hystérique, aucun doute, Le bal des folles est pour vous. Vous venez de décrocher un billet pour l’événement tant convoité du Tout-Paris à la mi-carême. Enfilez votre plus beau déguisement et venez assister à ce zoo costumé, venez observer toutes ces femmes qui pour la plupart ont commis l'unique erreur d'être sorties des sentiers battus. Et oui, c'est qu'à l'époque il était mal venu pour certaines femmes d'être excentriques, mélancoliques ou simplement d'exprimer leurs opinions, de révéler ce qu'il pouvait se passer dans l'intimité d'un foyer ou encore de tenir tête à la gent masculine. Toute récalcitrante malade ou non était enfermée d'autorité à la Salpêtrière. Le Professeur Charcot, figure imposante de l'hôpital, un brin sombre, homme inatteignable, pouvait alors s'adonner à des séances d'hypnose devant un public tout acquis à sa cause. Servir sa réputation plutôt que de chercher à guérir, tel était le but de ces séances. D'ailleurs à quoi bon vouloir soigner puisque ces femmes pour la plupart n'étaient même pas souffrantes ? Si elles souffraient, ce n'était que d'injustice, d'incompréhension.

Et c'est justement toute la démarche de Victoria Mas qui dénonce à travers Le bal des folles le peu de considération que la Société bourgeoise du XIXe siècle manifestait à l'égard des femmes. Néanmoins, elle a choisi de les mettre à l'honneur, cantonnant les hommes a un rôle secondaire. Ces hommes à l'esprit étroit semblaient avoir tellement peur des femmes, de leur corps qu'ils ne comprenaient pas, qu'ils préféraient les museler en les enfermant plutôt que d'avoir le courage de les affronter. Très en vogue à cette époque, Victoria Mas a introduit une part de fantastique dans sa narration pour évoquer le spiritisme. Celles  qui le pratiquaient étaient mises au ban, internées.

Le bal des folles est un premier roman particulièrement réussi. Le classicisme de l'écriture et des dialogues rendent sa lecture très agréable, le sujet de fond nécessairement révoltant et qui n'est pas sans rappeler un asile situé outre-manche où le vendredi les patients dansaient sous l’œil observateur du Dr Charles Fuller (vous aurez très certainement reconnu la référence à La salle de bal, d'Anna Hope) interpelle, marque les esprits et pas uniquement ceux qui font tourner les tables... 

Belle lecture !

mardi 19 novembre 2019

Mon avis sur "Cent millions d'années et un jour" de Jean-Baptiste Andréa

Découvert récemment avec son premier roman, Ma reine, Jean-Baptiste Andrea revient enchanter la rentrée littéraire avec un conte. Il nous propose de suivre une expédition paléontologique partie sur les traces hypothétiques du squelette d’un dragon perdu dans une montagne inaccessible. Les 68 premières fois ne pouvaient pas ne pas sélectionner Cent millions d'années et un jour publié aux Éditions l'Iconoclaste.

1954. C’est dans un village perdu entre la France et l’Italie que Stan, paléontologue en fin de carrière, convoque Umberto et Peter, deux autres scientifiques. Car Stan a un projet. Ou plutôt un rêve. De ceux, obsédants, qu’on ne peut ignorer. Il prend la forme, improbable, d’un squelette. Apatosaure ? Brontosaure ? Il ne sait pas vraiment. Mais le monstre dort forcément quelque part là-haut, dans la glace. S’il le découvre, ce sera enfin la gloire, il en est convaincu. Alors l’ascension commence. Mais le froid, l’altitude, la solitude, se resserrent comme un étau et entraînent l’équipée là où nul n’aurait pensé aller.

Cent millions d'années et un jour est le récit d'une quête insensée, de celle qui pousse un homme à vouloir réaliser coûte que coûte son rêve, de celle qui peut mener sur les sentiers de la gloire et de la reconnaissance éternelle, de celle qui nous fait toucher le divin du doigt. Avec son second roman, Jean-Baptiste Andrea nous embarque dans l'univers âpre d'un glacier franco-italien, de celui qui renvoie à sa propre solitude, celui qui impose une inévitable introspection. Dès lors, l'ascension ravive les souvenirs du paléontologue et c'est en écho que surgissent le premier trilobite, le chien bleu, le père violent appelé le Commandant, la mère malmenée par ce dernier mais adulée par son fils et toutes les humiliations. L'expédition se révèle alors comme un combat contre soi. Se prouver que l'on vaut le meilleur.

Cent millions d'années et un jour se ressent plus qu'il ne se décrit, c'est un huis clos tantôt doux et tendre comme un lever de soleil, d'autres fois dur et âpre comme un roc mais toujours cinglé par le vent, le froid, la rudesse des éléments, de quoi sombrer dans la folie. Toute la force de ce roman vertigineux réside dans le chemin que Jean-Baptiste Andrea nous fait parcourir. De sa plume cinématographique, poétique et sensible, il déplace les montagnes. Il nous transporte loin et haut, il transcende la lumière, nous recentre sur l'essentiel. 

Cent millions d'années et un jour est plus qu'un roman, c'est un conte. Quant à Jean-Baptiste Andrea, il est plus qu'un auteur, c'est un conteur. Écoutez-le ici, c'est poétique à souhait !

Belle lecture, beau voyage !

mardi 5 novembre 2019

Mon avis sur "Le détachement" de Jérémy Sebbane

Jérémy Sebbane est écrivain et scénariste. Il est l'auteur de deux romans Après quoi on court en voie d'adaptation au cinéma et plus récemment Le détachement. Il est également l'auteur d'un essai consacré à Pierre Mendès France, développe plusieurs films et une série politique. Il a été la plume de personnalités politiques comme Manuel Valls et Fleur Pellerin. Le détachement a été choisi dans la sélection de rentrée 2019 de 68 premières fois.

Depuis toujours, Juliette aime raconter des histoires. Maxime, son seul confident, l'écoute et fait semblant de la croire. Bienveillant, il sait qu'elle a souffert. Mais tout bascule entre les deux amis lorsque Maxime, à qui Juliette a narré durant des semaines une relation passionnée avec un dénommé Raphaël, découvre que ce dernier est mort le soir de sa rencontre avec la jeune fille. Juliette qui refuse de vivre dans le réel préfère croire que tout le monde se ligue contre elle pour nier son histoire d'amour avec Raphaël. Elle devient une veuve imaginaire, s'invente la vie qu'elle aurait pu avoir avec le défunt et va à la rencontre des proches du jeune homme qui n'ont jamais entendu parler d'elle. Fatigué des mensonges de son amie, Maxime se détache d'elle. Et si la solution était d'inventer un autre monde moins décevant que celui dans lequel ils évoluent ?

Le détachement est un roman à deux voix qui met en scène une amitié inconditionnelle entre deux jeunes gens. Elle, mythomane, va se révéler érotomane au gré des pages. Lui, une plume, va accéder à son rêve, devenir conseiller politique et être confronté à la violence de ce milieu sans pitié pour le non-énarque qu'il est. Elle se rêve en veuve éplorée d'un homme disparu qui ne l'a jamais connue, lui se rêve auteur d'un comédien qu'il admire secrètement, se rêve amant d'un jeune homme alors même qu'il n'assume pas son homosexualité. L'un comme l'autre trouve refuge dans leur bulle, leur imaginaire, plutôt que d'affronter la réalité. Tous deux sont immatures, en ont parfaitement conscience et se disent qu'ils grandiront plus tard.

Je ne vais pas vous mentir, d'abord j'y ai cru. Puis très vite mon mental m'a déconnectée de la réalité. J'étais passionnée par l'histoire que Jérémy Sebbane me racontait, j'étais attachée à Juliette et Maxime au point de ne faire qu'une comme eux. Impossible de lâcher ce livre. Très vite j'étais déjà ailleurs, dans le cabinet d'une psy, d'un ministre... et puis subitement j'ai grandi. C'est donc complètement détachée que j'ai tourné la dernière page. 

J'aurai aimé prolonger un peu la réalité, vous raconter des histoires... Bien que la plume de Jérémy Sebbane soit agréable, fluide, bien qu'il m'arrive parfois de tenter de rendre la vie plus jolie, bien que nous aurions pu nous aimer, je ne vais pas vous mentir, Le détachement ne m'a pas embarquée.

Belle lecture !

samedi 2 novembre 2019

Mon avis sur "Les jours de ton absence" de Rosie Walsh

Si Les jours de ton absence est le premier roman de Rosie Walsh, il est le quatrième de l'auteure. Et oui, auparavant elle publiait sous le pseudonyme de Lucy Robinson. Quels qu'aient été les motifs qui l'ont poussée à écrire sous un nom d'emprunt, Rosie Walsh n'a pas de craintes à avoir. Son premier roman est un véritable succès. Un best seller. Sa jolie couverture a sacrément circulé sur les réseaux sociaux. En cédant à la tentation, je n'avais qu'une crainte, être déçue et devoir écrire cette chronique sous un nom d'emprunt...

Sept jours d'idylle... Il aura suffi d'une semaine pour que s'inverse le cours de l'existence monotone de Sarah. Depuis qu'elle a rencontré Eddie, sur une petite route de campagne anglaise, la jeune femme est certaine qu'un bonheur sans nuages les attend. Sa vie débute enfin. Le jour où il lui annonce qu'il doit s'absenter pour un voyage prévu de longue date, Sarah n'a aucune inquiétude. Mais le temps passe et Eddie ne revient pas. La laisse sans nouvelles. Ne répond plus à ses messages. Rien. Alors que ses amis pensent qu'il n'est tout simplement pas intéressé, Sarah est persuadée qu'elle a manqué quelque chose. Que cache le silence d'Eddie ? Peu à peu, une explication se dessine. Mais Sarah est-elle prête à l'entendre ?

Défini comme une lecture d'été avec tous les préjugés qu'une telle expression peut recouvrir, Les jours de ton absence est un roman totalement addictif. Il l'est d'une part parce que l'intrigue est rondement bien menée, que les personnages sont attachants et d'autre part parce que l'auteure parvient parfaitement à nous manipuler. En effet, alors que l'on a la certitude d'avoir deviné ce qui est arrivé à Eddie et d'avoir compris ce qui l'a poussé à fuir,  au détour d'une page, l'auteure nous surprend et nous embarque dans une direction insoupçonnée. Dès lors, c'est conquis et encore plus attentionné que la lecture de ce roman se poursuit. Un véritable  page-turner. 

Loin d'être mièvre comme le laisse à penser l'utilisation du qualificatif "lecture d'été", Les jours de ton absence aborde des thèmes universels tels que l'amour, la famille, le deuil, le manque, la culpabilité mais également des thèmes d'actualité tels que le ghosting et la surveillance de la vie privée d'autrui via les réseaux sociaux. Par ailleurs s'il est vrai que Les jours de ton absence aurait pu verser dans le mélo, les clichés -même si je dois bien avouer il y en a quelques uns- il n'en demeure pas moins qu'il reste avant tout un roman d'intrigue bien ficelé. Quant à la plume de Rosie Walsh, elle est fluide, plaisante. Immersive elle nous révèle avec précision et justesse le mental des personnages.  

Quelle que soit la saison et puisque in fine il n'y en a pas pour s'adonner à la lecture, je vous recommande Les jours de ton absence pour sa délicate couverture colorée mais surtout pour son intrigue qui mêle suspense, drame et amour.

Belle lecture !

mardi 29 octobre 2019

Mon avis sur "À crier dans les ruines" d'Alexandra Koszelyk

Alexandra Koszelyk est professeure de français, latin et de grec ancien. Elle est aussi blogueuse littéraire et organise des ateliers d'écriture. De l'atelier à la publication il n'y avait qu'un pas que l'auteure a franchi en prenant à témoin Aragon, À crier dans les ruines.

Tchernobyl, 1986. Léna et Ivan sont deux adolescents qui s’aiment. Ils vivent dans un pays merveilleux, entre modernité triomphante et une nature bienveillante. C’est alors qu’un incendie, dans la centrale nucléaire, bouleverse leur destin. Les deux amoureux sont séparés. Léna part avec sa famille en France, convaincue qu’Ivan est mort. Ivan, de son côté, ne peut s’éloigner de la zone, de sa terre qui, même sacrifiée, reste le pays de ses ancêtres. Il attend le retour de sa bien-aimée. Léna grandit dans un pays qui n’est pas le sien. Elle s’efforce d’oublier. Un jour, tout ce qui est enfoui remonte, revient, et elle part retrouver ce qu’elle a quitté vingt ans plus tôt.

À crier dans les ruines mêle drame écologique et drame humain. Une catastrophe nucléaire qui trouve son origine dans une succession d'erreurs tant technologiques, qu'humaines et qui conduira des milliers de personnes sur le chemin de l'exil. Tous ou presque se résignent à quitter leurs racines, à fuir cette terre irradiée devenue meurtrière. C'est donc le cœur en lambeau qu'ils abandonnent tout. Leur insouciance, leur culture, leurs amis. Ils se mettent alors en quête d'une nouvelle terre d'accueil et deviennent sans le savoir, des éco-réfugiés. Ils pensaient que cet éloignement serait temporaire, qu'ils reviendraient vite. Pour certains, il sera définitif. Pour d'autres, il durera plusieurs décennies. Dès lors, comment survivre à une telle épreuve ? Comment se reconstruire ? Léna et les siens ont tout quitté. Ils ont tout perdu, mais elle, elle aura perdu en plus son amour de jeunesse. Elle pensait le retrouver très rapidement, leur séparation aura duré vingt ans. Vingt longues années avant qu'elle ne se décide à fouler de nouveau le sol de sa terre natale. Vingt longues années avant de constater que même malmenée, la terre cicatrise, pardonne. La nature reprend toujours ses droits, elle renaît de ses cendres. 

Alexandra Koszelyk aborde la catastrophe de Tchernobyl à travers une famille et plus particulièrement le destin d'une jeune fille comme pour humaniser ce drame et ses conséquences. Il est question de déracinement, de résilience et de l'attachement viscéral à ses origines qui indéniablement nous y ramène. Elle évoque cette tragédie sans colère, sans haine, avec juste ce qu'il faut d'humanité, de sensibilité et de touches poétiques. Sa plume est fluide, agréable. À la fois très réaliste et légère comme des cendres. À crier dans les ruines est un premier roman digne des 68 premières fois. Ça tombe bien, il fait partie de la sélection de la rentrée d’automne 2019.

Belle lecture !

dimanche 27 octobre 2019

Mon avis sur "Les amers remarquables" d'Emmanuelle Grangé

Emmanuelle Grangé est comédienne. Elle a publié son premier roman, en 2017. Les amers remarquables est le second. Tout comme le premier, il est disponible chez Arléa et aborde le thème de la famille. Il fait partie de la sélection de la rentrée d’automne 2019 des 68 premières fois.

De son enfance, l’auteur garde le souvenir d’un grand appartement à Berlin, où son père est fonctionnaire international, la naissance d’un frère qui va bouleverser son quotidien de petite fille, des séjours en France pendant les vacances chez des grands-parents aimants, l’accent germanique des nurses qui se succèdent. Pourtant, dans toute cette banalité quelque chose détonne. La mère, fantasque, magnifique, amoureuse des rivages qui lui manquent tant, trop à l’étroit dans son rôle d’épouse de diplomate, ne peut s’empêcher de fuguer. Elle part, fuit l’appartement familial, laissant ses enfants et son mari. Elle revient cependant, jusqu’au jour où… Comment se construire, grandir, trouver des repères lorsque rien n’est jamais sûr, quand la peur de l’abandon plane sur l’impression de sécurité et de normalité ?

Les amers remarquables est une chronique familiale des années soixante à nos jours, mais c'est avant tout le portrait d'une mère fait par sa fille. Gabrielle, maman, ma mère, notre mère, a été amenée insidieusement à renoncer à ses rêves pour privilégier la réussite professionnelle de son mari corseté dans son costume de haut fonctionnaire expatrié à Berlin. Dès lors, Gabrielle, cette mère remarquable devient mélancolique. C'est par la natation qu'elle combattra ce sentiment et lorsque le crawl, l'océan ne suffisent plus, Gabrielle s'accordera un espace de liberté. Quand tout devient insupportable, elle fuit. Elle abandonne les siens, mais toujours elle revient. Marie-Emmanuelle, sa fille, le sait. Elle a beau savoir, elle ne peut grandir autrement qu'avec la peur chevillée au corps. La peur qu'un jour sa mère ne soit plus son amer, son repère, sa référence. Malgré tout, chaque fuite est pardonnée. Chaque abandon rapproche plus qu'il n'éloigne cette mère et sa fille ce, toute leur vie durant.

Les amers remarquables est une véritable déclaration d'amour d'une fille à sa mère. Il est aussi le témoignage d'une autre époque que l'on souhaiterait révolue, celle où les désirs des femmes étaient sacrifiés au profit du supposé bien-être de leur foyer. Sans pathos, sans jugement ni rancœur, Emmanuelle Grangé nous plonge dans l'intimité d'une famille, dans l'intimité de sa famille. Elle évoque le parcours d'une femme, celui de sa mère, cet être fantasque par survie, cette femme qu'elle aime tant, qu'elle a toujours observé et qu'elle comprend. 

Les amers remarquables est un roman infiniment tendre. Avec beaucoup de subtilité l'auteure pose un regard tantôt mélancolique, tantôt drôle. Le tout est harmonieux, savamment dosé. C'est simple, ce roman nous donne envie d’enfiler une robe verte, d'y épingler des fleurs jaunes puis de tout ôter pour apiquer une tête. Nager pour rejoindre cet amer, Les amers remarquables.

Belle lecture !

dimanche 20 octobre 2019

Mon avis sur "Soif" d'Amélie Nothomb

Il n'y a pas de rentrée littéraire qui vaille sans un nouveau roman d'Amélie Nothomb. Pour sa vingt-huitième rentrée, l'auteure nous revient avec le roman de sa vie, Soif. Il est disponible chez Albin Michel et sélectionné pour le Prix Goncourt.

"Pour éprouver la Soif, il faut être vivant." 
Soif raconte l’histoire de Jésus Christ quelques heures avant sa crucifixion. Amélie Nothomb lui donne voix et corps, mieux, elle nous propose une immersion totale dans son Esprit. Les voies du Seigneur ne seraient-elles plus impénétrables ?
Écrit à la première personne du singulier, Soif est une  invitation à la réflexion sur ce que signifie avoir un corps. "On n’apprend des vérités si fortes qu’en ayant soif, qu’en éprouvant l’amour et en mourant : trois activités qui nécessitent un corps." Sans corps, point de Soifpoint de sentiments, point de mort. Après une parodie de justice, condamné à mort, Jésus est jeté en prison, il se livre alors à une introspection et à une analyse de ce qu'il a vécu et ce qu'il a réalisé. Loin d'être un Sage, Jésus se présente avec ses défauts et ses qualités. Ne serait-il qu'un homme comme les autres ? Il se dit faux calme, épicurien, amoureux de Marie-Madeleine. Serait-il L'homme qui devint Dieu comme l'a écrit en 1988 Gérald Messadié ? 

Toujours est-il qu'Amélie Nothomb le rend  profondément humain, son corps et sa souffrance, les relie à l'humanité. Ce Jésus selon Sainte Amélie se pose des questions existentielles et nous incite à nous en poser et c'est là tout le talent de l'auteure. Sous couvert de quelques bons mots d'humour et de ce qui peut être reçu comme de la dérision, elle interpelle, elle questionne sur la foi, sur cette haine du corps que la religion se plaît à entretenir, sur le sens de la vie, sur ce qu'il y a de plus important, l'amour, l'amour de son prochain mais également l'amour charnel. 

Bien que Soif  ne compte que cent soixante-deux pages, il est d'une telle densité qu'il est difficile d'en parler comme d'un simple roman. Il est bien plus que cela. Il est brillant, intelligent, percutant. S'il est vrai qu'un roman n'est pas parole d'Évangile, il faut lire Soif, le contraire serait un sacrilège. Allez-y, puisqu'on vous dit que c'est divin.

Belle lecture !

mardi 15 octobre 2019

Mon avis sur "Tous tes enfants dispersés" de Beata Umubyeyi Mairesse

Née d’une mère rwandaise et d’un père polonais, Beata Umubyeyi Mairesse a grandi à Butare, au sud du Rwanda. Lors du génocide des Tutsi, elle échappe à la mort. En passant par le Burundi voisin, Beata et sa mère arrivent en France le 5 juillet 1994. Hypokhâgneuse elle a publié des recueils de nouvelles et de poèmes avant d'écrire son premier roman, Tous tes enfants dispersés, édité chez Autrement et sélectionné par les 68 premières fois.

Peut-on réparer l'irréparable, rassembler ceux que l'histoire a dispersés ? Blanche, rwandaise, vit à Bordeaux après avoir fui le génocide des Tutsi de 1994. Elle a construit sa vie en France, avec son mari et son enfant métis Stokely. Mais après des années d'exil, quand Blanche rend visite à sa mère Immaculata, la mémoire douloureuse refait surface. Celle qui est restée et celle qui est partie pourront-elles se parler, se pardonner, s'aimer de nouveau ? Stokely, lui, pris entre deux pays, veut comprendre d'où il vient. 
Ode aux mères persévérantes, à la transmission, à la pulsion de vie qui anime chacun d'entre nous, Tous tes enfants dispersés porte les voix de trois générations tentant de renouer des liens brisés et de trouver leur place dans le monde d'aujourd'hui. 

Sur fond de génocide, Tous tes enfants dispersés mêle les voix de  la grand-mère, la fille et le petit-fils pour raconter la tragédie rwandaise et ses conséquences psychiques, sur l'identité et la construction de soi. Rescapée du génocide Tutsi, la fille, Blanche, une métisse, a fui et vit à Bordeaux. Quelques années plus tard, elle rebrousse chemin et se rend dans son village d'enfance pour se confronter à ses fantômes et au silence de sa mère.

Loin d'être un énième livre sur le génocide, Tous tes enfants dispersés est avant tout un roman qui raconte comment la Grande Histoire impacte les liens du sang, comment elle disperse les membres d'une famille, comment elle conduit à la perte d'identité et à l'absence de transmission des traumatismes entre les générations. Au fil des pages, grâce aux mots et à la littérature, aux  allers-retours entre passé et présent, ici et là-bas, les maux, les rancœurs s’estompent, la famille semble être reprisée.

La plume de Beata Umubyeyi Mairesse est aérienne, poétique. La description de son pays natal, de son village est aussi flamboyante que ce jacaranda sous lequel mère et fille tentaient de prendre racine. Pour autant, je ne suis pas parvenue à m'ancrer à cette famille, à me laisser embarquer par la musicalité des mots de l'auteure. Je leur suis restée étrangère.

Belle lecture !

jeudi 10 octobre 2019

Mon avis sur "Rhapsodie des oubliés" de Sofia Aouine

Après des études de lettres modernes, Sofia Aouine est devenue reporter et documentariste. Quand elle était enfant, son père, travailleur de nuit, s’estimant incapable d’élever seul sa fille, la confiait à l’Assistance publique en 1980. C’était une procédure de placement volontaire dont elle est sortie en 1998. Rhapsodie des oubliés est son premier roman.

Abad a treize ans, il vit rue Léon, dans le quartier de Barbès, la Goutte d'Or, Paris XVIIIe. Il est malicieux et turbulent et rêve d’un avenir meilleur. La sève coule, le cœur est plein de ronces, l'amour et le sexe torturent la tête. Mais dans cette jungle urbaine où une population démunie et bigarrée tente tant bien que mal de cohabiter, ses aspirations sont vite reclassées au rang des illusions perdues. Pourtant, des échappées pour s’extirper de ce monde étouffant se dessinent et parmi elles, la découverte du désir et de la sexualité. Abad va donc devoir outrepasser les règles et en imposer d’autres pour réussir son apprentissage de la vie.

Rhapsodie des oubliés est un roman polyphonique à la croisée des tourments de la puberté et de la diversité d'un quartier populaire de Paris, celui de la Goutte d'Or. Un jeune garçon de treize ans témoigne de la vie vue de sa rue avec une odeur de poubelles. Il dépeint à la fois avec sarcasme et ce qui lui reste d'innocence, la dure réalité de ce monde cosmopolite qui l'entoure. Il ne devra sa résurrection qu'à la découverte du désir, du sexe et de la masturbation (la bagnette). Pour sauver ce qui peut encore l'être, cjeune garçon ira tâter l'aide sociale à l'enfance et sera sommé tous les mardis de rendre visite à la dame chargée d'ouvrir dedans, la psy.

Rhapsodie des oubliés c'est le récit de tranches de vie des habitants d'un quartier que l'on voudrait ne pas voir, de ceux qui utilisent leur corps pour survivre, de ceux qui se droguent pour rendre leur misère un peu plus supportable, de ceux qui hurlent parce qu'ils ne savent plus faire autrement, de ceux qui frappent pour décharger leur haine, de ces mômes qui préfèrent mater les seins des filles et jouer de la bagnette parce qu'ils n'ont plus que ça à faire pour tuer le temps. C'est dur, c'est cru, c'est abrupt, mais c'est la réalité de ce quartier.

Certainement parce qu'elle adoucit les mœurs, mais surtout parce qu'elle colle à cette jeunesse là, la musique telle que le rap, le hip-hop ou la soul, rythme les pages et l'écriture de Sofia Aouine. Dès lors, ce n'est qu'à voix haute que j'ai pu lire la première partie du roman. Loin d'être aisé, ce mode lecture combiné au langage familier voire cru, aux situations décrites, m'a quelque peu gênée. Rhapsodie des oubliés était pour moi la promesse non pas l'aube, (même si la référence à Romain Gary ou plus exactement à Émile Ajar soit présente tout au long du roman, tout comme celle à un autre Émile, Émile Zola), mais la promesse d'un moment inoubliable, la découverte d'une plume et d'une auteure singulière. Bien que la lecture de la seconde partie soit plus agréable notamment parce que la tendresse et l'humour du jeune Abad sont mis en avant, Sofia Aouine et moi, nous sommes ratées. Dommage j'aurais vraiment préféré que Rhapsodie des oubliés  soit pour moi inoubliable.

Belle lecture !

lundi 7 octobre 2019

Mon avis sur "La chaleur" de Victor Jestin

Victor Jestin est jeune. Il a vingt-cinq ans, est diplômé du Conservatoire européen d'écriture audiovisuelle et signe un étonnant premier roman, La Chaleur publié chez Flammarion. Et qui dit premier roman, dit sélection des 68 premières fois.

Oscar est mort parce que je l’ai regardé mourir, sans bouger. Il est mort étranglé par les cordes d’une balançoire. Ainsi commence ce court et intense roman qui nous raconte la dernière journée que passe Léonard, dix-sept ans, dans un camping des Landes écrasé de soleil. Cet acte irréparable, il ne se l’explique pas lui-même. Rester immobile, est-ce pareil que tuer ? Dans la panique, il enterre le corps sur la plage. Et c’est le lendemain, alors qu’il s’attend chaque instant à être découvert, qu’il rencontre une fille.

La Chaleur est l’histoire d’un adolescent, Léonard, étranger au monde qui l’entoure, un adolescent mal dans sa peau. Il ne sait pas jouer le jeu, celui de la séduction, de la fête, des vacances, et s’oppose, passivement mais de toutes ses forces, à cette injonction au bonheur que déversent les haut-parleurs du camping. La légèreté, Léonard ne connaît pas. D'ailleurs, il n'aime pas les vacances, la plage, le soleil et encore moins les jeunes de son âge, qu'ils soient de sexe féminin ou masculin. Il tue le temps comme il peut au camping. Léonard n'attend qu'une chose, que son calvaire prenne fin ce, d'autant plus depuis qu'il a traîné le corps d'Oscar et qu'il l'a enseveli sur la plage. Rien n'explique son geste surtout lorsque l'on sait que cet adolescent n'a fait que peu de bêtises en dix-sept ans. Léonard n'est pas un criminel. Il est plutôt du genre timide, mal dans sa peau. Heureusement, il ne reste plus qu'une journée de vacances avant de boucler les valises et d'oublier. Mais La chaleur assommante rend cette dernière journée interminable et insupportable.

La chaleur est un court roman puissant particulièrement angoissant. Il se lit d'une traite et quasiment en apnée tellement le suspense est fort. Et c'est là tout le talent de Victor Jestin. Tenir en haleine le lecteur, faire grossir cette boule qui prend le ventre, coupe le souffle. Au fil des pages, Léonard agace, énerve mais attendrit également tant ce jeune homme est mal dans sa peau et maladroit. Même si finalement il ne se passe pas grand chose, peu importe, l'essentiel est ailleurs. Il est dans l'ambiance oppressante qui monte crescendo et qui est servie par la plume de Victor Jestin. Bien que simple son écriture est particulièrement visuelle. Pas étonnant au vu de la formation de l'auteur. Impossible de ne pas imaginer les scènes, de ne pas entendre la musique. Il y a du Ozon, du Rohmer, du Hitchcock dans La chaleur. L'ambiance est si bien rendue que c'est poisseux et les viscères complètement nouées que l'on referme ce roman. Tout est là et c'est d'ailleurs la raison pour laquelle La chaleur figure dans les sélections du prix Renaudot, du prix Médicis et du prix Femina. 

Sous un soleil de plomb, quelque part dans un camping des Landes, un auteur est né. Belle lecture !

samedi 5 octobre 2019

Mon avis sur "L'Imprudence" de Loo Hui Phang

Née au Laos d'un père chinois et d'une mère vietnamienne, Loo Hui Phang a grandi en Normande où elle a suivi des études de lettres et de cinéma. Dramaturge, réalisatrice, scénariste, elle a publié une douzaine de bandes dessinées et romans graphiques auxquels le festival d’Angoulême a consacré une exposition en 2017. L'Imprudence est son premier roman et fait partie de la sélection automnale des 68 premières fois.

C’est une instinctive : elle observe, elle sent, elle saisit, elle invite, elle donne, elle jouit. Photographe, elle vit intensément, dans l’urgence de ses projets, de ses rêves, de ses désirs. Lorsque survient le décès de sa grand-mère au Laos, quitté à l’âge d’un an, elle prend l’avion pour Savannakhet, comme sa mère et son frère.
Là-bas, elle est étrangère. Pas tant en apparence qu’intimement : grandir en France lui a permis une indépendance, une liberté qui auraient été inconcevables pour une Vietnamienne du Laos. Son frère aîné brisé par l’exil peut-il comprendre cela ? Dans la maison natale, les objets ont une mémoire, le grand-père libère ses souvenirs, le récit familial se dévoile peu à peu. Plongée dans une histoire qui n’est pas la sienne, qui pourtant lui appartient, la jeune femme réapprend ce qu’elle est, comprend d’où elle vient et les différentes ardeurs qui la travaillent, qui l’animent.

L'Imprudence est un roman dense et charnel qui explore la question de l'exil, de l'identité culturelle et de l'intégration. L'héroïne accompagnée de sa mère et de son frère se rend au Laos pour faire ses adieux à sa grand-mère. Sur place, elle va découvrir une part de l'histoire familiale. À l'aide de photographies, d'anecdotes entrecoupées de silences, elle va mesurer le fossé culturel qui la sépare de ses parents, va comprendre l'origine du mal-être de ce frère avec lequel il est devenu impossible de communiquer. Ce n'est que mentalement qu'elle parviendra à s'adresser à lui. Au cours de ce séjour, elle va également nouer une relation plus intime avec ce grand-père qu'elle méconnaissait. Au gré des pages, l'héroïne chemine. Elle prend conscience de son imprudence pour étancher sa soif de liberté et de son réel territoire libre, son corps. Ce corps qu'elle offre à tout va et qui la rend insatiable. L'Imprudence est une quête, un retour salvateur aux racines. 

Malgré l'indéniable qualité d'écriture de Loo Hui Phang dont chaque mot semble soigneusement choisi, pesé, j'ai eu l'impression que l'auteure a souhaité instaurer une certaine distance avec le lecteur ou plus exactement qu’elle n'a pas su se départir d'une certaine pudeur. J'ai bien écrit "d'une certaine pudeur" parce côté pudeur, l'auteure n'a pas hésité à draper son héroïne d'une impudeur charnelle. 
À mon sens, l'emploi de la première et de la seconde personne du singulier selon que l'héroïne se dévoile ou qu'elle évoque son frère, ou encore le fait de ne pas nommer ses personnages, à l'exception cependant de cette grand-mère disparue, d'appeler ses parents,  père ou mère, son grand-père, grand-père auront suffi à me tenir éloignée de ma lecture. Comme s'il ne fallait surtout pas s'attacher. C'est dommage. Il m'a manqué la fibre émotionnelle pour que ma lecture soit vraiment complète. 

Quoi qu'il en soit, je n'oublie pas que L'Imprudence n'est que le premier roman de Loo Hui Phang. Belle lecture !

mercredi 2 octobre 2019

Mon avis sur "Les autres fleurs font ce qu'elles peuvent" d'Alexandra Alévêque

Alexandra Lévêque est journaliste. S'appuyant sur son expérience professionnelle, elle a publié en 2017 le récit de ces souvenirs de tournage de la série documentaire 21 Jours. Les autres fleurs font ce qu'elles peuvent est son premier roman. Un roman autobiographique découvert dans le cadre des 68 premières fois.

C'est pas Dieu possible d'être aussi conne. J'ai beau frapper la touche Eject de mon index, l'appareil ne veut rien savoir. Je pourrais m'y briser le doigt que cela n'y changerait rien. La cassette est là, sous mes yeux, coincée derrière le clapet en plastique transparent. La fonction lecture ne veut rien entendre non plus. La bande magnétique demeure immobile, agrippée aux bobines crantées comme si elle m'en voulait d'avoir mis près de trente ans à venir la récupérer. Sur l'étiquette verte derrière la paroi translucide, quelques mots écrits à la main il y a vingt-sept ans. A presque quarante ans, je pensais m'être suffisamment échauffée pour clore ce soir un lourd chapitre. Visiblement, mon antique ghetto-blaster en a décidé autrement. 

Les autres fleurs font ce qu'elles peuvent est le récit d'une quête. Pour devenir une adulte à part entière, Violette n'a pas d'autre choix que celui de récupérer une cassette. Pour que l'enfant qu'elle était grandisse en paix. 
Qu'il est douloureux, enfant, de perdre un être cher, un être fondateur. Mais n'est-il pas plus dévastateur d'être écarté des funestes célébrations ? Dès lors, comment comprendre, comment accepter l'inacceptable ? Comment se construire sur un tel néant ? 

Avec une infinie tendresse, Alexandra Alévêque évoque cette douleur, le cheminement de cette petite fille devenue malgré tout femme, du travail qu'elle a dû entreprendre pour enfin laisser partir ce père, et une fois ce chemin réalisé, accepter tout simplement de vivre quand bien même elle vivrait plus longtemps que lui. L'auteure alterne les chapitres écrits à la première et à la troisième personne, le passé et le présent, les souvenirs d'enfance et ceux plus récents. Le tout est harmonieux, parfaitement construit. Il y a du rythme, de la délicatesse, de la justesse et de l'émotion dans Les autres fleurs font ce qu'elles peuvent. Quant à la plume d'Alexandra Alévêque, elle est agréable, son style également. L'auteure n'a aucune volonté de faire pleurer, juste peut-être celle d'apporter un témoignage et de délivrer un message aux parents. Leur dire qu'à trop vouloir bien faire, ils finissent par faire mal. À trop vouloir protéger, ils détruisent. 

Les autres fleurs font ce qu'elles peuvent est un roman touchant, attendrissant qui une fois ouvert capture. Mais que peut donc contenir cette cassette tout droit venue d'un autre temps ?

Belle lecture !

lundi 30 septembre 2019

Hors Concours, le prix de l'édition qui n'a pas de prix

Tous les amoureux de la littérature le savent, Septembre est le mois de la rentrée littéraire, Novembre celui des prix. Goncourt, Renaudot, Femina, Interallié, Médicis... autant de prestigieuses récompenses qui en font rêver plus d'un. Mais saviez-vous que depuis 2016, il existe un autre prix ? Un prix qui n'a pas de prix, le Hors Concours


Ce prix met en valeur l’édition indépendante auprès du grand public et des professionnels du livre en récompensant chaque année l'auteur d'un roman ou récit francophone, publié par un éditeur indépendant. En 2017, le prix Hors Concours a donné la possibilité aux lecteurs de participer aux sélections en intégrant l'Académie des lecteurs, j'avais alors participé à cette aventure. Cette même année, l'Académie a créé le prix Hors Concours des lycéens. Proposé par les enseignants ou les documentalistes à leurs élèves, le prix Hors Concours des lycéens s'appuie sur la même sélection que le prix Hors Concours, seul le calendrier change car adapté au rythme scolaire.

Le prix Hors Concours décerne donc trois prix : le prix Hors Concours, la mention spéciale de l'Académie des lecteurs, le prix Hors Concours des lycéens.

Et côté sélection ? Chaque éditeur indépendant doit proposer un titre de littérature adulte paru entre le 1er mars de l’année précédente et le 1er octobre de l’année en cours. Le titre présenté doit être un ouvrage de création (pas de réédition), francophone (pas de traduction). Il doit être publié à compte d’éditeur (pas d’édition à compte d’auteur ou d’auto-édition) au sein du catalogue d'une maison d'édition indépendante (n'appartenant pas à un grand groupe d'édition ou de communication, de moins d'un million de chiffre d'affaires). Parmi les propositions, l'Académie en sélectionne quarante. Des extraits de ces 40 textes sont publiés dans la Bibliothèque Hors Concours laquelle est ensuite adressée au jury composé de cinq journalistes, de trois cents professionnels du livre et de deux cents lecteurs. La sélection 2019 se trouve ici

Pour ma part, après lecture  du recueil, j'ai voté pour les cinq romans suivants : 

Hors d'atteinte : Mehdi Charef
Le Lamantin : Gilles Sevastos
Le Passage : Jean-Baptiste Maudet
Rue de l’Échiquier : Géraldine Collet
Tusitala : Martin Mongin

Les cinq romans pour lesquels j'ai voté

Courant octobre l'Académie Hors Concours annoncera les cinq finalistes du prix Hors Concours 2019. Les cinq journalistes du jury liront les cinq œuvres complètes et choisiront lors d'une délibération à huis clos leur lauréat. Pendant ce temps, les professionnels du livre et l'Académie des lecteurs liront également les cinq ouvrages et voteront en ligne pour attribuer les mentions spéciales. C'est en décembre que l'Académie Hors Concours divulguera le lauréat du prix Hors Concours 2019 lors d'une Cérémonie à la Société des Gens de Lettres, soirée à laquelle sont conviés les éditeurs, les auteurs, les professionnels du livre et les lecteurs.

Quand on vous dit que le Hors Concours est un prix qui n'a pas de prix, aucun autre ne peut l'égaler.

Belle lecture !

Mon avis sur "Ásta" de Jón Kalman Stefánsson

Jón Kalman Stefánsson est un romancier, poète et traducteur islandais. Son oeuvre a reçu les plus hautes distinctions littéraires de son pays, il est l'un des auteurs les plus importants. Ásta est son sixième livre traduit. Il est disponible en format poche chez Folio que je remercie. Grâce à vous, j'ai découvert non seulement un auteur, une plume, mais également un univers.

Pour tromper le monde, je m’habille avec élégance chaque fois que je sors. J’allume mon sourire. Je maquille un peu ma tristesse puis je mets mes lunettes de soleil pour que personne ne remarque ton absence au fond de mes yeux.
Reykjavík, début des années 50. Sigvaldi et Helga décident de nommer leur fille Ásta, d’après une grande héroïne de littérature islandaise. Un prénom signifiant, à une lettre près, amour et qui, croient-ils, ne peut que porter chance à leur fille... Mais amour ne veut pas dire bonheur, et les sentiments ne sont pas éternels. 

Difficile de résumer Ásta. Les quasi cinq cents pages renferment le récit de sa vie narré par son père mourant. Ásta a jadis été jeune, mais est nettement plus âgée au moment où ces lignes ont été écrites ou, plutôt hâtivement griffonnées. Mais comment raconter l'histoire d'une personne sans présenter l'univers qui la voit naître, sans évoquer cette atmosphère, cet air du temps qui retient le ciel ? Ásta est tel un puzzle géant mêlant présent et passé. On y croise outre ses parents, Sigvaldi et Helga qui se sont aimés passionnément des décennies durant, sa nourrice, sa sœur, sa famille, celles et ceux qu'elle a rencontrés, qu'elle a aimés. On traverse les époques, les lieux, les ambiances. Rien n'est linéaire. On emprunte des chemins incertains. On avance et recule. Nous vivons en même temps à toutes les époques.

Difficile de restituer son ressenti tant ce roman est singulier, lyrique, charnel. Ásta est un roman envoûtant à l'instar de l'Islande. Pour l'apprécier à sa juste valeur, il faut accepter de se laisser porter par la narration, faire confiance à Jón Kalman Stefánsson qui a intelligemment construit son récit. Ásta raconte la vie ordinaire, l'urgence autant que la difficulté d'aimer malgré notre quête du bonheur.

Do I love you, do I ? Il est difficile de trouver plus grande question. Celle-là a sans doute la taille du soleil, ou peut-être d'un astéroïde incandescent qui s'apprête à tomber sur terre... (p. 151)

Un conseil, laissez-vous gagner par la plume à la fois mélancolique et intense de ce conteur d'exception qu'est Jón Kalman Stefánsson.

Belle lecture !

dimanche 29 septembre 2019

Mon avis sur "L'éternel printemps" de Marc Pautrel

Marc Pautrel est l'auteur de nombreux romans. Il publie en cette rentrée littéraire L'éternel printemps. Un court roman publié chez Gallimard que je remercie ainsi que son éternel complice, Babelio.

Il est auteur, elle est libraire. Ils se sont rencontrés lors d'un déjeuner entre amis. Elle a près de dix ans de plus que lui. Elle n'a personne dans sa vie actuellement. De son côté, elle sait qu'il est séparé. Elle a été mariée, a divorcé, n’a pas d’enfants. Elle sort peu, mais elle aime aller au restaurant. Parler sans fin en mangeant est également un de ses grands plaisirs.
De déjeuners en promenades, ils apprécient échanger sur tout, sur rien, sur les livres, l'écriture, les généralités, leur intimité. La chaleur de la ville est étouffante, suffocante. 

L'éternel printemps est un monologue de cent douze pages. Au fil de longues discussions le narrateur tombe sous le charme de cette femme plus âgée, pas vraiment belle, mais terriblement attirante. Ils partagent l'amour des mots, des livres. Les jours passent. Ils échangent d'abord dans sa librairie à elle puis autour de déjeuners et enfin de dîners. Malgré la chaleur écrasante, ils marchent  comme ils discutent. Côte à côte. Sans but. Au gré de leurs promenades, une relation platonique s'installe. Inlassablement il la courtise, inlassablement elle esquive tout rapprochement. Il parviendra cependant à la ramener jusqu'à sa porte, sans toutefois la franchir. Si le printemps auprès de cette femme débordant de joie et d'énergie est éternel, ces discussions et rencontres peuvent-elles vraiment s'éterniser ? 

Marc Pautrel cultive l'art de la conversation à la française et de la séduction. La rondeur de son écriture poétique nous enveloppe jusqu'à nous faire oublier la passivité de cet amour naissant. Sa plume est aussi légère qu'un nuage, aussi douce qu'une caresse. L'éternel printemps se déguste plus qu'il ne se dévore. Au fil des pages, on se laisse gagner par cette chaleur qui envahit les corps et les cœurs.

Douce lecture !

samedi 28 septembre 2019

Mon avis sur "Baïkonour" d'Odile d'Oultremont

Après un premier roman qui a reçu en 2018 le prix de la Closerie des Lilas, Odile d'Oultremont revient avec un second roman, Baïkonour. Il est publié aux Éditions de l'Observatoire et fait partie de la sélection de la rentrée d’automne 2019 des 68 premières fois.

Anka vit au bord du golfe de Gascogne, dans une petite ville de Bretagne offerte à la houle et aux rafales. Fascinée par l'océan, la jeune femme rêve depuis toujours de prendre le large. Jusqu'au jour où la mer lui ravit ce père qu'elle aimait tant : Vladimir, pêcheur aguerri et capitaine du Baïkonour.
Sur le chantier déployé un peu plus loin, Marcus est grutier. Depuis les hauteurs de sa cabine, à cinquante mètres du sol, il orchestre les travaux et observe, passionné, la vie qui se meut en contrebas. Chaque jour, il attend le passage d'une inconnue. Un matin, distrait par la contemplation de cette jeune femme, il chute depuis la flèche de sa grue et bascule dans le coma. 
Quelque part entre ciel et mer, les destins de ces deux êtres que tout oppose se croiseront-ils enfin ?

Baïkonour est un roman entre ciel et mer, entre hauteur et profondeur. Grâce à sa plume aérienne, Odile d'Oultremont aborde toute en subtilité, douceur et mélancolie notre rapport au deuil, à l'héritage et à la renaissance ce, à travers des portraits de gens ordinaires. Le tout est baigné par la houle du Golfe de Gascogne. Baïkonour nous ballotte sur mer et dans les airs. Les personnages centraux que sont Anka et Marcus sont délicatement touchants. L'une l'est parce que bouleversée par la perte de ce père que la mer a englouti, par cette mère qui se réfugie dans le déni. L'autre l'est en raison de sa timidité qui le fera trébucher et le mènera inerte sur un lit d’hôpital. Entre ciel et mer il y a la terre. C'est donc là que deux êtres se trouveront, parviendront-ils ensemble à un certain bonheur ?

Et justement, du bonheur il y en a dans BaïkonourBercée par les flots, par les mots, par la poésie d'Odile d'Oultremont, j'ai aimé me promener cheveux au vent sur le port de cette petite ville de Bretagne, côtoyer ces marins pêcheurs, enfiler une blouse à fleurs, me faire chahuter par ces bourrasques du haut de cette grue de chantier. Au fil des pages, l'iode, l'odeur de soupes, de l'ammoniaque, de l’éther m'ont enveloppée. Puis, lorsque l'horizon s'est éclairci, je suis partie.

Beau voyage, belle lecture !

jeudi 26 septembre 2019

Mon avis sur "Animal" de Sandrine Collette

J'en avais envie, Polar'Osny l'a fait. En effet, voici quelque temps que je voyais passer son nom, que son univers semblait faire mouche auprès des lecteurs, alors lorsque dans le cadre du festival du roman policier qui se déroulera à Osny du 12 au 30 novembre prochain, on m'a demandé de chroniquer un des auteurs parmi les invités. Sans hésitation, j'ai choisi Sandrine Collette. Animal est son dernier et septième roman. Ambiance...

Dans l’obscurité dense de la forêt népalaise, Mara découvre deux très jeunes enfants ligotés à un arbre. Elle sait qu’elle ne devrait pas s’en mêler. Pourtant, elle les délivre, et fuit avec eux vers la grande ville où ils pourront se cacher. Elle les a baptisés Nin et Nun. 
Vingt ans plus tard, dans une autre forêt, au milieu des volcans du Kamtchatka, débarque un groupe de chasseurs. Parmi eux, Lior, une Française. Comment cette jeune femme peut-elle être aussi exaltée par la chasse, voilà un mystère que son mari, qui l’adore, n’a jamais résolu. Quand elle chasse, le regard de Lior tourne à l’étrange, son pas devient souple. Elle semble partie prenante de la nature, douée d’un flair affûté, dangereuse. Elle a quelque chose d’animal. Cette fois, guidés par un vieil homme à la parole rare, Lior et les autres sont lancés sur les traces d’un ours. Un ours qui les a repérés, bien sûr. Et qui va entraîner Lior bien au-delà de ses limites, la forçant à affronter enfin la vérité sur elle-même.

Animal est un roman qui réunit noirceur et tension. Dès les toutes premières pages Sandrine Collette plonge le lecteur dans une jungle faite de misère et d'un ailleurs. Une singulière cellule familiale se compose pour se décomposer quelques pages plus loin. Vingt ans ont passé. Le lecteur impuissant est propulsé en Extrême-Orient russe et assiste à une grande chasse. Une femme et un groupe d'hommes traquent l'ours à moins que ce ne soit l'inverse. Animal et humains se jaugent, se défient. L'hostilité de l'environnement naturel à laquelle s'ajoute la détermination à exterminer la bête révèlent l'animalité de l'Homme. Si les grands espaces sont généralement propices au voyage intérieur et à une certaine quiétude, Sandrine Collette n'hésite pas à démontrer que la traque de l'Animal qu'il soit ours ou tigre, peut faire surgir une quête. Et si Lior, cette femme que la chasse rend méconnaissable, ne poursuivait pas qu'un animal sauvage, si cet univers la propulsait vers un ailleurs plus sombre pour l'aider à dépasser ses peurs et ses traumatismes ?

Animal met en lumière l'intelligence et l'humanité des animaux pour mieux décortiquer la nature humaine capable d'animalité. Sous la plume acérée de Sandrine Collette, l'être humain devient Animal, l'Animal devient humain.

Puisque la chasse est ouverte, avant d'aller traquer le gibier un conseil, lisez Animal.

Belle lecture !

jeudi 19 septembre 2019

Mon avis sur "L'homme qui n'aimait plus les chats" d'Isabelle Aupy

L'homme qui n'aimait plus les chats est non seulement le premier roman d'Isabelle Aupy, mais également le premier roman publié par Les éditions du panseur, toute nouvelle maison d'édition.  Enfin, c'est le premier roman reçu dans le cadre de la saison automnale 2019 des 68 premières fois. Que de premières ! 

Imaginez une île avec des chats. Des domestiqués, des pantouflards et des errants, qui se baladent un peu chez l'un, un peu chez l'autre, pas faciles à apprivoiser, mais qui aiment bien se laisser caresser de temps en temps. Et puis aussi, des qui viennent toujours quand on les appelle, des qui s'échappent la nuit pour funambuler sur les toits, d'autres qui rentrent au contraire pour se blottir contre soi.
Sur cette île point de chiens, enfin si peu que ça ne comptait pas. Et puis, sans qu'on le voie vraiment d'ailleurs, les chats ont disparu.

Dans L'homme qui n'aimait plus les chats, il y a ce goût de sel et d'embruns, ce vent qui met la pagaille et donc remet tout en ordre. Il y a la voix de ce vieil homme qui nous raconte son histoire et celle des autres, qui parle de vivre ensemble, mais surtout qui cherche ses mots aux accents de son émotion pour comprendre un monde où le langage se manipule pour changer les idées. 

Intelligemment construit, à travers une énigme et des figures métaphoriques, ce court roman fait écho à notre Société. Il interpelle et amène subtilement le lecteur à s'interroger sur la notion de liberté, de différence et de manipulation. Ce n'est d'ailleurs pas par hasard que le chat, animal domestique indépendant, a été introduit sur une île pour tenir compagnie aux insulaires. De même que ce n'est pas par hasard qu'une fois disparus les chats sont remplacés par des chiens, enfin des "non-chiens". De la liberté à l’aliénation, n'y aurait-il qu'un pas ? L'homme qui n'aimait plus les chats est le récit d'un vieil homme qui à première vue semble décousu, invraisemblable, mais qui au fil des pages prend forme, fait sens. Entre conte et dystopie, ce premier roman est original et subtil. Isabelle Aupy manie la plume et les mots avec poésie et tout en finesse. 

Différence et exigence sont le leitmotiv des éditions du panseur. Ils affirment vouloir proposer aux lecteurs un voyage où chaque livre est une avancée sur une route sinueuse faite de courbes douces comme de virages serrés ; où chaque histoire est une traversée parsemée d’obstacles à dépasser, contourner ou briser ; où chaque rencontre est une surprise. L'homme qui n'aimait plus les chats c'est tout cela à la fois. Les "sans-chiens", les "avec-chats" s'expriment, s'opposent, se rencontrent. 

Ce premier roman est un objet singulier. Son design, sa couverture méritent à eux seuls qu'on s'y attarde. Puis viennent les mots. Le tout nous fait ronronner de plaisir. L'homme qui n'aimait plus les chats a reçu le prix "Coup de foudre" aux Vendanges littéraires de Rivesaltes. Quelle première fois !

Belle lecture !

jeudi 12 septembre 2019

Mon avis sur "L'Américaine" de Catherine Bardon

Rappelez-vous, il y a quelques semaines, un souffle romanesque m'embarqua de Vienne à Sosùa en République dominicaine. C'était avec Les déracinés le premier opus de cette saga familiale. L'Américaine n'est autre que la suite du primo roman de Catherine Bardon. Inutile d'avoir lu le premier pour se plonger dans le second. Néanmoins au vu des nombreux analepses, il est tout de même conseiller de les découvrir dans l'ordre de leur publication.

Septembre 1961. Depuis le pont du bateau sur lequel elle a embarqué, Ruth tourne le dos à son île natale, la République dominicaine. 
En ligne de mire : New York, l’université, un stage au Times. Une nouvelle vie… Elle n’en doute pas, bientôt elle sera journaliste comme l’était son père, Wilhelm.
Ruth devient très vite une véritable New-Yorkaise et vit au rythme du rock, de l’amitié et des amours. Des bouleversements du temps aussi : l’assassinat de Kennedy, la marche pour les droits civiques, les frémissements de la contre culture, l’opposition de la jeunesse à la guerre du Viêt Nam…

Mais Ruth, qui a laissé derrière elle les siens dans un pays gangrené par la dictature où la guerre civile fait rage, s’interroge et se cherche. Qui est- elle vraiment ? Dominicaine, née de parents juifs autrichiens ? Américaine d’adoption ? Où va-t-elle construire sa vie, elle dont les parents ont dû tout fuir et réinventer leur existence ? Trouvera-t-elle la réponse en Israël où vit Svenja, sa marraine ?

Ecrire une suite après un premier roman qui plus est lorsqu'il a été très bien accueilli par les lecteurs, est un exercice difficile et particulièrement risqué. Catherine Bardon a su relever le défi. Bien que L'Américaine soit de mon point de vue un peu en deçà du premier opus, notamment parce qu'il est moins rythmé, moins romanesque, c'est avec plaisir que j'ai retrouvé ceux qui ont fait Les déracinésEntrelaçant encore une fois petite et grande histoire, explorant la question de l’exil et de la quête des racines, Catherine Bardon  nous livre à travers le parcours de Ruth une radiographie des États-Unis des années 1960, tout en poursuivant l'histoire d'Almah, de Frédérick, d'Aaron, Myriam, Svenja, Markus et les autres...

Si de prime abord les thèmes explorés par l'auteure semblent similaires d'un roman à l'autre, il convient de souligner que l'exil de Ruth aux Etats-Unis après le décès de son père est volontaire et qu'à aucun moment il ne s'impose à elle en raison de faits extérieurs. Si cette jeune femme tout juste sortie de l'adolescence ressent le besoin de rompre avec les siens c'est uniquement pour répondre à une question existentielle qui la taraude. Qui est-elle ?Née en République dominicaine de parents juifs autrichiens, parachutée à New York, Ruth est perdue. Est-elle juive, dominicaine, américaine ? S'exiler sera pour elle non seulement l'occasion de convoquer le passé de ses parents pour mieux le comprendre mais surtout pour trouver son identité. Mais si Ruth choisit de s'éloigner des siens, c'est également pour exister indépendamment de sa mère, cette femme flamboyante au destin si singulier, cette femme qu'elle a mis sur un piédestal.
Partir non pas pour fuir, mais partir pour se trouver, telle est la démarche de Ruth, telle est la thématique de L'Américaine.

Catherine Bardon a réussi ce pari fou mais pas impossible de convoquer le passé des parents pour aider la fille à mieux définir son futur. Elle fait du second opus, L'Américaine, un roman miroir du premier, Les déracinés. Bien qu'un peu moins exaltant, moins fouillé d'un point de vue historique L'Américaine reste un roman plaisant à lire. On y croise énormément de personnages, ceux qui ont fait Les déracinés mais également ceux qui ont fait l'Amérique tels Marilyn Monroe,  John Fitzgerald Kennedy, Martin Luter King, les hippies, les Rock Stars... 

Dans L'Américaine, petite et grande histoire se mêlent, s'emmêlent, s'entremêlent pour mieux dénouer celle d'une famille d'exilés qui finira par poser ses valises sur une parcelle de terre, un petit bout de paradis.

Belle lecture et pour ma part, j'adresse tous mes remerciements à la plateforme NetGalley et aux Éditions Les Escales.