mercredi 31 octobre 2018

Mon avis sur "Changer l'eau des fleurs" de Valérie Perrin

Après le succès de son premier roman, Valérie Perrin nous revient avec Changer l'eau des fleurs. Elle a remporté en mai dernier, le Prix Maison de la Presse 2018. Ce prix créé en 1970 a notamment récompensé René Barjavel, Irène Frain, Michel Déon, Jean Teulé, Daniel Pennac ou encore Philippe Besson. Autant dire que Valérie Perrin fait une entrée particulièrement remarquée dans le cercle très fermé de la littérature.

Après avoir été garde-barrière, Violette Toussaint est devenue garde-cimetière dans une petite ville de Bourgogne. Les gens de passage et les habitués viennent se réchauffer dans sa loge où rires et larmes se mélangent au café qu’elle leur offre. Son quotidien est rythmé par leurs confidences. Un jour, parce qu’un homme et une femme ont décidé de reposer ensemble dans son carré de terre, tout bascule. Des liens qui unissent vivants et morts sont exhumés, et certaines âmes que l’on croyait noires, se révèlent lumineuses.

Aucun doute, Valérie Perrin a le pouvoir de rendre l'obscurité lumineuse. Elle parvient à remplir de vie, d'humanité ces dernières demeures qui abritent ces chers disparus. Elle prend le temps. Le temps d'installer ses personnages, de nous dévoiler leur côté sombre pour ensuite nous révéler au gré des pages leur véritable personnalité. Violette est une femme éprouvée par la vie. Née sous X, elle n'a qu'une peur, celle de l'abandon. Alors lorsqu'elle rencontre Philippe, celui qui deviendra son conjoint, elle fermera les yeux sur tous ses écarts par crainte de le perdre. Ironie du sort, c'est justement la perte d'un être cher qui va conduire Violette à Changer l'eau des fleurs, à veiller avec empathie sur le cimetière communal, ses occupants et ses visiteurs pour finalement la guider vers un avenir meilleur.

Indéniablement, Changer l'eau des fleurs est un roman touchant essentiellement parce qu'empreint d'humanité et de sensibilité. Résolument optimiste, sa lecture n'en n'est que plus agréable ce, malgré quelques petites longueurs. Quant à la plume de Valérie Perrin, elle est simple, sensible, poétique. Ce roman est une ode à la vie et au bonheur simple. En cette veille de Toussaint, je ne peux que vous encourager à le découvrir.

Belle lecture !

lundi 29 octobre 2018

Mon avis sur "Les délices de Tokyo" de Durian Sukegawa

Il y a des livres qui fondent en bouche telle une sucrerie. Les délices de Tokyo est de ce genre là. Tellement doux et poétique qu'il a remporté le Prix des Lecteurs du Livre de Poche 2017 et qu'il a été adapté au cinéma par Naomi Kawase. Présenté au Festival de Cannes en 2015, cette adaptation a été saluée par la critique.

Sentarô, sort de prison. Taciturne, il tient une échoppe et vend des dorayakis, ces pâtisseries japonaises fourrées d’une pâte de haricots rouges. Depuis qu’il a embauché Tokue, une vieille femme aux doigts mystérieusement déformés, il voit sa clientèle doubler du jour au lendemain, conquise par ses talents de pâtissière. Mais la vieille dame cache un secret moins avouable et disparaît comme elle était apparue, laissant Sentarô interpréter à sa façon la leçon qu'elle lui a fait partager, "Écouter la voix des haricots".

C'est une véritable invitation au voyage sensoriel au pays du soleil levant que nous livre Durian Sukegawa. L'odeur du an (pate de haricot rouge sucrée) chatouille nos narines, les dorayakis réveillent nos papilles. Les délices de Tokyo est une ode à la pâtisserie japonaise et à ses saveurs sur fond de rencontre entre un jeune homme et une vieille femme. Tous deux ont été blessés par la vie. La maladie, la rumeur, l’exclusion, l’injustice ont anéanti leurs rêves jusqu’au jour où leurs destins se croiseront. De l’écoute, de la découverte de l’autre et du dépassement des a priori naîtra une belle histoire d’amitié. 

Tout en douceur et en subtilité, Durian Sukegawa transforme une simple recette de cuisine en véritable leçon de vie, de philosophie. Les délices de Tokyo est un roman simple et aussi délicat qu'un pétale de cerisier japonais. Empreint de poésie, il se déguste avec lenteur. Il est tout simplement savoureux.

Belle lecture !


Les délices de Tokyo de Naomi Kawase


mercredi 24 octobre 2018

Mon avis sur "Les prénoms épicènes" d'Amélie Nothomb

Il n'y a pas de rentrée littéraire qui vaille sans un nouvel opus d'Amélie Nothomb et voici vingt-six ans que ça dure. Cette année, la dame au chapeau nous propose Les prénoms épicènes, ceux qui siéent aussi bien aux filles qu'aux garçons. 

Quand Claude rencontre Dominique à la terrasse d'un café, il n'a qu'une obsession, l'épouser et fonder une famille. Tous deux ont un point commun, leur prénom ne spécifie pas de quel sexe ils sont. Ils portent des prénoms épicènes. Alors quand Dominique apprend qu'elle est enceinte, rien de plus naturel que de vouloir baptiser  cet enfant qu'il s'agisse d'un garçon ou d'une fille, Épicène. Ce sera une fille. Une fille dont Claude se détournera très vite, à qui il ne manifestera aucun amour. Une fille qui n'aura de cesse de vouloir se venger de son père, notamment lorsqu'elle se rendra compte qu'elle a perdu sa meilleure amie du fait de ce dernier. 

Les prénoms épicènes est un conte sur fond de vengeance. C'est par le prisme des relations père - fille et des relations homme - femme qu'Amélie Nothomb aborde cette thématique. Impossible néanmoins de ne pas faire le rapprochement avec Frappe-toi le cœurtant la résonance est forte. En effet, l'opus paru l'an dernier traitait des relations mère - fille, notamment d'une fille qui n’était pas aimée par sa mère et qui ne s’autorisait pas de ne pas aimer cette dernière. Cette année, il est encore question d’une fille qui n’est pas aimée de son père, qui s’autorise pleinement à le détester et même à se venger de lui. C’est là toute la différence. De vengeance il est encore question. C'est ce sentiment qui aura guidé vingt ans durant, le projet de vie de ce père. La vengeance est certes un plat qui se mange froid, mais à ce rythme là, c'est glacée qu'elle va se déguster.

Si on se délecte toujours des contes d'Amélie Nothomb, tant son écriture et sa répartie sont vives, si on tourne les pages goulûment comme on savoure un bon plat, cette année, on reste un peu sur sa faim. En effet, Les prénoms épicènes ont comme un air de réchauffé. De surcroît, cet opus est tellement court (que 162 pages !), que l'on a l'impression d'être rationné. Vivement l'année prochaine que l'on soit rassasié. En attendant, n'oubliez pas de méditer sur la morale de cette histoire, La personne qui aime est toujours la plus forte. Voilà, c'est dit.

Belle lecture !

mardi 23 octobre 2018

Mon avis sur "Les fantômes du vieux pays" de Nathan Hill

Les fantômes du vieux pays, premier roman de Nathan Hill a nécessité plus de dix ans d'écriture. Encensé par la critique Outre-Atlantique, il a remporté le L.A. Times Book prize for first fiction. Publié dans trente pays à travers le monde, ce sont les Éditions Gallimard qui ont acquis les droits pour la France. Les fantômes du vieux pays est maintenant disponible au format poche chez Folio.

Scandale aux États-Unis : le gouverneur Packer, candidat à la présidentielle, a été agressé en public par une femme de soixante et un ans qui devient une sensation médiatique. Samuel Anderson, professeur d’anglais à l’Université de Chicago, reconnaît alors à la télévision sa mère, qui l’a abandonné à l’âge de onze ans. Et voilà que l’éditeur de Samuel, qui lui avait versé une avance rondelette pour un roman qu’il n’a jamais écrit, menace de le poursuivre en justice. En désespoir de cause, le jeune homme promet un livre révélation sur cette mère dont il ne sait presque rien et se lance ainsi dans la reconstitution minutieuse de sa vie, à la découverte des secrets qui hantent sa famille depuis des décennies.

Les fantômes du vieux pays a été reçu comme étant le grand roman américain des deux dernières décennies. Son auteur, Nathan Hill est même comparé à John Irving ou Charles Dickens, rien de moins. Pour un premier roman c'est particulièrement flatteur. Quoi qu'il en soit, je dois bien l'avouer, j'ai eu un mal fou à venir à bout des 953 pages que compte ce roman fleuve. Si incontestablement, Nathan Hill sait écrire, manier l'humour, il ne connaît pas la concision. Certes, Les fantômes du vieux pays couvre la période allant des émeutes de Chicago en 1968 au New York post 11 Septembre en passant par la Norvège des années quarante et le Midwest des années soixante, mais, que c'est long ! 

En outre, Nathan Hill a pris un malin plaisir à introduire pléthore de personnages secondaires. Ils abondent alors même qu'ils apportent peu à l'intrigue. Ils permettent surtout à l'auteur des allées et venues dans le temps, d'aborder multitude de thèmes et de porter un regard critique sur la société américaine. Bien que parfaitement documenté, l'ambiance des différentes époques bien restituée, Les fantômes du vieux pays est un roman trop.... Trop long. Trop de personnages. Trop d'histoires secondaires. Trop de descriptions. Trop de digressions. Trop de trop. Et surtout trop peu d'information sur le personnage central du livre, la mère de Samuel. C'est donc avec une certaine satisfaction que j'ai tourné la dernière page de ce gargantuesque roman dont l'immense succès demeurera pour moi un mystère.

Belle lecture !

dimanche 21 octobre 2018

Mon avis sur "Sujet inconnu" de Loulou Robert

Il y a des plumes qui décapent, des auteurs qui ont du style, de l'allure. Loulou Robert est de ceux-là. Elle a délaissé les podiums des défilés de mode pour se consacrer à l'écriture. Vingt-cinq ans et déjà trois romans. Sujet Inconnu est disponible aux Editions Julliard.  

Elle avait huit ans quand elle a su qu'elle ne  finirait pas ses jours dans l'Est de la France. Que là-bas, elle ne deviendrait personne. Que là-bas, elle n’aimerait personne. Que là-bas, rien. Elle ne ressentirait rien. Elle avait huit ans et elle a décidé de partir un jour. Elle a choisi de ressentir. Elle a choisi de souffrir. À partir de là, elle est condamnée à cette histoire.
Elle ? C'est la narratrice. Une jeune fille unique. Singulière. Solitaire. Son seul ami se nomme Sam. Sam c'est son doudou. Sa peluche. Avec Sam elle quitte son cocon familial. Elle quitte sa mère qu'elle adore. Un véritable déchirement. Elle s'installe à Paris. Elle rentre en fac de lettres. Libre. Elle est enfin libre. Enfin... jusqu'à cette rencontre.

Sujet inconnu traite d'Amours. De l'Amour qui unit une mère et une fille. Mais également de celui qui naît entre un homme et une femme. De cet Amour qui grandit jusqu'à dévorer. Qui dévore jusqu'à la folie. Un Amour rare. Fort. Violent. Toxique. Un Amour qui révélera à la narratrice sa vraie personnalité. 

Sujet inconnu est un roman puissant. Intense. De la première à la dernière page, il prend possession du lecteur. Il chavire. Renverse. On le reçoit tel un uppercut en plein cœur. Quant au style de Loulou Robert, il est direct. Brut. Sans fioritures. Un style résolument contemporain. Original. Vibrant. Les mots sont tranchants. Les phrases courtes. La syntaxe revisitée. Le tout est intelligemment construit. Sujet inconnu est à découvrir d'urgence, tout comme son auteure, Loulou Robert.

Belle lecture !

lundi 8 octobre 2018

Mon avis sur "Fugitive parce que reine" de Violaine Huisman

Il y a des histoires de famille qui vu de l'intérieur, peuvent avoir une résonance dramatique. Il y a des filles qui savent rendre un juste hommage à leur mère quand bien même cette dernière eût été maniaco-dépressive et totalement fantasque. Telle est la démarche de Violaine Huisman qui dédie son premier roman, à la mémoire de sa mère. Une femme fugitive face à cette vie qui ne la comprend pas, une femme reine pour ses filles et ceux qui l'aiment d'un amour inconditionnel. Une mère Fugitive parce que reine.

9 novembre 1989, le mur de Berlin s'écroule. Elsa a douze ans, Violaine en a dix. Ni l'une, ni l'autre ne comprend ce qui est en train de se jouer. Au même moment, c'est leur mère, Catherine, qui s'effondre. Maniaco-dépressive, elle est internée à Sainte-Anne. Les deux fillettes sont habituées. Leur mère a toujours été fantasque. Elle a toujours vacillé. Trop de souffrance, trop de folie, trop d'excès en tous genres. Mais tellement d'amour entre cette mère et ces deux petites filles. La première les aime à la folie, les secondes feront tout leur possible pour protéger cette femme fragilisée. 

Violaine Huisman évoque sa mère à travers ses yeux d'enfant puis, c'est en adulte qu'elle s'efforce d'expliquer, de retracer la vie de cette femme excessive et extravagante. Elle raconte les crises qui succèdent aux folles déclarations d'amour et inversement. Elle raconte le parcours de vie d'un être non désiré à la santé fragile, élevé par une mère célibataire et distante. Un être qui finira par devenir une belle femme constamment en quête d'amour et de reconnaissance. Une femme qui multipliera les histoires d'amour, les expériences en tous genres, une femme insaisissable, hors du commun. Une femme qui deviendra mère. Une mère qui aimera ses deux filles à la folie et qui les embarquera dans le tourbillon de sa vie.

Fugitive parce que reine est une folle histoire d'Amour entre une mère et ses filles. Violaine Huisman explore ses sentiments sans pathos, sans concessions. Le tout est drôle et tragique à la fois, élégant, dérangeant. L'écriture est juste, tantôt poétique et légère, tantôt violente et grave. Fugitive parce que reine est un premier roman parfaitement maîtrisé, bouleversant. Un premier roman à découvrir.

Belle lecture !