jeudi 30 novembre 2017

Mon avis sur "Le couple d'à côté" de Shari Lapena

Il y a des livres qui ne devraient pas être lus par certains. Le couple d'à coté  est de ceux là. En effet, si vous êtes parent d'un bébé de quelques mois, que pour autant, vous n'avez pas renoncé à votre vie sociale et qu'il vous arrive de faire appel à une baby-sitter, un conseil, passez à ma prochaine chronique, à défaut, vous risqueriez d'annuler toutes vos sorties jusqu'à la majorité de votre progéniture...

Anne et Marco sont invités à dîner chez leurs voisins. Au dernier moment, la baby-sitter leur fait faux bond. Qu'à cela ne tienne : ils ont la solution, le baby-phone. Toutes les demi-heures ils passeront surveiller leur bébé, mais la soirée s'étire. La dernière fois qu'ils sont allés la voir, Cora dormait à poing fermés. Mais de retour tard dans la nuit, l'impensable s'est produit : le berceau est vide. Pour la première fois, ce couple apparemment sans histoire voit débarquer la police chez lui. Or, la police ne s'arrête pas aux apparences... Qu'est ce que l'enquête va bien pouvoir mettre à jour ?
 
Le couple d'à coté de Shari Lapena est un thriller psychologique. Bien qu'il ne renouvellera pas  le genre, sa lecture reste plaisante. L'auteure sait titiller la curiosité du lecteur. Au fil des pages, elle révèle la psychologie et par là-même, le côté sombre de chacun des personnages, de sorte que tous deviennent des suspects. Entre la mère en pleine dépression post-partum, le père en proie à de sérieuses difficultés financières prêt à tout pour sauver sa petite entreprise qui connaît la crise, les grands-parents richissimes qui détestent ouvertement leur gendre, l'aguichante voisine qui s'envoie en l'air avec tout ce qui bouge, il devient impossible de se fier aux apparences. Chacun d'entre eux aurait pu enlever la petite Cora. Reste à savoir si le coupable est réellement parmi eux.
 
Bien que très classique par son intrigue et sa construction, Le couple d'à coté  est un thriller au rythme assez soutenu, plaisant à lire sans toutefois être transcendant. Il ne laissera certainement pas un souvenir impérissable au lecteur, mais il a le mérite de le divertir à l'instar d'un bon téléfilm.
 
Un grand merci à NetGalley et aux Presses de la cité pour leur confiance.
 
Et à tou(te)s, une belle lecture !
 

mardi 28 novembre 2017

Mon avis sur "Le livre que je ne voulais pas écrire" d'Erwan Larher

Voici deux ans que l'indicible s'est produit. Comment l'oublier ? Cet évènement nous a tous bouleversés. Il y ceux qui l'ont vécu de l'intérieur et les autres. Il y a ceux qui en ont écrit des livres et celui qui ne voulait surtout pas en écrire un. Pourtant lui est écrivain. Ecrivain et amateur de Rock. Le 13 novembre 2015, il était au Bataclan. Il, c'est Erwan Larher. Le livre que je ne voulais pas écrire est le livre qu'il a fini par écrire après une discussion dans le TGV avec ses amis Alice Zeniter et Manuel Candré. Ce livre réunit histoire intime et drame collectif, ce n'est ni un roman, ni un témoignage, c'est juste un livre que l'on n'aurait jamais dû avoir à lire, mais puisqu'il existe maintenant, il doit être lu de tous.
 
Le livre que je ne voulais pas écrire s'ouvre sur l'histoire d'un môme qui découvre la musique, celle qui sera un exécutoire pour l'enfant sage  et obéissant qu'il est. Cette musique, c'est le Rock. C'est son amour pour cette musique qui le mènera à la violence. Non pas parce qu'elle l'aura rendu violent, mais parce qu'un soir, des années plus tard, ce môme qui a grandi se trouvera au mauvais endroit, au mauvais moment. Cette violence arrivera un 13 novembre 2015 à 21h40, ou 42, ou 47, difficile de se mettre d'accord.  Ce môme est devenu romancier. Il invente des histoires, des intrigues, des personnages, et, il l'espère, une langue pour dire et questionner le monde, l'humain. Ce qui lui est arrivé est une tuile pour le romancier qui partage sa vie. De cette mésaventure, il ne voulait pas écrire de livre. Il ne voulait pas l'écrire parce que selon lui, ce soir-là, il n'a rien fait qui mérite d'être su, connu, médité, relayé ou commenté par ses semblables. Et puis, au cours d'une conversation le mot magique a été prononcé. Ce mot c'est "Partager".

Pour mettre une certaine distance avec la terreur et le chaos intérieur qu'il a connus ce soir là, Erwan Larher a décidé de s'extraire de lui-même, d'utiliser l'autodérision et l'humour pour raconter l'irracontable. Cette approche fait de  ce livre un OLNI, un objet littéraire comme le nomme son auteur. Le livre que je ne voulais pas écrire  nous fait sortir des sentiers battus de la littérature. Oubliez les codes. Ce livre est polyphonique, alternant le "je", le "tu" et le "il", mêlant la voix de l'écrivain qui a vécu les évènements de l'intérieur à celle des amis, vu du dehors. Erwan Larher va même jusqu'à s'immiscer dans les pensées des assaillants. Les mots sont toujours justes, parfaitement choisis. L'auteur parvient à partager la peur, la souffrance, le chaos, les HURLEMENTS, sans jamais verser dans le pathos. Une vraie performance.
 
Puis une fois secouru, vient le temps des soins, celui de la reconstruction et de la reconquête de son intimité. De l'intérieur à ce qu'il y a de plus intime, il n'y avait qu'une balle. Une balle reçue à bout portant dans les fesses. Cette balle a anéanti la virilité d'Erwan Larher. Avec beaucoup de pudeur et d'humour il partage son angoisse dans ce qu'il a de plus intime. Il en est terriblement touchant parce que face à la douleur de ceux qui ont perdu un être cher, ceux qui ont perdu l'usage de leurs membres, la perte du sien, n'est rien et tellement à la fois. Ses réflexions, sa mise à nu sont subtilement dosées.
 
L'écriture d'Erwan Larher et son approche  font de cet objet littéraire un livre intelligent, fin. Tout n'est que respect pour les victimes, pour tous ceux qui sont intervenus sur les lieux, pour le personnel hospitalier à qui Erwan Larher rend un hommage vibrant. L'auteur échappe au piège du sensationnalisme et du pathos grâce à la sincérité, la sobriété et la subtilité de ses propos. Le livre que je ne voulais pas écrire  prend le contrepied de ce qu'il aurait pu être. Il parle moins de mort et de haine que de vie et d’amour, moins de barbarie que d’humanité, il prive les terroristes de leur victoire.
 
Le livre que je ne voulais pas écrire est l'un des cinq  finalistes du Prix Hors Concours, dont j'ai intégré l'Académie des lecteurs. Je ne surprendrais personne en révélant avoir voté pour cet objet littéraire parfaitement identifié. Il est pour moi une bien belle révélation de cette dernière rentrée littéraire. Que des maisons d'édition se paient le luxe de choisir l'insolite, le singulier, les auteurs plutôt que des livres, me ravit. Telle est la philosophie de Quidam Editeur qui se consacre à la littérature contemporaine, française et étrangère. Ils n’éditent que ce qu'ils souhaitent défendre et publient peu. Cette maison d'édition peut être fière d'avoir publié Erwarn Larher, qui je l'espère sera primé lundi prochain...
 
Belle lecture à tou(te)s et Vive la Vie !

dimanche 12 novembre 2017

Mon avis sur "Frappe-toi le coeur" d'Amélie Nothomb

Une rentrée littéraire sans Amélie Nothomb n'en serait pas tout à fait une... Cette année, c'est un véritable petit bijou que l'auteure nous propose. Frappe-toi le cœur est un conte acide mais ô combien délicieux qui traite essentiellement de la jalousie entre mère et fille.
 
Dans sa petite ville de province, la jolie Marie, dix-neuf ans, ne prend plaisir qu'à travers le regard des autres, ces autres qui l'envient. Alors, lorsque le plus bel homme dont toutes les filles de la ville raffolent, s'intéresse à elle, Marie l'épousera. De leur union, naitront  trois enfants. Diane, Nicolas et Célia. Marie accueillera différemment ses progénitures et ne les dotera pas du même amour. Diane, l'aînée, un ravissant bébé admiré de tous, en sera totalement dépourvu dès sa naissance. Jalousée par sa propre mère, c'est privée de tout amour maternel qu'elle devra grandir. Son frère, Nicolas, aura la chance de connaître cet amour, quant à Célia sa petite sœur, elle en sera étouffée. Éminemment brillante et consciente du rejet dont elle est victime, Diane dépassera la jalousie maladive de sa mère et ne se consacrera qu'à ses études de médecine. Elle optera pour la filière cardiologie et deviendra l'assistante d'une chercheuse reconnue mais ô combien méprisante. Cette dernière deviendra t-elle cette mère qui lui a tant fait défaut ?

C'est en référence à un vers d'Alfred de Musset "Frappe-toi le cœur, c'est là qu'est le génie" que Diane choisira sa spécialité médicale et qu'Amélie Nothomb désignera son dernier roman. Et de génie, il n'est question que de cela.

En effet, aborder en seulement 182 pages les thématiques de l'amour maternel,  des relations entre femmes en général et des relations mère - fille en particulier, de la jalousie, de l'envie, des rivalités, de la manipulation, du pouvoir et de la violence des relations humaines, le tout à travers le destin d'un seul personnage, si cela ne relève pas du génie, je ne sais pas ce que c'est !

Je vous le dis, Frappe-toi le cœur est un incontournable de la rentrée littéraire 2017. Il est à lire, que dis-je, à dévorer sans modération. D'une justesse absolue, l'écriture d'Amélie Nothomb est concise, précise, percutante. Son style est épuré, dépouillé comme s'il ne fallait surtout pas encombrer le lecteur de détails inutiles et ne pas détourner son attention du sujet dominant, à savoir, l'envie. Vous aurais-je seulement donné envie de lire Frappe-toi le cœur ?

Belle lecture !