mardi 24 octobre 2017

Mon avis sur "Roland est mort" de Nicolas Robin

N'en déplaise à certains, c'est grâce à Gérard Collard et à La Griffe Noire que j'ai découvert non seulement Nicolas Robin mais également son quatrième roman, Roland est mort. Et bien voilà, Roland s'en est allé. Mireille aurait pu en faire une chanson, mais Nicolas Robin a décidé d'en faire un roman. Mais qui est donc ce Roland, un preux chevalier ? Pas si sûr. 

Roland est mort. Les sapeurs pompiers l'ont retrouvé la tête dans la gamelle du chien. Lorsqu'ils viennent enlever le corps, ils découvrent un caniche dont ils se débarrassent en le confiant au voisin de palier, un homme proche de la quarantaine, au chômage, très seul. Roland est mort depuis une semaine. Son voisin ne le connaissait pas vraiment, mais il aurait dû s'en douter : il n’'entendait plus les chansons de Mireille Mathieu, derrière le mur. Il écope donc du chien puis de l'urne contenant les cendres du défunt. Que faire de ce lourd héritage chargé de poils et de céramique ? Le voisin va tout tenter pour s'en débarrasser, mais en a-t-il vraiment envie ?

Roland est mort est un de ces romans qui se dévore, plus qu'il ne se lit. Il se dévore parce qu'il nous touche. Il nous touche parce que le burlesque du départ n'est que prétexte pour évoquer les oubliés, les laissés pour compte, les invisibles, ceux qui souffrent de cet isolement social, de cette solitude urbaine.

En effet, c'est avec beaucoup d'humanité et de tendresse que Nicolas Robin aborde ce fléau des temps modernes à travers essentiellement deux personnages que tout semble opposer. L'un meurt dans l'ignorance la plus totale et ne manque à personne, l'autre bien qu'en bonne santé, n'est guère plus attendu. Le célibat et le chômage mettraient-ils au ban de notre Société ceux qui en sont frappés ?

A travers des situations cocasses, sous ses airs désinvoltes, son récit intimiste, l'auteur interpelle, il nous incite à ouvrir les yeux, à lutter contre l'indifférence. Le ton de son livre est un poil caustique pour mieux frapper les esprits. L'écriture est fluide, la malice nichée au creux de chaque page. Au final, Roland est mort  est un roman empreint d'une grande sensibilité, sans prétention, mais réussi.

Belle lecture !

mardi 10 octobre 2017

Mon avis sur "Le sympathisant" de Viet Thanh Nguyen

Décidément le Vietnam est à l'honneur en cette rentrée.  Á l'heure où Arte TV a diffusé la superbe fresque documentaire réalisée par Ken Burns et Lynn Novick faisant revivre la guerre du Vietnam et retraçant trente ans de soulèvements et de destructions, les Éditions Belfond publient le premier roman de Viet Thanh Nguyen, Le sympathisant lequel a reçu le prix Edgar-Allan-Poe du meilleur premier roman et le prix Pulitzer de la fiction. Allez, direction le Vietnam des années 1970...

Avril 1975, Saïgon est en plein chaos. À l'abri d'une villa, entre deux whiskies, un Général de l'armée du Sud Vietnam et son Capitaine dressent la liste de ceux à qui ils vont délivrer le plus précieux des sésames : une place dans les derniers avions qui décollent encore de la ville. Mais ce que le Général ignore, c'est que son Capitaine est un agent double au service des communistes. Arrivé en Californie, tandis que le Général et ses compatriotes exilés tentent de recréer un petit bout de Vietnam sous le soleil de L.A., notre homme observe et rend des comptes dans des lettres codées à son meilleur ami resté au pays. Dans ce microcosme où chacun soupçonne l'autre, notre homme lutte pour ne pas dévoiler sa véritable identité, parfois au prix de décisions aux conséquences dramatiques. 

Viet Thanh Nguyen est amérasien. Enfant, il a fui le Vietnam après la chute de Saïgon pour se réfugier aux Etats-Unis. Il a vécu la guerre, l'exil, le déracinement, les camps de réfugiés et le racisme. C'est justement parce qu'il a connu la guerre de l'intérieur et qu'il ne retrouvait pas son histoire dans les films ou les livres qui témoignaient de ce conflit, que Viet Thanh Nguyen a souhaité rétablir certaines vérités et imposé le point de vue des vietnamiens. C'est cette quête qui l'a conduit à écrire Le sympathisant. 
 
Le héros du sympathisant, dit le Capitaine, est lui eurasien. Il est né d'un père français et d'une mère vietnamienne. Tout comme Viet Thanh Nguyen, il est déchiré entre deux cultures. Nulle part, il n'est vraiment chez lui. Où qu'il aille, il est étranger. Alors lorsque le moment venu, il lui faut choisir, il se remémorera ce que sa mère lui disait "Tu n'es pas l'union de deux moitiés mais au contraire, tu as tout en double". Binational, il jouera de sa double culture. Il sera agent double. Envoyé comme espion aux Etats-Unis, il incarnera l'Occident et l'Orient, le capitaliste et communiste, l'humanité et l'inhumanité.
 
Le sympathisant est un roman foisonnant, dense et complexe qui oscille entre confessions, témoignages et œuvre politique. A l'instar du narrateur, il est double, drôle et léger, cynique et caustique. Viet Thanh Nguyen voulait juste écrire un bon roman qui rende hommage au peuple vietnamien. Malgré quelques longueurs, il a plus que rempli son objectif puisqu'il offre à ce peuple meurtri, rien de moins que le Prix Pulitzer.
 
Enfin, tous mes remerciements vont à NetGalley et aux Éditions Belfond qui m'ont permis de lire Le sympathisant alors qu'à cette même période, Arte TV diffusait cette fresque documentaire sur la guerre du Vietnam d'une exceptionnelle qualité. Je ne peux que vous conseiller de doubler cette lecture de cette série et inversement.


Vietnam - Fresque documentaire réalisée par 
Ken Burns et Lynn Novick - Arte TV
 
 
Belle lecture doublée d'une bonne série documentaire !