lundi 27 février 2017

Mon avis sur "De tes nouvelles" d'Agnès Ledig

C'est un drame personnel qui a conduit Agnès Ledig sur les chemins de l'écriture. Elle est l'auteure de plusieurs romans à succès. D'une manière générale, je me méfie des auteurs un peu trop populaire. C'est la raison pour laquelle je n'avais jusqu'alors jamais lu de roman d'Agnès Ledig. Mais lorsque Babelio (que je remercie bien sincèrement) m'a proposé de lire en avant-première De tes nouvelles, qui est la suite de On regrettera plus tard (je précise qu'il n'est pas nécessaire de l'avoir lu pour en comprendre l'histoire, la preuve), j'ai accepté, mettant de côté mes préjugés. Je dois bien avouer que je ne le regrette absolument pas. C'est même d'une traite que je me suis surprise à lire ce roman.

Veuf depuis la naissance de sa fille, Anna-Nina, c'est seul qu'Eric assume tout. Il a pris le parti de vivre en roulotte pour surtout ne plus avoir d'attache. Mais un soir d'orage et de détresse, Eric et sa fille ont trouvé refuge chez Valentine, une institutrice qui vit dans un petit village des Vosges avec Gustave, son presque grand-père. Ensemble, Eric et Valentine ont momentanément mis un terme à leur solitude. Puis Eric et Anna-Nina ont poursuivi leur chemin. Surtout ne pas s'attacher. Quelques mois plus tard, à l'approche de la rentrée scolaire Eric revient dans les Vosges. Sa fille a sept ans, elle doit maintenant être scolarisée. Eric et Valentine vont se retrouver. Tous ensemble, ils ressemblent à une famille, une vraie. Réussiront-ils à surmonter leur peur et construire cette famille qui leur manque tant ? Et si un grain de sable venait enrayer cet avenir harmonieux longtemps convoité ?

De tes nouvelles est un roman résolument optimiste. Si les personnages ont tous subi les épreuves de la vie, s'ils ont tous été confrontés à la perte et de ce fait, craignent de s'engager de nouveau, ils ont en commun cette volonté de goûter au bonheur. Solidaires, c'est tous ensemble qu'ils gardent espoir et avancent dans cette même direction. 

Les personnages de De tes nouvelles sont des héros du quotidien auxquels on s'identifie aisément. Leur histoire pourrait être la nôtre. C'est avec une belle énergie et une délicate sensibilité qu'Agnès Ledig réussit à nous embarquer dans ce joli méli-mélo intergénérationnel et solidaire. On chemine avec ces âmes fragilisées, pour finalement prendre conscience que le bonheur est à notre portée, qu'il suffit de tendre la main, d'ouvrir son cœur et de se laisser faire. 

Je me suis laissée guider par les mots, les émotions. J'étais avec Anna-Nina et Gustave au pied du tilleul centenaire, je travaillais la terre avec Valentine, tentais de la centrer sur le tour de potier, les mains enduites de barbotine, je jouais de la guitare avec Eric, de la batterie avec Gaël, je me suis régalée des tartines de confiture que Gustave préparait avec amour. J'ai tourné les pages sans m'en rendre compte et j'étais bien. Je comprends maintenant le succès d'Agnès Ledig. Son style, ses histoires, ses personnages m'ont fait penser à ceux de Barbara Constantine, une auteure que j'affectionne tout particulièrement et qui s'attache à nous démontrer que la vie est belle. De tes nouvelles a ce point commun, il rend heureux. Et si finalement, le bonheur commençait ici ? 

Belle lecture !

dimanche 26 février 2017

Mon avis sur "Arrête avec tes mensonges" de Philippe Besson

Parfois, il y a des ruptures salutaires. Non pas pour celles et ceux qui les subissent, mais pour tous les autres. Pour celles et ceux qui ont la chance de lire celles et ceux qui les ont vécues. Je m'explique. C'est une rupture amoureuse qui a amené Philippe Besson à l'écriture. "Arrête avec tes mensonges" est son dix-huitième roman. Au-delà du nombre, ce dernier récit a la particularité d'apporter un éclairage sur tous les précédents, mais surtout révèle ce qu'il y a de plus intime chez son auteur.

Nous sommes en Charente à Barbezieux, en 1984. Ils ont dix-sept ans, sont en terminale. Philippe en filière C, Thomas en D. Philippe ne se doute pas encore qu'il deviendra écrivain. En revanche, il sait depuis l'âge de onze ans qu'il préfère les garçons. De loin, il observe Thomas un bel adolescent ténébreux. Il doute qu'avec sa tête de premier de la classe, il puisse un jour attirer son attention. Et pourtant... Cet hiver-là, Philippe va pour la première fois tomber amoureux. Son premier amour se prénomme Thomas. Les deux jeunes hommes vont vivre une passion réciproque, un amour impossible mais inoubliable. 
Il ajoute cette phrase, pour moi inoubliable : Parce que tu partiras et que nous resterons.
Avec son roman autobiographique, "Arrête avec tes mensonges" Philippe Besson rend hommage à son premier amant, à son premier foudroiement amoureux. Avec beaucoup de sensibilité, il décrit les premiers émois physiques entre deux jeunes hommes qui vivent une passion clandestine dans les années quatre-vingt. Il leur faudra mettre en place tout un stratagème pour se voir secrètement et lorsqu'ils se quittent, commence la douloureuse attente. Décomplexé, tantôt cru, mais toujours extrêmement sensuel, Philippe Besson évoque sa passion pour Thomas, ce fils de paysans, tétanisé par son attirance pour les garçons et le jugement des autres. 

Au-delà du récit de cette brève histoire, puisqu'une fois le baccalauréat en poche, le chemin des amants se sépare, "Arrête avec tes mensonges" permet de mieux cerner l’univers littéraire de Philippe Besson. Ses romans qu'il cite d'ailleurs tout au long de celui-ci, évoquent de manière récurrente l’abandon, la perte, la difficulté d’être soi, la question du choix. A la lecture de "Arrête avec tes mensonges" nous comprenons que ces thématiques trouvent leur origine dans cette première passion amoureuse qui l'a tant hanté.  

"Arrête avec tes mensonges" est un roman intime empreint de cette mélancolie qui surgit quand on évoque un premier amour. La plume est belle, percutante. Riche en émotions, "Arrête avec tes mensonges" est un véritable hymne à l'amour, l'amour pour tous !

Belle lecture !

vendredi 17 février 2017

Mon avis sur "Sous le même toit" de Jojo Moyes

Jojo Moyes est l'auteure d'Avant toi roman qui m'avait agréablement surprise l'été dernier. Alors quand l'opportunité s'est présentée de lire en avant première son dernier roman, je n'ai pas hésité. Encore une fois, je n'ai pas été déçue et tous ceux qui entretiennent une relation  particulière avec leur maison, comprendront.

Lorsque son mari meurt prématurément, lui laissant une montagne de dettes, Isabel Delancey doit radicalement changer de train de vie. Elle n’a d’autre choix que de quitter Londres, de mettre un terme à sa carrière de violoniste et de s’installer à la campagne avec ses deux enfants, dans une maison de famille délabrée dont elle hérite. Tandis que les murs s’effritent autour d’eux, et que ses dernières économies fondent comme neige au soleil, Isabel espère pouvoir compter sur le soutien de ses voisins. Elle ne se doute pas que sa simple présence au village a réveillé de vieilles querelles... Les vies s’entrechoquent et Isabel va découvrir que faire de cette maison le home sweet home dont elle rêve est un combat de chaque instant. 

Avoir un logement décent, offrir un toit à sa famille est un droit fondamental. Le b.a.-ba. Et pourtant, combien de personnes en sont aujourd'hui privées, combien sont logées dans des conditions inhumaines ? Bien que le dernier roman de Jojo Moyes ne soit pas un plaidoyer pour le droit au logement, c'est bien de ces questions de société dont il s'agit. Une femme comme tant d'autres se retrouve seule avec ses enfants et leur vie bascule. Violoniste, elle a toujours été éloignée des questions administratives et d’intendance. Les factures, les comptes, c'était son mari qui s'en occupait. Elle n'avait pas à s'encombrer l'esprit de ces détails administratifs, elle ne pensait qu'à ses seules partitions et à sa passion. Mettant de côté sa phobie administrative, cette femme va découvrir que la situation financière familiale est plus préoccupante qu'il n'y paraît. Elle tentera de trouver des solutions pour survivre avec ses enfants, jusqu'à ce qu'elle hérite d'une maison de famille d'un vieil oncle inconnu qui n'avait aucune descendance, pris aucune disposition testamentaire. Quitter la ville, ses amis, ses repères alors qu'ils sont encore en plein deuil pour atterrir dans une maison totalement insalubre, n'a rien d'évident. Isabel se demandera constamment si elle a fait le bon choix. Cette interrogation la taraudera tout au long des travaux de mise aux normes qu'elle a confiés à son voisin entrepreneur en bâtiment. Ces travaux s'éternisent et représentent un vrai gouffre financier. Offrir un nouveau départ à ses enfants, tel était le rêve d'Isabel, y parviendra-t-elle dans cette maison ?

Intimement convaincue que l'environnement dans lequel nous vivons influe sur notre vie, qu'avoir un logement décent est indispensable au bien-être de chacun et ayant connu la situation de Paul Tanner (référence au roman Vous plaisantez, monsieur Tanner de Jean-Paul Dubois -Et oui, encore lui !- ) auquel Sous le même toit m'a fait penser, j'ai été complètement captivée par cette lecture Incontestablement, Jojo Moyes sait raconter des histoires. Sa plume est agréable, son style simple, sans être simpliste. Aucune invraisemblance. Ces personnages n'ont rien d’héroïque, ils sont vrais, attachants. On n'a aucun mal à embarquer avec cette petite famille qui essaie coûte que coûte de retrouver un bonheur perdu. Le temps de la lecture, on habite cette grande maison de guingois qui borde le lac et est isolée dans les bois.

Sous le même toit, est un roman à découvrir par tous ceux qui ont été confrontés aux problèmes de logement, qui se sont lancés dans des travaux sans fin, qui aiment l'idée d'avoir une maison de famille. Enfin, je remercie chaleureusement les Éditions Milady de me l'avoir adressé en avant-première. 

Belle lecture !

jeudi 9 février 2017

Mon avis sur "Danser au bord de l'abîme" de Grégoire Delacourt

Seul celui qui n'a jamais lu Grégoire Delacourt, ignore son infortune. Présenter Grégoire Delacourt comme l'auteur du best-seller La liste de mes envies, serait réellement réducteur. S'il est vrai que ce roman s'est vendu à plus de 400.000 exemplaires, Grégoire Delacourt est surtout de ceux qui ont une plume enivrante. Il manie les mots comme peu savent le faire. Son dernier roman, Danser au bord de l'abîme le confirme.

Emma, quarante ans, mariée, trois enfants, heureuse, croise le regard d’un homme dans une brasserie lilloise. Aussitôt, elle sait. Mais que sait-elle donc qu'on ne devine déjà ?  
Danser au bord de l'abîme serait-il une simple histoire d’adultère comme il en existe tant d'autres ? Si le postulat de départ a un avant goût de déjà lu, il est immédiatement occulté. Le coup de foudre, puisque c'est bien de cela qu'il s'agit, n'est en réalité que prétexte pour plonger dans les tréfonds de l'âme tourmentée d'Emma et valser avec elle. Une valse à trois temps. Le temps des ravages du désir, celui de l'abandon, de la douloureuse solitude et enfin celui du pardon, de la rémission. Une valse à trois temps en résonance à la nouvelle d'Alphonse Daudet, La chèvre de monsieur Seguin.
"Il y a des hommes qui vous trouvent jolie et d'autres qui vous rendent jolie"
Danser au bord de l'abîme est un roman vertigineux. La plume délicatement subtile, juste et sensuelle de Grégoire Delacourt permet d'explorer les émotions d'une femme confortablement heureuse mais qui n'est pas épanouie. La vision de la bouche d'un homme révèlera ce manque, cet abîme qui la fera chavirer et nous avec. L'amour fulgurant n'aura jamais été aussi bien disséqué, le chaos intérieur jamais aussi bien décrit. Deux mains s'approchent l'une de l'autre, des doigts s'entremêlent et tout devient sensualité.
"Je crois que l'on trébuche amoureux à cause d'une part de vide en soi. Un espace imperceptible. Une faim jamais comblée."
Danser au bord de l'abîme met en exergue la puissance du désir, la fragilité de nos existences. Un conseil, entrez dans la danse ! 
 
Belle lecture !
 

dimanche 5 février 2017

Mon avis sur "Tout ce dont on rêvait" de François Roux

Après Le bonheur national brut, fresque générationnelle des années Mitterrand, que j'avais tout particulièrement appréciée, François Roux revient avec Tout ce dont on rêvait, une chronique sociétale des années 1990 à nos jours, époque minée par le chômage et les compromis idéologiques.

Dans les années 90, Justine, vingt-cinq ans, jeune infirmière en psychiatrie habite Paris. Elle passe ses week-ends avec ses potes à boire et à danser jusqu'à l'aube. Un soir, elle rencontre Alex, un bel étudiant des Beaux-Arts dont elle tombe éperdument amoureuse. Les années ont passé et c’est à Nicolas, le frère d'Alex, que l’on retrouve Justine mariée. Ils ont deux enfants. Ils vivent un bonheur tranquille, jusqu’au jour où Nicolas est licencié et plonge irrémédiablement.

Tout ce dont on rêvait est avant tout l'histoire d'une famille, somme toute ordinaire. Un homme et une femme usés par la routine, qui coûte que coûte tentent de sauver les apparences, d'éduquer au mieux leurs enfants et s'évertuent à croire qu'ils sont encore heureux ensemble. Cette famille était préservée des vicissitudes de la énième crise économique française jusqu'au jour où lui sera licencié. Peu à peu ce fragile équilibre familial va vaciller. Et si finalement, ils s'étaient mentis, si à force de petits arrangements, ils se rendaient compte qu'ils n'étaient pas heureux ?

François Roux, tel un minutieux observateur, dissèque notre Société. A travers le prisme d'une famille, il évoque ces thèmes qu'il affectionne : la quête du bonheur, l'amitié, la famille, la réussite, les concessions, la résignation. Ses personnages issus de trois générations différentes (grand-parents, parents, enfants) sont ancrés dans la réalité, engoncés dans leur éducation, embourbés dans ce système qui est aussi le nôtre. Ils sont partie prenante de cette société de consommation, jusqu'au jour où l'un d'eux en est exclu. Vient alors le temps du chômage, de ses ravages psychologiques que François Roux décrit avec justesse et sensibilité. S'ensuit une réflexion sur le sens de la vie, la nécessité de se libérer de l'héritage familial, de résister aux pressions sociales pour se recentrer sur l'essentiel et d'assumer ses choix. 

C'est incontestable, François Roux n'a pas son pareil pour raconter des drames humains universels. Son style somme toute assez simple, couplé à une plume parfaitement affutée, ne laisse pas indifférent. Tout ce dont on rêvait est un roman contemporain teinté d'humanité auquel on ne peut que s'identifier. Il interpelle. On le referme avec une furieuse envie de vivre pleinement, d'aller à l'essentiel. 

J’irai donc à l’essentiel. Merci à Babelio pour cette masse critique et aux Editions Albin Michel qui m'ont permis de passer un bon moment de lecture en compagnie de Justine, Nicolas, Alex et les autres...

Belle lecture !