samedi 30 janvier 2016

Mon avis sur "La vie amoureuse de Nathaniel P." d'Adelle Waldman

La vie amoureuse de Nathaniel P. est un des romans sélectionnés par les Editions Points dans le cadre du Prix du meilleur roman 2016. Alors si vous voulez tout savoir sur la vie amoureuse d'un jeune trentenaire, américain et écrivain de surcroît, ce livre est pour vous. Vous noterez que j'ai écrit pour vous...

La trentaine,  cultivé, écrivain, new-yorkais Nathaniel Piven (Nate pour les intimes) vient enfin de signer un contrat avec un éditeur. Son roman est sur le point d'être publié. Depuis que Nate évolue dans le monde éditorial, il a compris qu'il avait plus de chances de rencontrer des femmes avec un niveau de conversation acceptable plutôt que de draguer dans les bars et le métro. Nate  collectionne les aventures amoureuses et des femmes toutes aussi jolies, séduisantes qu'intelligentes défilent dans sa vie. La vie amoureuse de Nathaniel P. est plutôt remplie. Mais Nate est-il seulement capable de s'engager, de renoncer à sa liberté, de se laisser aller avec une  femme ? Telle est la question. Qui de Juliet, Kristen, Elisa, Hannah ou Greer parviendra à dompter ce jeune homme narcissique, égoïste, misogyne et surtout immature ?

Vous l'aurez deviné, dans La vie amoureuse de Nathaniel P. il est question des relations hommes femmes, de cette quête d'amour et de la peur de l'engagement. Classique, me direz-vous !
Ce qui l'est moins c'est que ce sont les pensées et les questionnements d'un jeune bobo new-yorkais qui sont disséqués par une auteure. Et là est tout l'intérêt du roman. En effet, Adelle Waldman a su se mettre dans la peau de son personnage masculin, nous livrer son regard sur son rapport aux femmes, ses doutes, ses angoisses et ses fantasmes. Elle égratigne au passage le microcosme littéraire de Brooklyn. 


L'écriture de La vie amoureuse de Nathaniel P. est fluide, contemporaine, sans pour autant être exceptionnelle. Étonnamment, j'ai apprécié la lecture de ce roman lorsque je me suis rendue compte que la fin approchait. Je dois bien l'avouer, La vie amoureuse de Nathaniel P. m'a globalement ennuyée. Vous comprendrez maintenant pourquoi j'ai introduit ma chronique en précisant que si vous vouliez tout savoir sur La vie amoureuse de Nathaniel P., ce livre était pour vous...

Bonne lecture !


dimanche 24 janvier 2016

Mon avis sur "Le bonheur national brut" de François Roux

Pour ma première chronique de l'année pour Le livre de Poche, j'ai choisi Le bonheur national brut de François Roux. La tonalité de l'année 2016 est donnée...

Si l'indice communément utilisé pour évaluer la performance et la bonne santé économique d'un pays est le PIB (produit intérieur brut) le Bhoutan, un petit état asiatique coincé entre l'Inde et la Chine, a choisi d'aller plus loin et de mesurer le niveau de satisfaction de la population, le BNB (bonheur national brut). 
Du Bhoutan, il n'est guère question dans Le bonheur national brut de François Roux. D’amitié, d'amour, d'avenir, du devenir, du bonheur oui, c'est tout cela Le Bonheur national brut. A travers le destin croisé de quatre amis d’enfance, Le Bonheur national brut est une fresque sociale, politique et affective de la France de ces trois dernières décennies. Un roman générationnel à la française qui forcément fait écho.

Le Bonheur national brut c'est l'histoire de quatre copains issus de milieux différents, de la première élection de François Mitterrand à celle, 31 ans plus tard, de François Hollande.  
Tout commence le 10 mai 1981, le visage de François Mitterrand se dessine sur les écrans de télévision. La France bascule à gauche. Pour Paul, Rodolphe, Benoît et Tanguy, bretons, pas encore le bac en poche, tous les espoirs sont permis. 6 juillet 1981, les derniers résultats du bac tombent. Rodolphe récolte la mention très bien, Tanguy, la mention bien, Paul la mention passable après un repêchage à l'oral, quant à Benoît, il a échoué. Leur avenir professionnel va se dessiner peu à peu. Rodolphe va découvrir l'université et la politique, milieu dans lequel il évoluera. Tanguy en véritable compétiteur va se battre pour réussir les concours d'intégration d'une grande école de commerce et suivre la voie d'un certain Bernard Tapie qu'il admire. Paul, le narrateur, va monter à Paris pour intégrer conformément aux souhaits de son père, la fac de médecine. Il va surtout y découvrir la vie nocturne et s'adonner à ses passions, ses désirs. Quant à Benoît, il ne quittera pas sa Bretagne natale, il aidera ses grands-parents à la ferme jusqu'à ce qu'il découvre son don pour la photographie. Ce quatuor va évoluer, se croiser, se perdre de vue, puis se retrouver à l'aube de leur cinquantaine. Le 6 mai 2012, c'est le visage de François Hollande qui s’affiche sur les écrans de télévision. D'un François à l'autre, trente-et-un ans ont passé. Qu'est-il advenu des rêves, des désirs de ces quatre copains ?  Ont-ils réussi leur vie ? Sont-ils heureux ?
Il est indéniable que l'on reconnaît les vraies amitiés à la facilité qu'elles ont à se reconstruire d'elles-mêmes, immédiatement, malgré le temps qui a endommagé les habitudes. C'est sans doute ce qui a permit à Benoît  d'annoncer :
- J'espère que tu ne vas pas le prendre mal, mais... tu n'as pas l'air épanoui, mon vieux.
Avec n'importe qui d'autre, Tanguy aurait sûrement bondi de sa chaise et quitté la pièce.
- Ça se voit tant que ça ? se contenta-t-il de dire.
- Disons que je t'ai connu plus... radieux.

- Effectivement je ne suis pas convaincu d'être parfaitement heureux, finit par avouer Tanguy.
- Soit dit en passant, je trouve que le bonheur reste un concept assez flou, répondit Benoît en ricanant.
- Même pour toi ? Même toi, tu n'es pas heureux ? insista Tanguy.
- En tout cas j'ai cessé de vouloir l'être complètement. Disons que je m'arrange pour l'être raisonnablement. (p. 476).

Le bonheur national brut est un roman de société. C'est un roman sur la jeunesse, son insouciance, ses envies, ses espérances d'un monde meilleur. C'est aussi un roman sur la vie, les choix, les renoncements que nous devons faire, nos questionnements. C'est un roman sur le temps qui passe, sur la société qui évolue, qui progresse, qui régresse, sur ses maux, le chômage, le Sida, les affaires.
A l'instar d'Une vie Française, le roman de Jean-Paul Dubois qui se déroule de Charles de Gaulle à Jacques Chirac, L
e bonheur national brut est une véritable chronique générationnelle.
François Roux réussit le pari de mêler le destin individuel  de quatre garçons au collectif d’une époque dont il restitue le climat avec une sagacité et une justesse percutantes. Le style est fluide, plaisant. On ne s'arrête plus de tourner les pages. La vie de ce quatuor, notre vie défile et au final, la fameuse question...  Qu’est-ce que le bonheur ? François Roux termine son roman en nous proposant une réponse "C'est certain, le bonheur n'est pas du tout une affaire sérieuse. C'est même j'en suis convaincu, le seule chose que l'on devrait prendre à la légère".

Une chose est certaine, Le bonheur national brut est un vrai bonheur à lire. Alors, pour être heureux, lisez-le ! Et encore merci au Livre de Poche.

Bonne lecture !

samedi 16 janvier 2016

Mon avis sur "Les réputations" de Juan Gabriel Vásquez

Juan Gabriel Vásquez, né à Bogota en 1973, a fait des études de lettres à la Sorbonne. Il a vécu en Belgique avant de s'installer à Barcelone. Auteur de plusieurs romans, il a reçu en 2012, le prix Roger Caillois pour l'ensemble de son œuvre. Son dernier roman Les réputations a été sélectionné par les Editions Points dans le cadre du Prix du meilleur roman 2016.

Célèbre caricaturiste politique colombien, pouvant faire tomber un magistrat, renverser un député ou abroger une loi avec pour seules armes du papier et de l'encre de Chine, Javier Mallarino est une légende vivante. Certains hommes politiques le craignent, d'autres l'encensent. Il a soixante-cinq ans et le pays vient de lui rendre un vibrant hommage, quand la visite d'une jeune femme le ramène vingt-huit années en arrière, à une soirée lointaine, à un "trou noir". Qu'avait fait ce soir-là le député Adolfo Cuéllar et qu'avait vu exactement Javier Mallarino ? Deux questions qui conduisent le dessinateur à faire un douloureux examen de conscience et à reconsidérer sa place dans la société.


A quoi tiennent les réputations ?
Parfois à un simple trait de crayon. Un dessin pour faire trembler les politiciens, faire et défaire des carrières, des vies. Oui, un dessin peut tuer. Malheureusement, nous l'avons découvert avec effroi, il y a un peu plus d'un an.

Imaginez un député raillé, humilié, ridiculisé par un célèbre caricaturiste
dont la devise est qu'une caricature est comme « un aiguillon enrobé de miel ». Imaginez que ce caricaturiste ait assisté à une scène impliquant une fillette, qu'il l'ait dessinée et publiée. Cette caricature de trop aura pour conséquence le suicide de ce député. Imaginez que presque vingt-huit ans plus tard, ce célèbre caricaturiste soit amené à douter.  Que s'était-il réellement passé ce jour-là ? Et s'il n'était finalement qu'un médiocre colporteur de rumeurs, un franc-tireur de la réputation d'autrui, un bourreau d'encre ?
"Les grands caricaturistes n'attendent d'applaudissements de personne, ils ne dessinent pas pour cela : ils dessinent pour déranger, incommoder, être insultés. On m'a insulté, on m'a menacé, on m'a déclaré persona non grata, on m'a interdit l'entrée de certains restaurants, on m'a excommunié. Et j'ai toujours réagi de la même manière, ma seule réponse aux plaintes et aux agressions a été la suivante : les caricatures peuvent forcer la réalité, pas l'inventer. Elles peuvent déformer, jamais mentir." (p.55).
Avec Les réputations, Juan Gabriel Vásquez nous invite à réfléchir sur le pouvoir des médias et leurs conséquences parfois irréversibles. En 190 pages seulement, l'auteur dissèque le mécanisme de la réputation. Le style est efficace, l'écriture fluide. Un réel exploit. Je ne peux que vous inviter à découvrir Les réputations de Juan Gabriel Vásquez.

Bonne lecture !

dimanche 3 janvier 2016

Mon avis sur "Profession du père" de Sorj Chalandon

Pour commencer l'année, quoi de mieux que de lire le dernier Sorj Chalandon. Profession du père est un roman très personnel qui évoque l'enfermement d'une famille dans la folie du père. Un roman bouleversant !

Imaginez dans les années 60 un petit gars de 12 ans asthmatique et passionné de dessin qui découvre que son père est un héros. Et oui, le père d'Émile a été chanteur, footballeur, champion de judo, parachutiste, pasteur d'une église pentecôtiste américaine, agent secret et même conseillé particulier du Général de Gaulle. Émile est à la fois fasciné par son modèle et fier de son idole. De plus, Ted, l'ami américain de son père, est son parrain. Il est agent de la CIA. C'est lui qui a couru derrière la voiture lors de l’assassinat de John Fitzgerald Kennedy et qui a tendu la main à Jackie. Un autre héros. Emile prendra conscience de la singularité de la situation, quand il lui faudra indiquer sur la fiche de renseignements à l'école, la profession de son père.
- Choulans, vous n'avez pas rempli la case "profession du père" ?
Le professeur principal tenait ma feuille en main. Il avait dit ça mollement, sans se douter du coup qu'il portait. Il était ailleurs, le professeur. Bien loin de mon père et de son secret. Il ne se doutait de rien. Profession du père, pour lui, c'était une case vide, un oubli, une étourderie.
...
En septembre, cette année-là, lorsque je suis rentré avec la feuille de renseignements, il était tendu. Profession du père? Ma mère n'avait pas osé remplir le formulaire. Mon père avait grondé.
- Écris la vérité : "Agent secret". Ce sera dit. Et je les emmerde.
Agent secret.
J'ai regardé mon père. Depuis toujours je me demandais ce qui n'allait pas dans notre vie.
Personne ne doit venir chez lui, ni copains, ni collègues de sa mère, même pas ses grands-parents. Et pour cause, son père est agent secret. Il a une mission, mission qu'il va confier à son fiston. Il lui ordonnera d'écrire sur les murs en allant à l'école le nom des généraux putschistes, de distribuer des lettres de menace et même de tuer le Général de Gaulle qui a trahi la France en rendant l'Algérie aux algériens. L'OAS, les missions dangereuses, Émile connaît. Pour son père, il est prêt à tout, même à enrôler un de ses camarades de classe fraîchement rentré d'Algérie. 
André Choulans est certes un père romanesque, mais il est surtout violent et mythomane. Un vrai tyran. Émile essaie d'être ce fils digne de son héros, mais n'y parvient pas. Alors à l'instar de sa mère, il encaisse les coups, accepte de finir enfermé dans l'armoire "maison de correction". Comme ne cesse de lui répéter sa mère, il connaît son père, ça passera...
Le temps passe, Émile grandit. Il finira par quitter ses parents, deviendra père à son tour. La maladie, elle, ne quittera jamais son père. Elle finira par l'emporter. Jusqu'au bout, Émile aimera son père, son héros dément.

Profession du père est un récit intime, bouleversant. Malgré la gravité du sujet, il n'est jamais larmoyant. Sorj Chalandon parvient dès les premières pages à nous embarquer dans la vie d’Émile. Dans sa vie. Profession du père est largement inspiré de l'enfance de l'auteur. Sorj Chalandon aura attendu la mort de son père pour raconter sa folie, sa maladie. Loin du règlement de compte, Profession du père est un témoignage de la folie d'un homme et surtout celui d'un fils qui aura guéri de son enfance. Un roman d'une tendresse et d'une force incroyables. 

Celles et ceux qui admiraient déjà Sorj Chalandon ne pourront que l'admirer davantage.
 
Bonne lecture !