lundi 21 novembre 2016

Mon avis sur "Un travail comme un autre" de Virginia Reeves

Quel régal cette rentrée littéraire 2016, je n'en finis pas de me délecter de ses sélections ! Un travail comme un autre est l'une d'elles. C'est le premier roman de Virginia Reeves. Et cadeau bonux, il a remporté le Prix America 2016. Un bien joli début de carrière !

Un travail comme un autre nous plonge dans l'Alabama des années 1920. Roscoe T. Martin, ancien électricien, est devenu fermier malgré lui. Pour sauver l'exploitation familiale, Roscoe convainc Wilson, son ouvrier agricole noir, de détourner une ligne électrique de l'Alabama Power afin d'assurer un meilleur rendement. L'escroquerie fonctionne à merveille jusqu'au jour où leur branchement sauvage coûte la vie à un employé de la compagnie... Condamné à dix ans de travaux forcés, Wilson est envoyé dans les mines, condamné à vingt ans d'emprisonnement, Roscoe prend la direction du pénitencier de Kilby, perçu comme un modèle de modernité. Ce lieu de détention se révèlera tout aussi inhumain et violent  que n’importe quelle autre prison. Roscoe y fera d'étonnantes rencontres et exercera différents petits boulots insolites. Puis, quand le temps de la liberté retrouvée arrive enfin, il espère qu'au bout du chemin menant à la ferme, sa femme qui ne lui a jamais rendu visite, l'aura attendu. 

Un travail comme un autre est un roman grave et puissant à la fois. Sa construction alternant le récit de l'incarcération de Roscoe à Kilby, univers violent et impitoyable, et celui de sa vie d'exploitant agricole libre, nous permet de mieux cerner les états d'âme des personnages et de comprendre leurs contradictions. Si le thème de la culpabilité est placé au cœur de ce roman et est traité avec beaucoup de finesse, ceux de la filiation, du couple et du racisme sont également abordés. 

Il y a chez Virginia Reeves comme un arrière goût de Steinbeck, Faulkner ou de Jim Harrison. Elle nous propose un livre âpre sur la rédemption d'un homme sans jamais verser dans le pathos. 
Un travail comme un autre est un magnifique premier roman, servi par une très belle plume. Je ne peux que vous le conseiller, émotions garanties.

Belle lecture !

mercredi 16 novembre 2016

Mon avis sur "Le cri" de Nicolas Beuglet

Le projet MK-Ultra, ça vous parle ? Comment, vous ne connaissez pas ce projet secret de manipulation mentale développé illégalement de 1950 à 1970 par la CIA et le FBI ? Pas de souci, Nicolas Beuglet nous propose une séance de rattrapage avec son second roman, Le cri, largement inspiré de ce dérangeant projet.

Hôpital psychiatrique de Gaustad, Oslo. À l’aube d’une nuit glaciale, le corps d’un patient est retrouvé étranglé dans sa cellule, la bouche ouverte dans un hurlement muet. Dépêchée sur place, la troublante inspectrice Sarah Geringën le sent aussitôt : cette affaire ne ressemble à aucune autre…
Les énigmes se succèdent : pourquoi la victime a-t-elle une cicatrice formant le nombre 488 sur le front ? Que signifient ces dessins indéchiffrables sur le mur de sa cellule ? Pourquoi le personnel de l’hôpital semble si peu à l’aise avec l’identité de cet homme interné à Gaustad depuis plus de trente ans ? 
Pour Sarah, c’est le début d’une enquête terrifiante qui la mène de Londres à l’île de l’Ascension, des mines du Minnesota aux hauteurs du vieux Nice. Soumise à un compte à rebours implacable, Sarah va lier son destin à celui d’un journaliste d’investigation français, Christopher, et découvrir, en exhumant des dossiers de la CIA, une vérité vertigineuse sur l’une des questions qui hante chacun d’entre nous : la vie après la mort…

Dès les premières pages Nicolas Beuglet, scénariste (forcément ça aide...), nous plante un décor glauque pour mieux nous embarquer dans l'ambiance glaciale d'un hôpital psychiatrique où l'on pressent qu'il se déroule des évènements pour le moins douteux. Pressentiment très vite confirmé dès que le directeur de l'hôpital psychiatrique l'incendie volontairement comme pour mieux enfouir ses secrets. A partir de cet évènement et jusqu'à la fin, s'ensuit une course poursuite qui mènera Sarah à Christopher. Ensemble ils parcourront le globe pour tenter de percer le mystère du projet 488. 

Le cri est un thriller effroyable au style efficace et parfaitement maîtrisé. Une fois commencé, inutile d'envisager de poser Le cri, c'est littéralement impossible. Le rythme est soutenu, l'écriture nerveuse et fluide, les rebondissements fréquents, les personnages humains et attachants, l'histoire parfaitement documentée, ce qui ne la rend que plus crédible. Tous les ingrédients sont réunis pour rendre la lecture addictive et le lecteur totalement dépendant. Le cri et notamment le début m'a fortement fait penser à l'excellent thriller Glacé de Bernard Minier, édité également chez XO Editions. Reste à souhaiter à Nicolas Beuglet d'embrasser la même carrière que Bernard Minier. A priori, c'est parti pour !

Belle lecture à tou(te)s !

dimanche 6 novembre 2016

Mon avis sur "Ecoutez nos défaites" de Laurent Gaudé

Pour moi, Laurent Gaudé c'est Le soleil des Scorta, les Pouilles, une très belle plume et surtout un  auteur consacré en 2004 par l'Académie du Goncourt. Alors forcément, lorsque Babélio à l'occasion de sa masse critique, m'a proposé de chroniquer son dernier roman, Écoutez nos  défaites, je m'en délectais d'avance. Étais-je vraiment préparée à me confronter à l'horreur des guerres ?  

Assem Graïeb, un agent des services de renseignements français gagné par une grande lassitude est chargé de retrouver à Beyrouth un ancien membre des commandos d'élite américains soupçonné de divers trafics. Il croise le chemin d'une archéologue irakienne, Mariam, qui tente de sauver les trésors des musées des villes bombardées. En contrepoint de cette rencontre, le récit fait retentir le chant des trois héros glorieux : le général Grant écrasant les confédérés, Hannibal marchant sur Rome, Hailé Sélassié dernier empereur d’Éthiopie, résistant au fascisme italien. Quatre époques s’entremêlent, quatre chefs de guerre espèrent la victoire plutôt que la défaite. Mais quand une bataille se gagne au prix de vies fauchées, de corps suppliciés, de terres éventrées, comment prétendre qu'il s'agit d'une victoire surtout lorsque l'histoire se répète sans cesse ? Peut-on réellement vaincre sans se perdre ? Et si finalement la défaite n’avait rien à voir avec l’échec ? Si l'essentiel était ailleurs comme apprendre à perdre, accepter la défaite ? 

Écoutez nos défaites est un roman choral polyphonique ambitieux qui nous interpelle sur le sens du combat, celui de la victoire, et surtout celui de la défaite. Il nous rappelle aussi qu'au bout du chemin, la mort nous attend tous. L'écriture de Laurent Gaudé est toujours aussi puissante, son style toujours aussi lyrique, son amour pour l'Antiquité et son érudition toujours présents. Pour autant, Écoutez nos défaites est-il accessible à tous ? Rien n'est moins sûr. Si j'ai apprécié la qualité d'écriture, la construction parfois confuse et le sujet du roman (si tant est qu'il s'agisse bien d'un roman) ne m'ont pas emportée. Est-ce une défaite ? Certainement pas, un rendez-vous manqué tout au plus.

Belle lecture !

mardi 1 novembre 2016

Mon avis sur "Mal de Pierres" de Nicole Garcia

Une fois n'est pas coutume, ce n'est pas un livre que je vais chroniquer, mais l'adaptation au cinéma de l'un d'eux. Il s'agit de la magnifique adaptation par Nicole Garcia du roman de Milena Agnus, Mal de Pierres.

L'héroïne de Mal de pierres, Gabrielle (Marion Cotillard), a grandi au sein d'une petite bourgeoisie agricole de Provence des années 1950. Elle  rêve de vivre une passion amoureuse absolue. Elle croit la chose possible avec le professeur qui l'initie notamment à la littérature. Mais Gabrielle se méprend. Elle pense qu'à travers les romans qui parlent d'amour, cet homme lui adresse un message. Gabrielle ne supporte pas de se faire repousser par lui. Le scandale éclate. Ses parents, les villageois, tout le monde la croient folle. Gabrielle dérange. Et si la solution était de la marier ? A cette époque où les femmes n'étaient destinées qu'au mariage, ses parents décident de la donner à José (Alex Brendemühl), un ouvrier saisonnier qui travaille pour eux. José devra faire de Gabrielle une femme respectable et par là-même, mettre un terme au scandale. Gabrielle se voit enterrée vivante et jette à la figure de cet homme d'apparence rustre, qu'elle ne l'aimera jamais. Ensemble, ils partent s’installer à la Ciotat. Là-bas, l'état de Gabrielle ne s'arrangera pas. A l'occasion d'une fausse-couche, les médecins lui découvriront la maladie de pierres. Une cure thermale dans un sanatorium s'impose pour soigner ses calculs rénaux. Gabrielle devra y rester plusieurs longues semaines. Elle s'y ennuiera à mourir puis rencontrera un lieutenant blessé à la guerre d’Indochine, André Sauvage (Louis Garrel). André fera renaître en elle cette urgence d’amour. La cure touchant à sa fin, ils jurent de fuir ensemble, un jour, pas maintenant. Gabrielle a enfin trouvé ce qu'elle nomme "la chose principale" et entend bien aller au bout de son rêve, coûte que coûte.

Mal de pierres est un film dramatique remarquablement mis en scène par Nicole Garcia. Tout n'est qu'infinie lenteur pour submerger le spectateur et lui permettre de bien cerner la psychologie des personnages. Au fil du temps, on est embarqué dans la douce folie de Gabrielle, on découvrira la vraie personnalité de José. Ces personnages sont parfaitement incarnés par les acteurs. Marion Cotillard nous offre un jeu tout en délicatesse et d'une puissance absolue qui nous transporte. Sa quête de "la chose principale" devient la nôtre. Qu'un prix d'interprétation lui soit décerné, ne m'étonnerait pas, ce ne serait que justice d'ailleurs ! Quant à Alex Brendemühl, il interprète de manière exceptionnelle le rôle de l'ouvrier effacé, du mari qui courbe l'échine et se réfugie dans le silence pour se révéler être un homme tout en finesse et subtilement intelligent. Le costume de l'amant blafard et malade est merveilleusement endossé par Louis Garrel. Au-delà du jeu des acteurs, il y a les superbes plans larges ou serrés, les décors, les costumes qui finiront de nous embarquer vers cet ailleurs.

Tout au long de Mal de pierres, on est pénétré d'émotions. On ressort de ce film absolument bouleversé. Mal de pierres est un film à ne surtout pas rater !


 Bonne toile !