lundi 26 septembre 2016

Mon avis sur "Petit pays" de Gaël Faye

Né en 1982 au Burundi d'une mère rwandaise et d'un père français, Gaël Faye a connu la guerre civile et le génocide des Tutsi au Rwanda, avant d'arriver en France. Après des études dans la finance et avoir travaillé deux ans dans la City, il a préféré embrasser une carrière d'auteur compositeur interprète de rap. Son premier album solo, Pili Pili sur un Croissant au Beurre est sorti en 2013.  
Du rap au roman, il n'y avait qu'une ligne, que Gaël Faye a franchi avec succès. Petit pays est son premier roman. Et quel premier roman ! Pas étonnant qu'il ait déjà raflé le Prix du roman FNAC 2016 et à en croire mon petit doigt, ce n'est qu'un début...

Nous sommes en 1992, au Burundi. Gaby, dix ans, vit avec son père français, entrepreneur, sa mère rwandaise et sa petite sœur, Ana, dans un confortable quartier d’expatriés. Gaby, passe le plus clair de son temps avec ses copains, une joyeuse bande occupée à faire les quatre cents coups. Un quotidien paisible, une enfance douce qui vont se disloquer en même temps que ce  « petit pays » d’Afrique. Gaby  verra ses parents se séparer, la guerre civile se profiler, suivie du drame rwandais. Le quartier est bouleversé. Par vagues successives, la violence va l'envahir, l’imprégner et tout va basculer. Gaby se croyait un enfant, il va se découvrir métis, Tutsi, Français…
"Quand je serai grand, je veux être mécanicien pour ne jamais être en panne dans la vie."

Avec un sens du romanesque que l'on présume inné, Gaël Faye fait ressurgir un monde oublié, celui des parfums de l'enfance. Petit pays est en quelque sorte sa « madeleine de Proust » 
Il y est question de bonheurs simples, d'une bande de cinq gamins baptisée les Kinanira Boyz, qui se retrouve après le déjeuner dans leur quartier général, l'épave abandonnée d'un Combi Volkswagen au milieu d'un terrain vague. Ils discutent, rigolent, fument en cachette, écoutent les histoires incroyables de Gino, les blagues des jumeaux, assistent aux expériences d'Armand, capable de toucher son nez avec sa langue, de décapsuler des bouteilles avec ses dents et de tant d'autres choses encore.  
Dans ce Combi, ils dégustent les mangues chapardées dont le jus coule sur le menton, les joues, les bras, les vêtements, les pieds. Dans ce Combi,  ils rêvent beaucoup, s'imaginent, le cœur impatient, les joies et les aventures que la vie ne manquera pas de leur réserver. 
Ils faisaient les quatre cents coups, ils étaient heureux et tranquilles...
Et puis la guerre a éclaté au Rwanda. 
Le temps de l’insouciance et ses petits bonheurs ont volé en éclat, pour laisser place aux tourments et aux interrogations d’un enfant pris dans une Histoire qui va le propulser vers l'horreur et le déracinement. Les Kinanira Boyz sont devenus une bande d’exilés, de réfugiés, d’immigrés, de migrants. 
"Le génocide est une marée noire, ceux qui ne s'y sont pas noyés sont mazoutés à vie."

Le génocide, Gaël Faye l'a connu. Bien que Petit pays ne soit pas un roman autobiographique, l'auteur s'est  largement inspiré de son vécu pour évoquer ce drame. Mais avant l'indicible, il nous narre son enfance, semblable à toute autre avant d'exploser et de propulser les siens aux quatre coins du monde.   
Cette  histoire, Gaël Faye nous la livre sans pathos, d'abord avec humour, puis avec une certaine pudeur et toujours avec délicatesse. On ne vit pas le génocide frontalement, mais de biais, à travers l narration de Gaby, cet enfant devenu un homme un peu trop brutalement. 
"Mon identité pèse mon poids de cadavres."

Petit pays nous parvient tel un cri. Il est d'une force exceptionnelle, parcouru d’ombres et de lumière, de tragique et d’humour. Petit pays n'a rien d'un petit livre, bien au contraire ! 
Il est de ceux qui nous imprègne des couleurs, des goûts, des rythmes, des drames de l'Afrique avec tant de justesse, de douceur et de gravité mêlées qu'il sera à jamais gravé dans nos mémoires.   
Un conseil, lisez-le ! 
Belle lecture !

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