mardi 28 juin 2016

Mon avis sur "Les jeux de garçons" d'Adèle Bréau

Après des études de lettres modernes, Adèle Bréau s'est lancée dans le journaliste avant de devenir directrice du site Internet Terrafemina. Et comme c'est une jeune femme moderne, elle tient également un blog. Les working mums, ces femmes qui courent tout le temps du lever au coucher, Adèle Bréau les connaît bien, puisque c'est son fonds de commerce. Elle les observe, dissèque leurs manies, leurs modes de vie. Elle en a même fait des livres, trois exactement. Et je dois bien l'avouer, elle a bien fait !!

Les jeux de garçons, c'est la vision masculine de La Cour des grandes, le précédent roman d'Adèle Bréau qui traite du quotidien de Mathilde, Alice, Lucie et Eva, quatre femmes d'une petite quarantaine ou qui en approchent et qui tentent de concilier vie professionnelle et vie privée. Une thématique dans l'air du temps qui fait écho. Les jeux de garçons, c'est pareil mais du point de vue de leurs hommes. Max est au chômage et en pleine crise identitaire. Fred est restaurateur, c'est un homme un peu bourru de prime abord mais surtout timide et blessé. Christophe est un homme d'affaires ambitieux un poil conservateur. Vincent est un avocat  qui préfère être en déplacement plutôt qu'aux côtés de sa petite femme. Enfin il y a Adrien en pleine crise d'adolescence qui a plaqué sa femme pour une jeunette et Jacques, artiste, célibataire et doux rêveur. 

Si les hommes sont généralement peu enclin à la confidence, dans  Les jeux de garçons ils évoquent leur vie de couple, leur paternité, leurs doutes, leurs rêves, leur sexualité. Les uns sont mariés, les autres sont séparés. Certains sont sûrs de leur choix, d'autres peinent à trouver leur place au sein de la société, au sein de leur famille. Ils doutent, s'interrogent. Ils sont tiraillés entre ambition et la poursuite du bonheur. Tantôt agaçants, tantôt craquants, ces hommes sont tous terriblement touchants.

Bref Les jeux de garçons c'est la vie. La vie de tout un chacun. Alors forcément on s’identifie aux personnages, aux situations. De plus, le ton d'Adèle Bréau est résolument moderne. Elle a un côté Sex and the City qui est très sympathique. Son écriture est fluide, rythmée. Les jeux de garçons est un feel good book qui mérite d'être lu quels que soient vos chromosomes. Un bon moment détente en perspective. Et pour ma part, je vais vite me procurer La cour des grandes et le tome 3, Les devoirs de vacances, ça tombe bien, elles approchent...

Alors pour ce très bon moment lecture en compagnie de tous ces hommes, un grand merci aux Éditions Le Livre de Poche !

Belle lecture à tou(te)s !
 

samedi 25 juin 2016

Mon avis sur "Dans la chaleur de l'été" de Vanessa Lafaye

Voilà l'été. On aperçoit le soleil, les nuages filent et le ciel s'assombrit. Si généralement l'été rime avec festivité et légèreté, il peut aussi s'avérer tourmenté. Pour son premier roman, Vanessa Lafaye nous embarque Dans la chaleur de l'été en Floride, en plein cœur de l'archipel des Keys.

Nous sommes en 1935, le 4 juillet. Sur la plage d'Heron Key, Noirs et Blancs dûment séparés, participent aux célébrations de l'Independence day. Les festivités battent leur plein jusqu'au moment où elles vont prendre une tournure tragique. La femme d'un notable blanc vient d'être sauvagement agressée. Un nom est sur toutes les lèvres, celui d'Henry. Henry est un vétéran noir parqué avec ses compères dans un camp insalubre depuis leur retour d'Europe. Il avait quitté la ville en 1917. Il a participé à la Première guerre mondiale, vécu l'horreur des tranchées françaises, puis a erré en Europe avant de rentrer à Heron Key où il retrouvera sa famille et celle qui n'a jamais cessé de penser à lui, Missy Douglas. Son retour est mouvementé. Coupable idéal, il sera accusé de l'agression de Mme Kincaid. Mais l'agitation à laquelle il devra faire face n'est rien comparé à l'ouragan qui se prépare...

Dans la chaleur de l'été est loin d'être un roman léger où les personnages papillonnent, butinent ça et là. De ségrégation et de spoliation il est question. Si la ségrégation raciale a largement été dénoncée  notamment à travers la littérature américaine, ce qui l'a moins été, ce sont les conditions dans lesquelles les vétérans de la Première guerre mondiale ont été attirés dans les Keys.  Spoliés du bonus promis par le gouvernement américain, ces hommes fortement empreints de ce qu'ils ont vécu durant la guerre, se sont vus proposer un travail. Ils ont été conduits dans l'archipel, parqués dans des baraquements insalubres et dédiés à la construction de route et d'une voie de chemin de fer. Comment pouvaient-ils s'insérer dans une petite ville isolée où les autochtones, surnommés les "Conchs", n'acceptaient déjà pas les Noirs ? Noirs et vétérans effrayaient les "Conchs". Alors quand l'ouragan le plus puissant d'Amérique s'est abattu sur les Keys, les autorités les ont laissés mourir par apathie et incompétence. 

Ayant grandi en Floride, Vanessa Lafaye n'avait pas connaissance de ces évènements. Et pour cause, ils ont juste fait l'objet d'une note en bas de page des livres d'Histoire. S'inspirant de faits réels, ce sont les conditions dans lesquelles les vétérans ont été accueillis par leur patrie et celles dans lesquelles ils ont péri, que l'auteure a voulu dénoncer.

Dans la chaleur de l'été débute lentement, puis au fil des évènements, le rythme s'accélère pour finalement être happé par les forces de la nature et le comportement de certains autochtones. Ce premier roman à l'écriture fluide, traite du racisme, de la difficulté de l'intégration, de celle de la cohabitation, de l'insolidarité, de l'inhumanité de certains et de l'humanité des autres. Dans la chaleur de l'été est à découvrir, pour son côté historique et ses pages descriptives de l'ouragan que l'on vit de l'intérieur. Un récit qui décoiffe, qui déshabille même !

Je remercie chaleureusement les Éditions Belfond et Babelio pour cette découverte et ce joli moment d'évasion.

Belle lecture !

mercredi 15 juin 2016

Mon avis sur "Vous n'aurez pas ma haine" d'Antoine Leiris

Il y a des livres aussi bien écrits soient-ils, que l'on aimerait n'avoir jamais lus. Vous n'aurez pas ma haine est de ceux-là. Il y a des livres que leur auteur n'aurait jamais voulu écrire. Antoine Leiris est ce genre d'auteur. Pourquoi me demanderez-vous ? Tout simplement parce qu'Antoine Leiris a écrit Vous n'aurez pas ma haine pour faire face au trou béant qu'a laissé la disparation de sa femme, Hélène Muyal-Leiris, assassinée au Bataclan, le 13 novembre 2015. A la haine, Antoine Leiris a préféré la plume. Rappelez-vous, quelques jours après les attentats, son post sur sa page Facebook a fait le tour de la planète. Il a même fait la Une du Monde et de Der Spiegel. Bien qu'il ne les nomme jamais, c'est aux terroristes qui ont tué 130 personnes et blessé 352 autres, le 13 novembre 2015 à Paris, qu'Antoine Leiris s'adresse.

Accablé par la perte de celle dont il est éperdument amoureux depuis plus de douze ans et qui est la maman de leur petit Melvil, âgé de dix-sept mois à peine, Antoine Leiris n’a pas voulu donné sa haine à ceux qui ont volé la vie. Il n'a pas voulu leur faire ce cadeau. Répondre à la haine par la colère, ce serait céder estime t-il, à la même ignorance qui a fait d'eux ce qu'ils sont. Avec son fils, il veut être plus fort que toutes les armées du monde. Ensemble ils continueront à être libres. Point de haine, ni du papa, ni du fiston. Si Antoine Leiris a écrit ce livre c'est uniquement pour expulser tous les mots qui habitent dans sa tête, c'est pour les faire taire qu'il les tape sur son clavier, pour qu'ils cessent de se battre et le laissent dormir. Avec Vous n’aurez pas ma haine, il nous raconte comment, malgré tout, la vie doit continuer. C’est ce quotidien, meurtri mais tendre, entre un père et son fils, qu’il nous offre.  Vous n’aurez pas ma haine c'est aussi et avant tout un superbe hommage à sa femme. Une véritable déclaration d'amour. 
Sur le lit, ses affaires sont posées telles qu'elles le seront au moment de l'inhumer. En les aspergeant de parfum, il me semble les voir se soulever. Sur le tissu inanimé son corps se dessine peu à peu. Ses épaules fragiles, ses jambes, ses mains, ses fesses, ses seins. Elle est là, toute à moi.
Je m'allonge auprès de ce corps, invisible. Son souffle caresse mon cou. Elle m'enlace. Pose sa main sur mon visage. Me dit que tout ira bien. C'est la dernière fois que nous pourrons nous aimer.
Vous n'aurez pas ma haine, c'est 139 pages de tendresse, d'amour et d'émotion. Un témoignage bouleversant, magnifiquement écrit, tout en dignité et en pudeur. Ils étaient trois. Ils sont et seront toujours trois. Une belle leçon de vie !

Belle lecture !

dimanche 12 juin 2016

Mon avis sur "Mémé dans les orties" d'Aurélie Valognes

Il est vieux, il est acariâtre, il est détesté de tout son voisinage y compris de sa gardienne qui voudrait maintenant que sa chienne a pris la poudre d'escampette et qu'il est vraiment seul, l'expédier en maison de retraite. Il, c'est qui ? Il, c'est Ferdinand Brun. C'est le personnage central de Mémé dans les orties.
Elle est jeune, elle est diplômée d'une école de commerce, elle a écrit son livre sur un coin de table d'un café milanais, elle n'a pas eu envie de se confronter au milieu de l'édition traditionnelle, alors elle a choisi l'auto-édition et a remis le destin de  son premier roman entre les mains de lecteurs inconnus. Elle, c'est qui ? Elle, c'est Aurélie Valognes, l'auteure de Mémé dans les orties

Que celui qui n'a jamais eu envie de pousser son voisin octogénaire, bougon et râleur dans l'escalier me jette la première pierre. Oh, ça ne se fait pas me direz-vous ! Et bien oui, vous avez raison, surtout qu'au fond de toute vieille carcasse, il y un cœur qui bat. Il suffit parfois d'y accéder, pour que soudain tout change.
Ferdinand Brun est un homme de 83 ans, dont la femme est partie un beau matin avec le facteur, elle en avait assez de son ronchon de mari. Quant à sa fille unique, elle a choisi de vivre à Singapour, où elle élève seul son fils. Plus de femme, une fille éloignée, un petit-fils qu'il ne connaît quasiment pas, il ne restait à Ferdinand pour toute compagnie que Daisy, sa dogue allemand, jusqu'au jour où celle-ci le quittera. C'en était trop pour Ferdinand. Il se jettera sous un bus. Malheureusement pour lui (et son voisinage), il s'en sortira avec trois fois rien. C'est qu'il est résistant le vieux ! Ferdinand va alors devoir réintégrer sa petite résidence et se tenir à carreau. Sa fille Marion qui craint pour sa santé l'informe qu'elle lui a dégoté une place dans une maison de retraite. A moins qu'il ne fasse des efforts et prenne soin de lui, il intégrera cet établissement contraint et forcé d'ici quelques semaines. Ferdinand accepte bon gré, mal gré, de soumettre son appartement à l'inspection de sa vigilante gardienne qui devra faire un compte-rendu de la situation à Marion. Madame Suarez est bien trop contente de cette opportunité. Elle va enfin pouvoir se débarrasser de cet enquiquineur et la quiétude va de nouveau régner au sein de la résidence sur laquelle elle veille depuis plus de trente ans. Enfin, ça c'est qu'elle croit. Parce que Ferdinand n'entend pas se laisser faire. Juliette une fillette de dix ans, nouvellement arrivée dans l'immeuble, et Mme Claudel, sa voisine de palier, vont rompre sa solitude et finalement l'aider à voir la vie du bon côté...

Mémé dans les orties est un premier feel-good roman sans prétention qui fait du bien. Il est frais, tout en nous amenant, subtilement, à poser un autre regard sur les séniors. Aurélie Valognes nous sensibilise à leur solitude, leurs problèmes, leurs désirs, leurs manies. Son roman est un véritable plaidoyer pour le développement des relations intergénérationnelles. L'écriture est fluide, on prend plaisir à lire et les titres des chapitres constitués de vieilles expressions, sont un régal. Mémé dans les orties m'a fait penser aux romans de Barbara Constantine, à celui de  Fredrik Backman Vieux, râleur et suicidaire : La vie selon Ove, ou encore à L'élégance du hérisson de Muriel Barbery.  
En résumé, Mémé dans les orties donne envie de vieillir, de prendre quelques dizaines d'années en plus, d'aller rejoindre le clan des seniors, de ralentir le rythme, jouer au bridge, draguer les mamies choucroute, bon ok, faut pas pousser quand même... Sérieusement, Mémé dans les orties nous offre un joli moment de lecture et une occasion de poser un regard tendre sur nos ancêtres.

Un grand merci à Babelio de m'avoir sélectionnée pour cette nouvelle masse critique, sans oublier les Éditions du Livre de Poche

Belle lecture !
 

vendredi 3 juin 2016

Mon avis sur "Les partisans" d'Aharon Appelfeld

Mon aventure en tant que jurée du Prix du meilleur roman des Éditions Points touche presque à sa fin... L'avant-dernier livre de la sélection 2016, Les partisans, a une résonance toute particulière pour son auteur.
Aharon Appelfeld est né en 1932 à Czernowitz en Bucovine. Quand la guerre éclate, sa famille est envoyée dans un ghetto. En 1940 sa mère est tuée, son père et lui sont séparés et déportés. À l'automne 1942, Aharon Appelfeld s'évade du camp de Transnistrie. Recueilli en 1945 par l’Armée rouge, il traverse l’Europe pendant des mois avec un groupe d’adolescents orphelins, arrive en Italie et, grâce à une association juive, s’embarque clandestinement pour la Palestine où il arrive en 1946. À la fin des années 1950, il décide de se tourner vers la littérature et se met à écrire en hébreu. Aharon Appelfeld est l'un des plus grands écrivains juifs de notre temps. Il a publié une trentaine de livres, principalement des recueils de nouvelles et des romans. 

Les partisans ce sont des jeunes juifs constitués en armée de fortune qui durant les derniers mois de la Seconde Guerre mondiale, ont organisé, malgré le froid et la faim, dans les forêts d’Ukraine  leur résistance pour lutter contre l'armée allemande.
Sous le commandement de leur chef de guerre et guide spirituel, Kamil, ce groupe composé d’hommes, de femmes et d’enfants n'ont qu'un but, faire dérailler les trains, sauver des Juifs et atteindre "la cime", un lieu à la fois géographique et spirituel. C'est Edmund, un jeune juif de dix-sept ans, qui nous narre Les partisans. Edmund a fui vers les montagnes, abandonnant ses parents sur le quai d'une gare en route vers les camps. Empreint d'un fort sentiment de culpabilité qui ne le quitte jamais, il nous décrit la préparation des actions des partisans, l'organisation de leur survie en ce milieu hostile balayé par le vent, le froid et la neige. Il nous livre leur réflexion, leur méditation sur leur spiritualité.

Les partisans est un roman largement inspiré de la vie de son auteur. Les chapitres sont brefs, l'écriture fluide, le style simple et dépouillé. Action et méditation ne cessent de se répondre. Malgré la gravité des propos et leur intérêt, la construction de ce roman qui s'apparente à un conte, une fable, ne m'a pas vraiment emportée au cœur des forêts d’Ukraine. J'ai eu le sentiment que le tout était déshumanisé, désincarné. Ce témoignage doit néanmoins être lu pour que l'on se rappelle de l'Histoire et que l'on n'oublie jamais.

Belle lecture !