lundi 29 février 2016

Mon avis sur "Elles sont parties pour le nord" de Patrick Lecomte

Considérant qu'un livre est toujours une invitation à la découverte, les Éditions Préludes, un nouveau label de littérature, ont pour vocation de partager leur enthousiasme pour de nouveaux talents de la scène littéraire française et étrangère. C'est dans ces conditions que Le Livre de Poche m'a permis de découvrir cette nouvelle maison d'édition et le premier roman de Patrick Lecomte, Elles sont parties pour le nord à paraître le 9 mars prochain.
Patrick Lecomte apprécie le contact de la nature et est passionné par les grands récits d'aventures. Chef d'entreprise, il a rédigé ce premier roman lors de ses voyages réguliers en TGV, avant d'être repéré par Librinova (plateforme numérique d'autopublication), partenaire des Editions Préludes. La protection de l'environnement et des espèces menacées d'extinction, les relations entre l'homme et la nature en général, tels sont les thèmes explorés dans Elles sont parties pour le nord.

Tout commence en 1917 dans le Grand Nord canadien. Wilma, petite fille onze ans, se réveille par un matin d’hiver glacial dans la cabane qu’elle habite seule avec son père. De retour d’une expédition en ville après plusieurs jours d'absence, il lui rapporte un cadeau, un livre finement illustré, Le Fabuleux Voyage de Nils Holgersson à travers la Suède. Bien que Wilma ne soit pas scolarisée, son père qui était un des rares trappeurs à avoir appris à lire, lui avait transmis ce savoir. Prise de passion  pour ce livre, l'imagination de Wilma s'emballa aussitôt. Elle y fera une rencontre qui, sans le savoir, l'accompagnera toute sa vie, Akka, une oie sauvage. Désireux d'offrir un avenir à sa fille, John décida d'éloigner Wilma du monde sauvage et de lui faire dispenser une instruction de vraie demoiselle. Après l'internat, Wilma poursuivra ses études à l'université de biologie. Elle quittera le Canada pour rejoindre le Texas et s'assignera comme mission de sauver le plus grand oiseau migrateur d'Amérique du Nord en voie de disparition, la grue blanche d'Amérique. 
" J'avais onze ans lorsque j'ai rencontré pour la première fois la grue blanche d'Amérique, à son départ de Canada pour Aransas. Je me souviens de ce jour comme si c'était hier. Il y avait d'un côté la débâcle d'une rivière en furie et de l'autre le vol majestueux, hors du temps, irréel, de trois oiseaux en route pour une migration de trois mille cinq cents kilomètres jusque sur les terres qui accueillent aujourd'hui notre réunion. Depuis cette date, je n'ai cessé de lutter pour la conservation de cette espèce. Vous le savez tous. Ce que vous ignorez pour beaucoup, c'est que derrière ce combat, nous étions deux. Deux femmes. Ou plutôt une femme et une femelle. " (p. 233)
Elles sont parties pour le nord nous emporte vers ces contrées démesurées au climat rude où la nature est une force omniprésente à laquelle l’homme et les animaux doivent s’adapter, une force sauvage et fascinante. Ce premier roman est inspiré de l'histoire vraie de la grue blanche d'Amérique, des grandes étapes de la conservation de l'espèce. Elles sont parties pour le nord est un livre enchanteur qui relate majestueusement les flux migratoires de la grue blanche, leur rituel mais surtout la rencontre d'une femme au destin exceptionnel et d'une femelle, toutes deux déterminer à combattre pour que la vie continue. Elles sont parties pour le nord est un récit envoûtant, une promesse d’évasion, où la poésie de la nature rencontre la magie de l’écriture.

Il nous reste à espérer que  Patrick Lecomte fasse encore de nombreux voyages en TGV...

Belle lecture !

mardi 23 février 2016

Mon avis sur "Histoire de la violence" d'Édouard Louis

J'ai découvert Édouard Louis en 2014 avec "En finir avec Eddy Bellegueule" son premier roman à forte dimension autobiographique qui a largement suscité la polémique. Lorsqu'en janvier dernier j'ai appris que son second roman était disponible, je n'avais qu'une envie, le découvrir. 
Édouard Louis n'a que 23 ans, un parcours de vie singulier mais surtout une maîtrise parfaite de l'écriture et un style bien à lui.
Deux romans, deux autobiographies. 
Histoire de la violence, est le récit du viol et de la tentative de meurtre dont a été victime Édouard Louis.
 

Nous sommes en 2012. Après avoir réveillonné avec des amis, Édouard Louis rentre chez lui à pied dans la nuit du 24 au 25 décembre pour éliminer les effluves d'alcool. Un beau jeune homme l'aborde à proximité de la Place de la République. Édouard n'a qu'une envie, rentrer. Pourtant, il ne résistera pas longtemps au jeu de la séduction et finira par inviter Reda à monter chez lui dans son studio. La nuit commencera dans les confidences et l'amour, puis basculera quelques heures plus tard, dans l'horreur de la violence. Reda menacera Édouard d'un revolver dans l'intention de le tuer. Il  l'insultera, l'étranglera et le violera. Le lendemain sera consacré aux démarches médicales et judiciaires. Un an après cette nuit d'horreur, Édouard se rendra chez sa sœur, dans sa Picardie natale et se confiera à elle. Commence alors un récit polyphonique et c'est là tout l'intérêt du roman savamment construit par son auteur.

Édouard Louis n'a pas choisi la simplicité pour nous raconter ce qu'il a subi et nous proposer une analyse de la violence. Il se confie à sa sœur, Clara, à qui il raconte avec minutie cette fameuse nuit du 24 au 25 décembre 2012. Puis cette dernière va, avec ses mots, son parler très  populaire, relater à son mari ce que son frère lui a confessé. Enfin l'auteur qui se trouve chez sa sœur dans une pièce à proximité et qui l'entend, va corriger intérieurement le récit de celle-ci et apportera ses propres commentaires et réflexions. Malgré la gravité des propos, Édouard Louis nous livre sans aucune concession, avec beaucoup de pudeur, de puissance et de brutalité son récit et son analyse. Il ne juge pas. Il dissèque. Il tente d'expliquer les différences, toutes les différences. 
Didier rétorquait que je l’oublierais d’autant plus facilement si je portais plainte ; je pensais : C'est faux, c'est faux, il sait que c'est faux et ils veulent t'enfermer dans une histoire qui n'est pas la tienne, ils veulent te faire porter une histoire que tu n'as pas voulue, ce n'est pas ton histoire, et c'est ça qu'il te disent depuis tout à l'heure, c'est ça, c'est ce qu'ils te répètent : porter plainte, ils veulent que tu la portes, que tu portes la plainte sur ton dos et tant pis si je marche courbé pendant des mois, tant pis si je me brise le squelette, tant pis si l'histoire est trop lourde et qu'elle m'écrase les côtes, qu'elle me fissure la peau, qu'elle me rompt les articulations, qu'elle me compresse les organes, et Didier et Geoffroy parlaient et je ne distinguais plus leurs phrases, absorbé par ma colère, je ne les voyais même plus, je sentais seulement leurs silhouettes réprobatrices à côté de moi, ils n'étaient plus Didier et Geoffroy, ils n'étaient plus ces deux personnes qui m'avaient sauvé la vie tellement de fois, ils n'étaient plus, et je pensais : ils sont comme Reda. Ils sont Reda.
Les thèmes abordés dans Histoire de la violence sont très proches de  En finir avec Eddy Bellegueule. On y retrouve l'enfance difficile, la misère sociale, l'intolérance, le racisme et bien sûr l'homophobie. Histoire de la violence est un roman intelligemment construit, par un auteur lui-même intelligent, cultivé, aux multiples références littéraires, que la vie n'a malheureusement pas épargné. 
J'espère simplement qu’Édouard Louis saura se libérer de son enfermement, qu'il en finira vraiment avec Eddy Bellegueule et nous proposera un troisième roman différent, tout aussi savamment construit et merveilleusement bien écrit. Il n'en demeure pas moins que malgré son jeune âge, Edouard Louis est déjà un grand écrivain qui deviendra un très grand écrivain.

Belle lecture !

samedi 20 février 2016

Mon avis sur "Les morues" de Titiou Lecoq

Rappelez-vous, en juin dernier je chroniquais les fameuses Chroniques de la débrouille de Titiou Lecoq, cette  journaliste blogueuse trentenaire au ton caustique qui a l'art de parler de la vie quotidienne des filles... Bref, j'aime son ton, son humour, son autodérision, son côté cash un poil trash sans jamais être vulgaire, alors lorsque j'ai vu la chronique de Gérard Collard sur Youtube à propos de son roman "Les Morues", je m'étais promis de le lire. Et figurez-vous que la semaine dernière en me rendant à ma bibliothèque municipale, je tombe justement sur "Les Morues". Allez zou, c'était parti pour passer un bon moment malgré  l'humidité ambiante et l'hiver qui n'en finit pas de s'étirer...

"Les Morues" ce sont trois filles -Ema, Gabrielle et Alice- et un garçon -Fred-, trentenaires féministes pris dans leurs turpitudes amoureuses et professionnelles. Tout ce petit monde se réunit dans leur bar à boire des canons tout en échangeant sur leurs petites tracasseries quotidiennes, leurs états d'âme, leur travail et surtout le soit-disant suicide de leur amie, Charlotte. Ema et Charlotte étaient très proches, mais fâchées.  Charlotte était une femme de trente ans parfaitement intégrée à la société. Pourquoi donc elle aurait voulu mourir ? Dubitatives, Les Morues vont tenter de résoudre ce mystère. Je ne vais pas vous spoiler "Les Morues", voici ce que promet la 4ème de couv. : Tout commence par un hommage à Kurt Cobain, continue comme un polar, vous happe comme un thriller de journalisme politique, dévoile les dessous de la privatisation des services publics et s'achève finalement sur le roman de comment on s'aime et on se désire, en France, à l'ère de l'internet. C'est le roman d'une époque, la nôtre. 

L'illustration, le titre, cette quatrième de couv et la critique de Gérard Collard de la Griffe Noire me promettaient un bon moment. Et bien je dois bien l'avouer, j'ai été déçue. J'ai lu "Les Morues" jusqu'à la dernière page, pensant que le meilleur allait venir. En vain. De polar et de thriller il n'est pas réellement question. Quant à être happée, j'attends toujours. 
Alors certes, ces morues sont drôles, sympathiques, touchantes avec leurs questions existentielles du quotidien, leur volonté de préserver leur indépendance, leur amitié, leurs relations à l'Autre, aux autres, mais à vouloir traiter de trop de sujets, à hésiter quant au style (polar, critique de notre société, guide du bon usage d'Internet...) Titiou Lecoq m'a perdue. Son roman est si confus que j'ai eu du mal à la suivre. C'est dommage car j'aime bien le style de Titiou Lecoq. J'aime son franc-parler de tout sans tabou, aucun. Elle appelle un chat, un chat et ça me va plutôt bien. 
Même si "Les Morues" ne me laisseront pas un souvenir impérissable, il y a quelques répliques et situations bien senties qui ont le mérite de nous réconforter, nous les morues. 

Bonne lecture !

dimanche 14 février 2016

Mon avis sur "Retour à Little Wing" de Nickolas Butler


Nickolas Butler est né en 1979 en Pennsylvanie. Il a grandi à Eau Claire dans le Wisconsin. Retour à Little Wing est son premier roman. Il a été traduit dans une dizaine de langues et a reçu le Prix Americia en 2014. Ce roman est sélectionné dans le cadre du Prix du Meilleur Roman 2016 des lecteurs des Éditions Points.

Ils étaient quatre inséparables. Hank, Kip, Ronny et Lee. Les rois de la petite ville de Little Wing. À l’âge adulte, leurs chemins ont divergé. Certains sont restés et voudraient fuir. D’autres sont partis loin et ne pensent qu’à revenir. Tous sont en quête de quelque chose, du bonheur peut-être. Quoi qu’il arrive, Little Wing est leur port d’attache. C’est chez eux. Et toujours, ils y retournent.

Retour à Little Wing est un roman choral qui traite de  l’amitié de quatre garçons qui ont grandi ensemble au fin fond du Wisconsin, cet État du Midwest des États-Unis et que la vie va plus ou moins séparer. Le mariage de Kip sera l'occasion de réunir cette bande de copains à Little Wing, cette commune rurale que tous affectionnent même si certains l'ont quittée. Quatre copains, autant de femmes, des enfants et autant de destins différents. Lee, passionné de musique deviendra une véritable Rock Star, Hank reprendra l'exploitation agricole de ses parents, Kip après avoir été trader à Chicago rachètera une fabrique désaffectée à Little Wing qu'il rénovera, enfin Ronny ex-champion de rodéo sera contraint de raccrocher après un grave accident. Même si le destin les a séparés, tous les quatre resteront viscéralement attachés à leur terre d'origine, Little Wing, leur port d'attache et d'amitié.
 
Retour à Little Wing est un roman choral intimiste au style narratif très singulier. Nickolas Butler donne la parole à chacun de ses personnages, alterne présent et passé, ce qui a pour effet dès les premières pages de brouiller les pistes et de perdre un peu le lecteur. Une fois que l'on a compris la construction du roman aux chapitres débutants par les initiales des personnages qui s'expriment, H pour Hank, K pour Kip, R pour Ronny, L pour Lee et B pour Beth (la femme de Hank et amie d'enfance du clan), on découvre le point de vue de chacun d'entre eux. On se laisse bercé par l'histoire somme toute assez simple mais touchante et éminemment pétrie d'humanité et d'authenticité.
Retour à Little Wing c'est aussi une plongée au cœur de l'Amérique profonde, pas celle des grandes villes, celle de la campagne, de la terre,  de la poussière, celle où l'hiver est rude.
Ce roman commence doucement, on s'interroge beaucoup, on se demande où l'auteur veut nous emmener, pour nous rendre complétement dépendant de cette petite ville et de ses habitants tellement attachants. On a envie de partager leur quotidien, leur vie, leurs doutes, leurs peurs, leurs désillusions. Et quand la dernière page est tournée, c'est à regret que l'on quitte ces personnages d'une densité humaine rare.

Retour à Little Wing est un roman généreux, authentique, un voyage au cœur des hommes et des femmes attachés à leur terre en quête de bonheurs simples. Un livre qui mérite d'être lu, même si le début, je dois bien le reconnaître, est un petit peu fastidieux.

Bonne lecture ! 

mercredi 10 février 2016

Mon avis sur "Millénium 4, ce qui ne me tue pas" de David Lagercrantz

Si je vous dit Millénium, vous me répondez Mikael Blomkvist et Lisbeth Salander. Et oui, forcément, qui ne connaît pas la fameuse trilogie de l'écrivain suédois Stieg Larsson ? Alors qu'elle était un an avant sa parution, orpheline de son auteur, emporté  d'une crise cardiaque en 2004, Millénium a été couronnée d'un succès mondial.
Quand j'ai entendu dire que la saga continuerait avec la parution d'un quatrième volet, mon petit cœur n'a fait qu'un bond !

Il y a ceux qui ont été choqués par la démarche et ceux qui se sont réjouis de pouvoir retrouver les personnages mythiques de Millénium. Ayant adoré la trilogie, j'ai volontairement laissé passer un peu de temps avant de me ruer sur ce nouvel opus écrit par David Lagercrantz. Alors, fallait-il vraiment confier la suite de cette saga à un autre auteur Je vous dis tout.

Millénuim 4, ce qui ne me tue pas débute sous la pluie et la  tempête d'un mois de novembre avec Frans Balder. Frans, un chercheur de pointe dans le domaine de l’intelligence artificielle, est de retour à Stockholm après avoir passé plusieurs années dans la Silicon Valley. Il débarque chez son ex-femme pour récupérer August,  son fiston de huit ans,  autiste. Quelques jours plus tard, une réunion est organisée au sein de la revue Millénium qui a changé de propriétaires et décline en terme de qualité. Ses détracteurs accusent Mikael Blomkvist d’être un has-been. Las, Mikael quitte cette réunion et envisage de changer de métier. Tard un soir, il reçoit un appel du professeur Frans Balder qui prétend détenir des informations sensibles qui concernent le service de renseignement des Etats-Unis. Frans a également été en contact avec une jeune femme, une hackeuse hors du commun. Mikael Blomkvist espère tenir enfin le scoop dont Millénium et lui ont tant besoin et surtout croiser de nouveau la route de Lisbeth qu'il a perdue de vue. Malheureusement, il n'aura pas le temps d'en savoir plus, puisque Frans se fera assassiner...
A partir de là, tout s'enchaine à un rythme très soutenu. Nous voici emportés par un vent glacial dans le milieu très technique de l’intelligence artificielle, du piratage informatique, à la recherche des algorithmes perdus, se surprenant même à tenter de résoudre des équations mathématiques. Mikael sera aidé dans sa tâche par une hackeuse de génie, Lisbeth Salander évidemment !
Puis un jour, elle s'est souvenue d'une phrase que son père avait notée sur une petite feuille dans la cuisine, - Was mich nicht umbringt, macht mich stärker. "Ce qui ne me tue pas me rend plus fort". Elle n'en comprenait pas vraiment le sens, mais quelque chose lui dit que cette phrase était importante pour son père. Elle l'a essayée comme mot de passe, mais il y avait trop de lettres. Alors elle a tapé Nietzsche, l'auteur de la citation, et là, d'un coup, un monde secret s'est ouvert sous ses yeux. Elle m'a décrit cet instant comme une étape déterminante de sa vie. Elle avait brisé une barrière qu'on avait dressée devant elle et pouvait exploré ce qui était censé rester caché. (p.362)

Vous l'aurez compris, David Lagercrantz a relevé le défi.  Il réussit à créer immédiatement la tension. Le récit est très documenté et solidement construit. L'intrigue est particulièrement bien ficelée. Les points de vue s'alternent pour rythmer la lecture. Le lecteur est embarqué dans l'univers des geeks et surtout prend plaisir à retrouver (enfin !) les personnages dont la personnalité et la psychologie de chacun d'entre eux est admirablement respectée.
Seul bémol, on évolue tellement dans un secteur de pointe que la technologie prend, de mon point de vue, un peu trop le dessus. J'aurai aimé un peu plus de chaleur humaine et d'émotion.
Toujours est-il qu'une fois Millénuim 4, ce qui ne me tue pas refermé, on se dit qu'à l'instar de la revue, la saga est sauvée. Tiendra-t-on sur la longueur, surtout si le projet initial de Stieg Larsson de publier dix opus est envisa ? Telle est la question.

En attendant et si vous souhaitez retrouver Mikael et Lisbeth, Millénuim 4, ce qui ne me tue pas, est pour vous !

Bonne lecture !